Au-delà de son apport financier à la Révolution de novembre 1954, le combat de la Fédération de France du FLN était jalonné de hauts faits d'arme qui, de l'avis d'acteurs, d'historiens et de politiques, ont "étourdi" l'ennemi sur son propre sol. Selon le président de l'Association des anciens combattants de la Fédération de France du FLN, Mohand Akli Benyounès, fallait porter le combat, mené par le FLN depuis quatre années (1954), sur le territoire français. "De cette façon, nous avons pu toucher l'opinion publique française qui, jusque-là, percevait la guerre d'Algérie avec un certain éloignement. De même que l'opinion publique mondiale était alertée et sensibilisée au drame que vivait le peuple algérien", a-t-il affirmé. Pour M. Benyounès, également membre du Conseil de la nation, la situation s'était en effet aggravée depuis le 13 mai 1958, les colons ayant réussi à convaincre les chefs militaires français à épouser leurs thèses en créant les fameux "comités de salut public". "L'ouverture d'un autre front en territoire français visait à soulager les maquis et nos populations de la pression qu'ils subissaient", a ajouté M. Benyounès pour qui ce second front avait aussi pour but de "démontrer que le FLN, que la propagande déclarait impuissant et sans influence, était au contraire plus fort que jamais au point de porter la lutte armée sur les terres de la puissance coloniale". "Ce fait était inédit car aucune révolution jusque-là n'était parvenue à atteindre un tel objectif", a-t-il affirmé, rappelant que le général De Gaule, qui venait d'être porté au pouvoir, "a lui même constaté qu'aucun pays colonisé dans le monde n'a connu un fait similaire". Ce front a été effectivement ouvert le 25 août 1958. Il est l'aboutissement d'une organisation minutieuse, se souvient Benyounès qui rapporte que "ce jour-là, avec une spontanéité exemplaire sur l'ensemble de l'Hexagone, les militants du FLN en France ont organisé 56 actes de sabotage, visé et atteint 181 objectifs économiques et militaires, comme la cartoucherie de Vincennes et les raffineries de Maurepiane (Marseille)". Le caractère inédit de telles actions en sol français est également souligné par l'historien Henri Pouillot selon qui "ce doit être le seul cas de lutte d'indépendance au monde où un tel scénario a été réalisé" La "banque" de la Révolution .Outre ces faits d'arme, la Fédération de France du FLN n'a eu de cesse de collecter des fonds pour la lutte de libération nationale, au point de faire dire à M. Benyounès que "notre communauté en France a été la banque de la Révolution". "Nos compatriotes ont commencé à cotiser pour l'effort de guerre, dès le début de la Révolution, en 1954, cotisations collectées auprès des travailleurs regroupés par villages et envoyées au pays pour aider les maquis", a-t-il témoigné. Ces apports étaient modulés selon que le cotisant était salarié, commerçant ou de profession libérale. Le montant des cotisations grossissait au rythme de la "structuration" qui a été mise sur place dès 1957 et qui consistait à aller dans les hôtels et autres lieux de résidence des Algériens, à les rassembler et à constituer des cellules de quatre personnes avec une cinquième comme responsable. "Ce qu'il convient de retenir c'est que la contribution des Algériens en France était de l'ordre de 1 milliard de centimes (ancien franc)", a affirmé M.Benyounès, qui assure, qu'après les manifestations du 17 octobre 1961 et le démantèlement des structures du FLN par la police française, "j'ai eu à faire acheminer, en tant que coordinateur des six wilayas de France, les cotisations d'octobre, novembre et décembre 1961, stockées dans une cache, soit trois milliards de centimes". Selon l'historien Pouillot, les cotisations collectées en Métropole ont apporté la partie financière "la plus importante dont a pu disposer le FLN". Ces fonds, a-t-il ajouté, transitaient par des comptes en Suisse et ont servi à payer l'armement, le nécessaire pour les combattants. Porteurs de valises et d'espoir En plus des "nationaux", des Européens acquis à la cause nationale ont été d'un apport "précieux" à la Révolution, de l'avis tant d'acteurs que d'historiens. Pour Benyounès, ceux que l'on appelle "porteurs de valises" sont des amis de l'Algérie, des Européens militants du FLN. "La justesse de notre combat, les idéaux que nous défendions étaient des principes universels admis par une grande majorité dans le monde", a-t-il relevé. Outre l'acheminement des fonds collectés par le FLN vers les banques suisses, ce réseau, chapeauté pat le professeur en philosophie Francis Jeanson, avait souvent aussi à héberger, cachet des militants FLN et à organiser les Algériens avec des syndicats de gauche. Les membres de ce réseau, au vu de leur militantisme, ont fini par être eux mêmes recherchés. Un procès leur fut même intenté le 5 septembre 1960 pour "haute trahison". Il réunissait 23 personnes, six Algériens et 17 Métropolitains. Cinq autres étaient en fuite dont Francis Jeanson, présenté comme l'inspirateur et l'animateur du groupe. Il y eut 14 condamnations à dix ans de prison, le maximum de la peine encourue, trois autres s'échelonnant de cinq ans à huit mois et neuf acquittements. L'expression des membres de ce réseau était, de l'avis d'Henri Pouillot, "difficile". Le colonialisme, l'idée de l'indépendance algérienne n'étaient pas acquis spontanément, et pour un certain nombre de Français métropolitains, ils étaient des "traîtres". Lors du procès, ont faisait obligation d'intervenir à des partisans impénitents de l'Algérie française comme Jacques Soustelle et le général Salan, qui dénonça "ceux qui se font complices des misérables qui utilisent le couteau". Parmi les membres de ce réseau encore en vie, Adolfo Kaminski, réputé pour avoir été le "faussaire attitré" du FLN, durant la guerre de libération. Dans un entretien à L'APS, il affirme avoir adhéré au FLN par "conviction". "Je ne supportait pas que la France des droits de l'homme utilise les méthodes fascistes et racistes à l'encontre des Algériens. Je me suis toujours battu contre la torture et toute forme de racisme", a-t-il confié. Il dit se rappeler que c'est Annette Roger De Beaumanoir qui l'avait présenté à Francis Jeanson. "C'est à partir de ce moment que nous avons décidé d'intervenir, à travers mon expérience dans la clandestinité, les faux papiers, les passages aux frontières, les cloisonnements des réseaux, de sauver des Algériens menacés", se rappelle-t-il. Pour Kaminski, ce qui comptait le plus c'était l'efficacité du moment à établir des faux papiers sans trop s'exposer. "J'activais dans l'ombre. Les demandeurs de faux papiers transitaient d'abord par les réseaux belges, dont celui de Henri Curiel, qui à leur tour sollicitaient mes services", a-t-il expliqué. Tout en affirmant qu'il n'était pas trop en contact avec le monde extérieur pour des raisons évidentes de sécurité et de confidentialité, il se rappelle avoir hébergé des Algériens recherchés. "Je le faisais à titre personnel, parallèlement au réseau de Jacques Charby", a-t-il précisé, avouant avoir, durant ce parcours de militants, "croisé des gens formidables qui ne sont plus". Il cite Francis Jeanson, Cécile Manoir, Jacques Vrique, Gloria De Rerrera (Katia), Jacqueline Carré, Michel Firque, Mourad Oussedik, Amar Ladlani, Robert Davezies, Henri Curiel et tant d'autres morts pour que vive l'Algérie.