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Nous apprécions la détermination et l'efficacité de l'Algérie à faire face à la menace terroriste
le ministre italien des affaires étrangères, Franco Frattini à El Khabar
Publié dans El Khabar le 11 - 07 - 2011

Le diplomate italien, M Franco Frattini a affirmé lors de son entretien avec El Khabar la volonté de Rome de renforcer ses relations avec l'Algérie dans les domaines, politique, économique et sécuritaire, saluant l'expérience algérienne dans la lutte antiterroriste. Frattini a également insisté sur le soutien de Rome au processus de changement dans les pays arabes, indiquant qu'il est nécessaire de soutenir les processus de réforme sans pour autant user d'une approche paternaliste, et sur la nécessité de trouver une solution politique à la crise libyenne.
1- Quelle évaluation faites-vous des relations qu'entretiennent entre Alger et Rome sur le plan politique, économique et sécuritaire, et quelles pourraient être les perspectives de leur consolidation ? Pensez-vous que les flux d'investissements italiens en Algérie pourraient connaître un meilleur essor étant donné que l'Italie est le principal client de l'Algérie ainsi que l'un de ses plus importants partenaires commerciaux ?
La relation entre nos deux pays est à tous les niveaux, solide et bien établie, elle ne date pas d'hier et remonte au moins aux années '50 lorsque la cause algérienne trouvait un écho en Italie qui lui manifesta son grand soutien. L'Algérie et l'Italie partagent des intérêts de grande envergure liés à la sécurité et à la stabilité en Méditerranée, au Maghreb et au Sahel. Nous avons depuis quelques années développé une étroite et forte collaboration en matière de lutte contre le terrorisme, la criminalité et tout genre de trafic illicite (drogue, traite des personnes, etc.). Nos positions et nos points de vue convergent sur des questions de gouvernance mondiale notamment la réforme du Conseil de Sécurité des Nations Unies et des thématiques internationales et régionales.
Sur le plan économique, l'Italie figure aujourd'hui et depuis plusieurs années parmi les premiers partenaires commerciaux de l'Algérie, fortement et traditionnellement présente dans les secteurs de l'énergie et des travaux publics. Pour vous livrer une idée des liens d'interdépendance qui caractérisent nos relations, l'Italie importe d'Algérie près de 40% de ses besoins en gaz naturel. Une réalité structurelle n'ayant pas souffert des contrecoups de la conjoncture économique internationale.
Cependant, nous avons l'ambition d'aller plus loin et de développer un partenariat équilibré et à long terme dans un ensemble de secteurs économiques on ne peut plus amples et articulés, de l'agro-industrie aux énergies nouvelles et renouvelables, de la collaboration au développement de la petite et moyenne entreprise aux infrastructures et aux secteurs high-tech, tel que les télécommunications.
L'Italie a tellement à proposer dans ce sens et l'un des messages forts que je vais devoir faire passer au cours de mes diverses rencontres à Alger sera de réaffirmer la volonté de l'Italie à développer le partenariat et à diversifier et renforcer davantage sa présence économique en Algérie.
2-Le dossier du terrorisme et de la résurgence du danger qu'Al Qaida représente au Maghreb islamique (AQMI) se posent avec acuité en Méditerranée et au Sahel. Comment percevez – vous ce challenge et que peut apporter l'Italie sur le plan multilatéral en tant que partenaire de l'Algérie au sein du partenariat OTAN-Pays de la Rive Sud de la Méditerranée, du Forum 5+5, ainsi que sur le plan bilatéral ? Quelle appréciation faites –vous de la coopération militaire et sécuritaire qui semble prendre des proportions importantes par la vente d'équipements militaires à l'Algérie et la formation d'officiers de l'ANP par l'Arme des Carabiniers ?
Le terrorisme international continue à être un défi prioritaire à relever pour la sécurité de l'Italie, de l'Algérie ainsi que celle de nos voisins. Nous apprécions la détermination, l'efficacité ainsi que la maîtrise par lesquels l'Algérie a réussi par le passé à faire face à la menace terroriste. Malheureusement, ce défi est toujours présent même s'il épouse de nouvelles formes et s'inscrit dans un contexte différent.
Les réseaux terroristes internationaux au Sahel mais aussi dans d'autres régions du monde, à savoir la Corne de l'Afrique, peuvent et doivent être combattus à travers les efforts communs de la communauté internationale. Il est fondamental de coordonner nos actions bilatérales avec celles que nous menons au sein des organisations internationales, en l'occurrence l'Union Européenne, l'Union Africaine et les Nations Unies et ce, dans le contexte des stratégies respectives de lutte contre le terrorisme.
Au niveau bilatéral, nous nous réjouissons que la première réunion du groupe de coopération contre le terrorisme ait eu lieu à Alger en novembre 2010. Ce groupe de travail représente un instrument permettant d'intensifier davantage la coopération bilatérale dans ce domaine par une approche réellement pluridisciplinaire, rendant plus efficaces et plus cohérents les différents canaux de coopération. Il est essentiel de partager nos expériences acquises dans différents volets de lutte contre le terrorisme : politique, diplomatique, judiciaire, financier, opérationnel et d'assistance technique.
Nous espérons pouvoir abriter à Rome dans les prochains mois la deuxième réunion du Groupe de contact.
La collaboration entre l'Italie et l'Algérie en matière de sécurité est présente même au sein de forums sous-régionaux euro-méditerranéens tels que le forum 5+5 Défense, véritable exemple de coopération pragmatique et fonctionnel entre les Pays de la région euro-méditerranéenne, étendu aux secteurs de la surveillance maritime, de la sécurité aérienne, de la protection civile et de la formation du personnel.
Dans un même temps, le Dialogue Méditerranéen de l'OTAN demeure un atout majeur permettant de contribuer au renforcement du processus de réforme en cours en matière de sécurité sur la Rive Sud de la Méditerranée. L'Italie est très satisfaite de l'ouverture et de la sensibilité que l'Algérie a manifesté à cet égard et de notre part, nous confirmons notre entière disposition à abriter en Italie une session sur le Dialogue Méditerranéen sous le format des « policy planners », afin d'évaluer les progrès de partenariat et de définir les moyens nécessaires à son développement global.
3- L'immigration clandestine est un autre sujet épineux qui se pose et l'Italie et l'Algérie figurent parmi les Pays les plus concernés par les flux migratoires. Comment une coopération féconde entre l'Algérie et l'Italie pourrait-elle se développer alors que les deux pays ont signé un accord de réadmission ? Comment Rome pourrait-elle contribuer à la stabilisation des populations du Sud et combattre en même temps les liaisons entre crime organisé et immigration illégale ? Qu'en est-il des programmes liés à la migration légale et est-ce que l'Algérie bénéficie de ces programmes ? À combien estimez-vous la communauté algérienne en Italie ? L'Italie va-t-elle procéder à une nouvelle opération de régularisation ?
L'Italie est satisfaite de sa coopération avec les Autorités Algériennes en matière de prévention et de lutte contre les flux migratoires illégaux. L'engagement algérien dans la prévention des flux clandestins se démontre par des données concrètes : au cours des deux dernières années, le nombre de citoyens algériens en séjour irrégulier en Italie n'a cessé de baisser tout comme les débarquements de groupes d'immigrés clandestins algériens sur nos côtes.
Cette coopération migratoire est mise en œuvre dans un cadre juridique qui comprend non seulement un Accord bilatéral de réadmission (en vigueur depuis 2006), mais aussi un Accord de coopération dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité (2008) et un Mémorandum sur la coopération policière entre les deux Ministères de l'Intérieur (2009) prévoyant, entre autres, des programmes de formation en faveur des Forces de Police algériennes.
En reconnaissance de cette concrète coopération bilatérale et depuis l'année 2007, l'Italie a alloué 1.000 permis d'accès au marché du travail italien qu'elle a réservé aux citoyens algériens. Ces quotas ont été confirmés par le Décret sur les Flux Migratoires de 2010. La communauté algérienne, légalement résidente en Italie au 1er Janvier 2011, compte environ 18.000 personnes. L'Italie avait établi en 2009 un dispositif extraordinaire de régularisation sectorielle et le recours à ce genre de mesures reste toutefois très limité par la législation européenne et nationale en vigueur et une nouvelle régularisation dans un futur proche n'est pas à l'ordre du jour.
4- Comment Rome perçoit-elle les mouvements populaires et les changements qui s'opèrent dans le monde arabe ? Ne pensez-vous pas que les aspirations à la liberté et à la démocratie doivent se développer à partir de l'intérieur sans immixtions ni ingérences ? Quelle est la position de l'Italie vis-à-vis des événements survenus en Libye, en Syrie et au Yémen ?
L'Italie soutient les aspirations au progrès politique et socio-économique des populations des pays de la Rive Sud de la Méditerranée et du Monde Arabe. Il s'agit de reconnaître le droit de ces peuples à la démocratie, à la liberté et au développement social, culturel et humain, des valeurs auxquelles nous croyons fermement. En même temps, nous sommes convaincus que chaque peuple est libre de choisir son destin ainsi que la façon la plus appropriée de réaliser ses aspirations. Par conséquent, il est nécessaire de soutenir les processus de réforme dans les pays du monde arabe sans pour autant user d'une approche paternaliste, en imposant des modèles inadaptables aux réalités sociales et politiques nationales. Pour parvenir à un juste équilibre entre les deux exigences, il est nécessaire de toujours veiller à planifier nos interventions en gardant comme objectif principal le bien-être d'un peuple.
C'est dans cet esprit que l'Italie à décidé d'intervenir, dans le cadre de l'OTAN, dans le conflit en Libye, en réponse à l'appel formulé par le peuple libyen et afin d'éviter un véritable carnage à Benghazi planifié par Kadhafi.
Nous sommes convaincus que la crise libyenne nécessite une solution politique caractérisée par la fin des combats, la sortie de scène de Kadhafi, dépourvu aujourd'hui de légitimité, et le lancement d'un processus démocratique inclusif de toutes les composantes de la société libyenne.
Quant à la crise syrienne, il est déplorable que le Gouvernement syrien n'ait pas répondu à l'avertissement de la communauté internationale afin qu'un terme soit mis à toute forme de violence et que soit mis en œuvre un parcours de réforme politique concret à travers un dialogue national crédible, véritable et inclusif répondant aux aspirations du peuple syrien. La répression et la violence, outre à demeurer inacceptables en tant que telles, constituent une menace à la stabilité régionale et nous espérons à ce qu'elles cessent.
J'en viens au final au Yémen. L'initiative du Conseil de Coopération du Golfe est méritoire et partagée car elle favorise une solution parant à la vague de violence qui cause des souffrances injustifiées au peuple yéménite, en demandant d'entamer une transition politique. Une transition, je le souligne, fondée sur le respect des normes internationales des droits humains. Il est avant toute chose du devoir du Président Saleh de prendre en charge concrètement son intention de rétablir les conditions d'une coexistence pacifique dans son pays, en ouvrant de réelles perspectives à la démocratie et en implantant les fondements pour le développement économique du Yémen qui en a désespérément besoin.


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