Les habitants de Crimée se prononceront dimanche par voie référendaire sur le rattachement de la péninsule ukrainienne à la Russie, une consultation jugée illégale par les nouvelles autorités de Kiev et les Occidentaux qui ont averti Moscou de "sévères" sanctions. Les Criméens auront le choix entre deux questions: la première est "Approuvez-vous la réunification de la Crimée avec la Russie comme membre de la Fédération de Russie. La seconde est "Approuvez-vous la restauration de la Constitution de Crimée de 1992 et le statut de la Crimée comme faisant partie de l'Ukraine?". Environ 1,515 million de personnes pourront participer au vote. Pour que le "oui" l'emporte, il faudra que les votes favorables représentent plus de la moitié des suffrages exprimés. Aucun seuil de participation minimal n'est prévu. La constitution de 1992, adoptée après la chute de l'Union Soviétique en 1991 mais rapidement abolie, prévoyait pour la péninsule un statut d'Etat indépendant au sein de la république d'Ukraine. Sur 2.3 millions d'habitants, près de 60pc sont russophones en Crimée. Le référendum prévu dimanche se tiendra dans un contexte marqué par une forte tension en Crimée, et dans le reste de l'Ukraine, en proie à une crise depuis la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukouvitch à l'issue de plusieurs semaines de manifestations dénonçant le refus, fin novembre, de l'ancien chef de l'Etat de signer l'accord d'association avec l'Union européenne. A Simféropol, la capitale de péninsule ukrainienne, le "Premier ministre" de Crimée, Serguii Axionov, a appelé les russophones des régions de l'Est du pays à suivre son exemple et à organiser des référendums pour demander leur intégration à la Russie. Toujours en Crimée, la minorité tatare était descendue vendredi dans la rue réclamant le départ des soldats russes installés dans la péninsule depuis fin février, au lendemain de l'appel au boycottage du référendum lancé par leur leader historique Moustafa Djemilev. Et le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a assuré que l'Ukraine ne cédera pas "un centimètre de son territoire". "C'est notre terre, nous n'en céderons pas un centimètre. Que la Russie et son président le sachent", a-t-il dit récemment. Le référendum jugé illégal et contraire au droit international A quelques heures de la tenue du référendum en Crimée, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU s'apprêtent à se réunir ce samedi en urgence pour voter une résolution dénonçant cette consultation. Des diplomates s'attendent à ce que la Russie mette son veto au texte. La résolution, rédigée par les Etats-Unis, affirme que "le référendum ne peut avoir aucune validité et ne peut pas fonder la moindre modification du statut de la Crimée". Il demande à tous les Etats de ne pas reconnaître son résultat. Le Conseil y réaffirme aussi "son engagement envers la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues". Le texte demande à Moscou et Kiev d'"entamer un dialogue politique direct" et de faire preuve de retenue. Face aux critiques occidentales, le président russe Vladimir Poutine, a affirmé dans un entretien avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon que le référendum de dimanche était "absolument conforme" au droit international et à la Charte des Nations unies. En réponse à Poutine, M. Ban a déclaré qu'il "ne devrait y avoir aucune décision précipitée qui puisse affecter la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de l'Ukraine". A Washington, le président américain Barack Obama a assuré espérer toujours une solution diplomatique, tout en avertissant Vladimir Poutine qu'il y aurait "des conséquences" pour la Russie si cette voie échouait. Son secrétaire d'Etat John Kerry a lui aussi fermement mis en garde Moscou contre "des sanctions" et répété que le référendum était "illégitime". Selon des sources européennes, l'UE étudie des sanctions contre un nombre "limité" mais "politiquement significatif" d'une trentaine de personnalités jugées responsables de l'intervention russe en Ukraine. Pour Berlin, le résultat du référendum de dimanche sur le rattachement de la Crimée à la Russie "sera sans signification", selon un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères. Pour sa part, la chancelière allemande Angela Merkel, a évoqué "une catastrophe" pour l'Ukraine et pour la Russie si celle-ci continuait à se mettre en travers d'une solution de compromis. De son côté, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a estimé que le "moment est venu" pour l'UE d'adopter des sanctions plus sévères contre la Russie dans la crise ukrainienne. Moscou menace d'intervenir dans l'est ukrainien Au moment où l'Occident menace d'imposer des sanctions contre la Russie après l'échec des efforts diplomatiques pour infléchir la position du Kremlin, Moscou a brandi la menace d'une intervention militaire dans l'est russophone de l'Ukraine. "Les autorités de Kiev ne contrôlent pas la situation dans le pays (...) La Russie a conscience de sa responsabilité pour la vie de ses concitoyens et compatriotes en Ukraine et se réserve le droit de les protéger", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères, après des heurts violents survenus la nuit précédente à Donetsk (est de l'Ukraine). La Russie contrôle depuis fin février la péninsule ukrainienne de Crimée, sur la mer Noire. Vladimir Poutine a obtenu du Sénat russe l'autorisation d'utiliser ses troupes en Ukraine pour intervenir au nom de la protection des russophones.