«Quel est votre niveau d'instruction?», lance la présidente de l'audience à l'intention de B.L., dit «Er-Rouget»? Ce dernier baisse la tête et dit ne pas avoir dépassé le cap de la quatrième année moyenne. «Mais comment avez-vous appris à aussi bien manipuler l'outil informatique?» «En fréquentant les cybercafés», répond le mis en cause. Après avoir répondu à cette première question, le «Er-Rouget», principal prévenu dans l'affaire des documents falsifiés, constituant les dossiers ayant permis la régularisation de véhicules volés, explique comment le réseau qui s'était spécialisé dans le vol des véhicules, au niveau national et international, avait été constitué. Ainsi, les voitures volées ne sont revendues qu'une fois leur numéro de châssis changé et de nouveaux dossiers attribués. Et c'est là qu'intervenait le fameux «Er-Rouget». Toutefois, ce dernier n'agissait pas seul. Et même si c'était lui qui se chargeait d'établir les faux documents, il avait des complices qui étaient chargés de commander les documents dont il avait besoin pour la constitution des dossiers de voitures volées. Ils sont même arrivés à falsifier des sceaux de l'état, des extraits d'actes de naissance, de résidence, de vente ainsi que le fameux document 846, appartenant à la douane. Signalons également que des employés de la daïra d'Es Sénia ont étés cité dans cette affaire. Selon l'enquête préliminaire, ce réseau n'a pu fonctionner que grâce à leur complicité. Toutefois l'instruction les relaxera. Rappelons que cette affaire a éclaté, suite à des informations parvenues aux éléments de la gendarmerie, en mai 2009 et portant sur l'existence d'un réseau, passé maître en faux documents, concernant des véhicules volés et dont les tentacules s'étendaient à Oran, Relizane et Naâma. Le 21 février 2010 et après l'infiltration d'un élément sécuritaire dans le réseau, ses membres tombent tous. L'enquête ouverte permet alors de déterminer l'existence de nombreuses victimes qui, sans le savoir, avaient acheté des voitures dont les documents étaient falsifiés. Au total, ce sont 266 faux dossiers qui ont pu être résolus sur les 437 saisis. Par ailleurs, outre le représentant du wali qui s'est constitué partie civile, d'autres victimes l'ont également fait. Hier, ont donc comparu, devant le tribunal criminel de la cour d'Oran, onze mis en cause. Le fameux Er-Rouget ne nie aucun fait, et donne, bien au contraire, beaucoup plus d'explications. «Votre Honneur, je ne dis pas que je suis innocent. Je suis venu de M'sila à Oran pour travailler et je me suis retrouvé, faisant partie d'un réseau. On m'a proposé un travail et je l'ai fait, car manipuler l'outil informatique, était chose facile. Stupéfaite, face à tant de franchise, la présidente de l'audience le laisse parler. Par ailleurs, les autres prévenus rejettent tous de bloc les accusations arrêtées à leur encontre et déclarent être innocents. Les agents de la daïra, cités en tant que témoins, diront, de leur côté, ignorer que les documents, se trouvant dans les dossiers, étaient faux. Devant cette réponse, la magistrate de l'audience leur lance avec une pointe d'ironie: “Evidemment, vous ne pouviez le savoir.” Lors de son réquisitoire, le représentant du ministère public revient sur cette affaire qui a tant défrayé la chronique et explique la manière dont le réseau s'est organisé en tissant ses toiles, au-delà de la mer. Il requiert donc la perpétuité contre Er-Rouget, pour contrefaçon de sceaux de l'état et leur utilisation. Et requiert la peine de deux ans de prison ferme, à l'encontre des autres mis en cause, pour le délit de faux et usage de faux. La défense, quant à elle, a plaidé la non-culpabilité de leurs mandants. Celle d'Er-Rouget a par contre quémandé les circonstances atténuantes, avançant que son mandant avait été utilisé par un réseau de trafiquants notoire. Le verdict est tombé en fin d'après-midi et Er-Rouget a alors été condamné à huit ans de réclusion et ces deux principaux collaborateurs, à deux et trois ans de prison ferme. Par ailleurs, quatre autres personnes incriminées dans cette affaire ont écopé de dix-huit mois de prison ferme et quatre autres ont été acquittés.