La Déclaration du 1er novembre 1954, annonciatrice du déclenchement de la glorieuse guerre de libération nationale, a été un "affront" pour la France "orgueilleuse", a indiqué l'historien Mohammed Ould Si Kaddour El-Korso, soulignant le "long" travail à faire s'agissant de la question mémorielle. "La Proclamation du 1er Novembre 1954 a été un affront pour une France orgueilleuse et méprisante et une véritable rébellion contre l'ordre colonial. En s'adressant directement au peuple algérien, elle a élevé celui-ci au rang d'acteur majeur sur qui reposait non seulement le sort de la Révolution, mais l'avenir de l'Algérie au présent et au futur", a souligné déclare M. El-Korso dans un entretien à l'APS. S'exprimant à l'occasion de la commémoration du 66e anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, il a ajouté que cette Déclaration "a eu au moins le mérite de faire table rase du passé, en mettant chacun devant ses responsabilités, en premier lieu la France", expliquant que cette dernière "a été mise devant un choix qu'elle n'avait jamais envisagé, en l'occurrence celui d'une sortie de crise honorable en négociant avec le Front de libération nationale (FLN) d'une part, ou l'option des armes et de la violence, d'autre part". Il a également relevé que la Déclaration du 1er Novembre "a pris au dépourvu les Algériens eux-mêmes, y compris les plus politisés d'entre son élite, en sus de ceux qui n'avaient en mémoire que le seul nom du +Zaïm+ Messali Hadj". Revenant sur les crimes perpétrés par la France coloniale sur des Algériens sans défense, l'histoiren a rappelé que ces crimes ont été commis, pendant plus d'un siècle, par l'une des colonisations les plus féroces et ont été encadrés par une administration qui "a fait de la répression tout azimut sa raison d'être". De même, a-t-il expliqué, ces crimes "ont été exploités, jusqu'à épuisement, par la grosse colonisation terrienne servie à merveille par une nuée de Caïds, Aghas, Bachaghas, gardes-champêtres et forestiers, Chaouchs et autres mouchards", relevant également "le dénuement extrême et la déculturation au possible dont ont été victimes les colonisés n'ayant d'autres horizons que le +Mektoub+ (destin) qui plombait leur avenir et celui de leur pays". Abordant l'avenir des questions de mémoire, toujours en suspens, entre l'Algérie à la France, M. El-Korso constate que "les tensions sont tombées d'un cran" depuis l'élection, en 2017, d'Emmanuel Macron à la magistrature suprême de la France. mais "pour significative qu'elle soit, la restitution récente des crânes des Chouhada de la résistance populaire n'est que l'arbre qui cache la forêt. Le plus dur étant de savoir jusqu'où pourra aller le président Macron", s'est-il interrogé. "Dans ses conditions, déclassifier les archives, surtout celles militaires et classées +Secret défense+, serait suicidaire pour un président plus décidé que jamais à briguer un second mandat", suggère-t-il, considérant la désignation par Macron de l'historien français, Benjamin Stora, pour mener le dossier de "la Mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie", comme étant un choix qui s'inscrit "en droite ligne" avec la déclaration du président français, lors de sa visite à Alger le 15 février 2017, à savoir que "la colonisation française était un crime contre l'humanité". "Politiquement et scientifiquement, ce choix ne relève pas du hasard. Historien confirmé et aux nombreux travaux sur l'Algérie, M. Stora est à même de faire avancer les choses pour peu qu'il résiste aux pressions qu'il subit", commente M. El-Korso. L'Algérie opte pour une démarche "pragmatique" Pour M. El-Korso, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune "semble avoir opté pour une démarche apaisée, dynamique et pragmatique" sur les dossiers liés à la question de mémoire entre l'Algérie et la France. Par ailleurs, M. Ell-Korso a tenu à saluer le rôle des chercheurs français comme Olivier Le Cour Grandmaison, Gilles Manceron, Emmanuel Blanchard, Raphaël Branche et Sylvie Thénault qui "œuvrent pour l'accessibilité des archives détenues par la France", rappelant, à titre d'exemple, que c'est en marge du procès Maurice Papon à Bordeaux (1983) et grâce à Jean-Luc Einaudi qu'une partie des archives des massacres du 17 octobre 1961 a été ouverte au public et, par conséquent, aux chercheurs et étudiants algériens. "La guerre d'Algérie est loin d'être finie. Ses profondes séquelles demeurent dans le subconscient des Algériens pour longtemps. Tout un travail reste à faire par les historiens dans la limite de leurs moyens", observe-t-il, estimant que "cette page de notre histoire continuera d'être un sujet de recherche durant les années à venir". A la question de savoir si les générations post-1962 mesurent suffisamment le sacrifice de leurs aînés, l'historien a fait remarquer que "chaque génération est le produit de son propre environnement et chacune a son identifiant appelé +idéal+ qui, pour les générations des années 1920-1960, a été l'accès à l'Indépendance de l'Algérie, alors que pour les générations post-indépendance, il s'agissait de contribuer à l'édification du pays". "En se réappropriant l'emblème national, les slogans ainsi que les portraits des pères de la Révolution, les jeunes du +Hirak+ ont prouvé qu'ils n'ont, en réalité, jamais tourné le dos à l'Histoire de la nation dont ils ont fait une arme contre les imposteurs de tout acabit pour sauver le pays". Enfin, M. El-Korso a tenu à défendre la "sacralité" de la Proclamation du 1er Novembre 1954, car elle constitue un acquis "inaliénable" de tout le peuple algérien.