Les régions bérbères de la wilaya de Bordj Bou Arreridj fêtent le nouvel an Amazigh avec des traditions ancestrales qui se transmettent de génération en génération à l'instar des habitants d'Aourir (commune de Djaffra au Nord de la wilaya), un village perché sur le haut du massif des Bibans et jonchant la vallée de la Soummam. Dans sa grande maison surplombant son village natal, à plus de 1400m d'altitude, Na Fatma, une octogénaire ancienne combattante dans les rangs de l'Armée de libération nationale, toujours active malgré le poids de l'âge, est également connue et reconnue comme étant la guérisseuse de la région vu que ses conseils médicinaux et ses préparations à base de plantes demeurent, dit-on, "toujours efficaces". Invitée à parler de la célébration de Yennayer dans la région, Na Fatma (84 ans) confie à l'APS qu'à l'approche de la nouvelle année toutes les femmes du village s'affairent à un nettoyage général de leur maison, en commençant par chauler son intérieur puis l'extérieur. Après ce "lifting", vient le rituel très minutieux du changement des pierres qui forment "El kanoun", à savoir trois pierres que l'on dispose en forme de triangle en guise de trépied sur un trou creusé dans un coin de la maison, où l'on fait brûler des bûches "tifactin" ou de grosses racines de plantes "Tiqjamya?" ou encore de petits troncs d'arbres "izqo?an" pour cuire des aliments ou pour se réchauffer. Une opération renouvelée chaque année et à laquelle la population accorde une importance capitale, précise-t-elle, puisque les pierres de l'an dernier sont soigneusement mises dans un morceau de tissu puis ensevelies par la suite dans la forêt voisine. La veille de Yennayer, poursuit-elle, à savoir dans la nuit du 11 au 12 janvier, les habitants de la région préparent le plat traditionnel, en l'occurrence le couscous avec du poulet. Selon la même source, une autre tradition consiste à préparer pour le déjeuner de Yennayer un plat appelé "Iferkane" (M'cherchem dans d'autres régions du pays ), un met de choix confectionné avec tous les féculents de l'année dernière dont le blé, fèves, lentilles, petits pois, haricots et pois chiche notamment, qui sont cuits tous ensemble dans une grande marmite avec de l'eau et du sel, et servi comme soupe. Dans la soirée, les femmes s'activent à préparer ''Tigrifine'' (crêpes) ou ''Sfenj'' (beignets) tout en laissant la fumée de la cuisson se répandre dans la maison, une manière de chasser "Lebaabeche" (les mauvais esprits), selon une croyance païenne, confie Amer Bouguetaya un membre de la famille de Na Fatma et également président d'une association culturelle locale.