La France a une ''responsabilité particulière" sur le Maghreb et devrait songer à une conception "plus cohérente" de sa diplomatie dans une région qui certes ne forme pas encore un ensemble homogène, a indiqué l'historien et universitaire Benjamin Stora. "Plusieurs facteurs obligeraient la France à définir une politique maghrébine, dont la langue française qui est largement parlée dans la région, et l'immigration maghrébine en France, la plus importante en Europe", a-t-il affirmé lors d'une rencontre animée jeudi soir à l'Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris. Selon l'historien, cela placerait la France dans une "responsabilité particulière" par rapport à l'Europe. "Le lien culturel, la langue particulièrement, et le passé colonial placent la France dans une responsabilité particulière" sur la Maghreb, a-t-il expliqué, ajoutant que cela aiderait le pays à "définir une position politique commune" à la région. Aux yeux de l'historien, si l'on veut réfléchir à une définition d'une politique française du Maghreb, il y a plusieurs "niveaux de pratique" politique. "Il y a d'abord la politique économique avec un partenariat vieux de 40 ans dans la région, puis le niveau de lien culturel se traduisant par la libre circulation de personnes et enfin le niveau diplomatique qui gagnerait à être cohérent sur la Maghreb, y compris son espace saharien", a-t-il dit. Selon le professeur d'histoire du Maghreb contemporain, il faudrait dépasser la relation d'Etat à Etat sur le plan bilatéral et d'avoir une conception "très large" sur l'ensemble de la région. Pour la politologue et chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Khadija Mohsen-Finan, les " signaux " d'une telle politique française " ne sont pas encore là ". " Au niveau des actes, il n'y a pas de signaux forts de cette politique (...) On est revenu à des relations traditionnellement économiques ", a-t-elle estimé. Une telle politique maghrébine de la France suppose, selon l'analyse de Jean-Yves Moisseron de l'Institut de recherche pour le développement, des " moyens qui n'existent plus ". "Cette capacité d'intervention doit s'insérer dans un processus européen qui bat de l'aile, avec une UpM finissante ", a-t-il opiné, appelant à un changement " radical " des paradigmes sur la façon d'engager une nouvelle coopération avec le Maghreb. Pour le rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek, les interventions militaires en Libye et au Nord Mali ont créé, pour une dizaine d'années, une zone d'instabilité dans la région du Sahel, rendant, à son sens, " plus compliquée la définition d'une politique française en direction du Maghreb ". " Paradoxalement, les problèmes d'insécurité dans le Sahel et des pays du Maghreb font qu'il y a un besoin de définition de cette politique ", a-t-il toutefois relativisé. Les intervenants dans le cadre de cette rencontre, organisée dans le cadre des Jeudis de l'IMA, tentaient de répondre à la question de savoir s'il y avait une politique maghrébine de la France, notamment à la lumière de la tournée du président François Hollande en Algérie (décembre), au Maroc (Avril) et en Tunisie (Probablement en juin).