La chute des naturalisations entre 2010 et 2012 en France résulte d'un "durcissement de l'appréciation des critères", opéré "en catimini" par le précédent gouvernement via des "instructions confidentielles adressées aux préfets", dénonce mercredi un rapport du député socialiste Patrick Mennucci. Ce rapport sur l'accès à la nationalité française, présenté à la presse, fait état d'une hausse massive du nombre de décisions négatives observée en 2011 et au premier semestre 2012. Leur nombre est passé de 36.281 en 2010 à 52.855 en 2011, soit une hausse de 45,6%. Au premier semestre 2012, on comptait déjà 22.151 décisions défavorables. Ces décisions négatives résultent notamment d'une hausse des décisions d'ajournement (passées de 24.133 en 2010 à 38.790 en 2011, +60,7%) et de rejet (de 3.773 à 6.836, +81,2%). A l'inverse, le nombre de décisions d'irrecevabilité, prises lorsque les conditions légales ne sont pas réunies, a diminué, passant de 7.781 à 6.452. "L'accès à la nationalité française a été, ces dernières années, entravé. Un durcissement de l'appréciation des critères de naturalisation a été opéré par le précédent gouvernement en catimini par le biais d'instructions ministérielles confidentielles adressées aux préfets", révèle le rapport. Ces instructions ont été données, selon le rapport, sous la forme de "fiches d'aides à la décision" ou de "fiches pédagogiques" sans en-tête ni signataire, durcissant l'appréciation des critères relatifs notamment à l'insertion professionnelle et aux infractions à la législation sur le séjour régulier remontant à plus de cinq ans. "Les effets du durcissement de la doctrine ministérielle ont vraisemblablement été amplifiés par la déconcentration des procédures de naturalisation après un décret de juin 2010", indique le rapport. Depuis ce décret, les dossiers sont instruits par les préfectures, alors qu'ils étaient avant centralisés dans un bureau spécialisé près de Nantes. Seules 2% des décisions négatives ont été depuis infirmées, selon le même rapport. "Le fait de limiter l'accès à la nationalité française est une atteinte aux principes républicains. Avec cette doctrine ministérielle, le nombre d'années pour devenir français est de 16 ans, alors que le nombre légal est de 5 ans" a déploré Patrick Mannucci. "Il est très préoccupant que l'administration ait agi de la sorte sur une décision politique de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant (ancien ministre de l'Intérieur), motivée par une stratégie électorale en direction du Front national", a déclaré le député socialiste. Face à ce constat, il préconise d'inscrire des critères clairs et uniformes à l'accès à la nationalité dans une circulaire accessible à tous, avec un renforcement du contrôle parlementaire et la création d'une plate-forme instruction multi-départementale. Dès l'arrivée de la gauche au pouvoir en juin, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a déploré la chute du nombre de naturalisations induits par les consignes de durcissement transmises par Claude Guéant. Il veut désormais redresser la courbe et a déjà transmis aux préfets une circulaire visant à assouplir les conditions d'accès à la nationalité française. Pour redresser cette courbe, la nouvelle circulaire prévoit entre-autres d'assouplir les critères liés au travail, responsables d'environ 40% des refus de naturalisations. Alors qu'il fallait quasi-nécessairement être en contrat à durée indéterminée (CDI) auparavant, un CDD ou des emplois en intérim pourront suffire désormais.