Les richesses mal acquises et les affairistes, telle semble être la nouvelle orientation des enquêtes de l'Inspection générale des finances (IGF) dirigées vers de hauts fonctionnaires et des commis de l'Etat. Des commissions de l'IGF auraient été dépêchées, secrètement, dans certaines wilayas de l'ouest pour mettre la lumière sur certaines fortunes nouvellement amassées. Dans le collimateur de l'IGF, les hauts fonctionnaires de l'Etat dont les signes ostentatoires de richesse commencent à poser problème aux yeux des citoyens et des appareils de l'Etat. Les inspecteurs ont pour mission de récolter un maximum de renseignements et d'informations au sujet de ces fonctionnaires indélicats. Il s'agit, en premier lieu, de recenser les biens immobiliers et autres richesses et d'en vérifier l'origine. «Ils demandent si telle ou telle personne n'a pas bénéficié d'un héritage ou d'un legs familial, nous confie un fonctionnaire de wilaya. Histoire de savoir comment ces fortunes se sont édifiées et sur quelles bases leurs propriétaires se sont enrichis». Avant que les équipes de l'IGF ne tirent leurs conclusions, plusieurs dossiers de hauts commis de l'Etat sont épluchés, dans le but de détecter une moindre utilisation, sans réserve, de deniers publics, ou autre acte de corruption qui ronge les wilayas et les communes. Un rapport de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) avait tiré la sonnette d'alarme sur l'ampleur du phénomène: cela va des avantages dont bénéficient les différents walis et leurs familles, qui utilisent, sans réserve, les deniers publics... à certaines wilayas qui sont gérées comme de petits royaumes inféodés à des potentats locaux. Des factures de complaisance, utilisation sans documents des ressources de la caisse de la wilaya et racket des entrepreneurs. Quatre ans après l'adoption par le Parlement de la loi anticorruption (20 février 2006), le phénomène continue de ronger «démesurément le pays». Selon l'AACC, une section algérienne de Transparency International, rien n'a été fait pour juguler la corruption «qui gangrène toutes les wilayas». De la base au sommet de la pyramide de l'Etat, la pratique des pots-de-vin «devient la règle et non l'exception. La corruption est banalisée. Aucune wilaya, aucune commune n'y échappe. La petite corruption constitue la négation même de l'Etat dans la seule finalité qui puisse le légitimer, c'est-à-dire la recherche de l'intérêt public», écrit l'AACC dans son dernier rapport, rendu public. Un rapport qui tire exclusivement la sonnette d'alarme sur l'ampleur de ce phénomène au niveau des institutions de base de la République, en l'occurrence les communes, les daïras et surtout les wilayas. Les formes de corruption sont, selon l'association, multiples: commissions, usage de la contrainte pour l'obtention des dessous de table, échanges de services et de faveurs entre promotionnaires, parents, ressortissants d'une même localité et membres d'une même famille politique ainsi que les détournements des biens publics, des abus de biens sociaux ou l'usage indu de matériel de l'Etat. «Dès qu'il y a possibilité d'interaction avec le public, tout service, tout contrôle, tout acte administratif, toute sanction sont monnayables et passibles de transactions occultes. Les stratégies, tout comme les tactiques utilisées par les acteurs des échanges corruptifs, diffèrent selon les contextes et les enjeux», note encore le document qui cite la wilaya de Khenchela «comme la plus corrompue en Algérie». La situation est favorisée, précise le rapport, par plusieurs facteurs. En plus du verrouillage de l'information concernant la gestion des affaires locales et l'octroi des marchés publics, l'AACC met en avant l'impunité dont bénéficie l'administration. «La détresse des citoyens face aux abus de l'administration découle de l'absence des voies efficaces de recours et de l'impunité généralisée. Aux allégations et accusations contenues dans la presse ou propagées par la rumeur, font rarement suite des enquêtes approfondies, encore moins des sanctions», affirme la même source, en soulignant que même lorsque des contrôles sont effectués, «l'utilisation des résultats suit des logiques politiciennes». Toutes ces pratiques fleurissent, devant l'absence des codes de wilaya et de la commune adaptés à la réalité et la neutralisation des institutions de contrôle, telles que la Cour des comptes et l'IGF.