Le chanteur constantinois, à la voix pleine, Mohamed Segueni Abderrachid dit "Toto" a animé jeudi soir à Alger un concert dans le genre malouf et aissaoua, une musique savante du patrimoine algérien, pourtant peu programmée dans la capitale. Dans un accoutrement traditionnel, le chanteur, au charisme imposant, fit son entrée sur la scène de la salle Ibn Zeïdoun de l'Office Riadh El Feth, déplorant d'abord, "une négligence flagrante dans la communication de l'évènement", ce qui a entraîné la présence d'un public très peu nombreux. Une occasion ratée pour le public algérois d'apprécier un genre musical relevé caractérisant l'est algérien, dérivé de la musique andalouse -qui compte également le genre "Sanâa" (région d'Alger) et le "Gharnati" (Tlemcen)- et qu'il n'a la chance de savourer que lors de festivals ou d'évènements nationaux. La vacuité des lieux n'ayant aucunement entamé l'expérience et le professionnalisme de l'artiste et ses huit musiciens, la trentaine de spectateurs présents a eu droit, près de deux heures et demie durant, à un spectacle plein, où le patrimoine musical est algérien a brillamment été revisité. Une quinzaine de pièces du patrimoine malouf ont été entonnées par le chanteur à la voix ténor dans une interprétation de haute facture qui a vu les musiciens se surpasser de technique et de virtuosité, Youcef Bounaas au nay (flûte orientales), Nabil Taleb au violon et Abderrahim Smati à la percussion, notamment . Les pièces Bachraf, Regrig, Ghab felk lahbab, Halet aâla yediha, Dalma, Salah Bey, Men djat ferguetek fi bali, Zejel, Ya ness ya kaoum, Faha ez'zaharou fil boustène et Bel'lahou ya hamami, ont été rendues dans le plaisir à jouer et beaucoup de métier dans le doigté. Dans la partie aissaoua, les "Kadiriyet", Ma aândi Zella, Gh'zali winou et Guerreb essabah ont enflammé le petit public de mélomanes qui a eu du répondant avec des youyous et des applaudissements nourris, savourant ce Moment de musique dans l'allégresse et la volupté. Interprétant de belles mélodies du terroir, avec des textes d'une grande profondeur datant du siècle dernier, écrits par des poètes érudits et dans des rythmes composés comme le Zendali et Chaïb ou ch'bab, l'artiste a embarqué l'assistance dans une randonnée onirique. Dirigés d'une main de maître par Mohamed Segueni Abderrachid, les musiciens éprouvaient du plaisir à jouer et reprenaient les refrains dans des tours de chorale plaisants. Né en 1960 à Constantine au sein d'une lignée de quatre générations de musiciens, Mohamed Segueni s'est formé en se frottant à de grands maîtres comme Kader Toumi, Mohamed Tahar Fergani et Kadour DarsounI. Violoniste et chef d'orchestre, il crée sa propre formation en 1977, maîtrisant aussi bien le Malouf que le genre Aissaoua, grâce à un fort tempérament et une aisance dans l'interprétation immédiatement perceptible. Perfectionnant son art à "l'oreille musicale", le "Cheikh" s'est affirmé comme l'un des chanteurs classiques les plus en vue de Constantine. Nourrissant son art de spiritualité, Mohamed Segueni Abderrachid, devenu artiste à vocation universelle, a déjà représenté l'Algérie à diverses occasions dans plusieurs pays étrangers, aux Etats Unis, au Canada, en Russie et en France notamment. Le concert de Mohamed Segueni Abderrachid a été programmé à Alger pour une représentation unique.