Demain, l'ordonnance relative à la loi de finances complémentaire 2008 passera à l'APN pour adoption. Une simple formalité qui permettra au président de la république de faire passer comme une lettre à la poste les nouvelles taxes et impositions. Celles-ci vont saigner davantage les petites bourses des citoyens, car elles passeront comme l'exécutif les a voulues et les députés n'auront pas droit au chapitre. Ils ne pourront ni les supprimer ni en atténuer les effets, comme cela s'est fait (même si les cas sont rares) lors des débats sur l'augmentation des prix du carburant, l'importation des véhicules de moins de trois ans, etc. Toutefois, les députés peuvent user de leur prérogatives en refusant de cautionner ces ordonnances. C'est ce qu'a préconisé d'ailleurs Ennahda, à travers son groupe parlementaire dirigé par Mohamed Hadibi. Dans un communiqué rendu public hier, ce dernier a exhorté ses collègues de l'hémicycle à adopter une « position historique » en votant contre ces amendements, ne serait-ce que pour « décliner toute responsabilité vis-à-vis du peuple algérien ». Dans ce communiqué de deux pages, les députés d'Ennahda ont exprimé leur « regret » face « à la violation » du droit législatif du parlement, à travers « le recours abusif aux ordonnances par le président, dans le but de marginaliser le pouvoir législatif, de l'isoler et de réduire son rôle pour le discréditer ». Pour les députés d'Ennahda, si le contenu de l'ordonnance relative aux biens de l'Etat « touche à la souveraineté de l'Etat et compromet l'avenir des générations futures », celui de la loi de finances complémentaire pour l'année 2008 est une « bombe compte tenu des taxes et impôts qui vont sanctionner les citoyens algériens, qui n'arrivent plus à faire face à la cherté de la vie (…) A la lecture de ces nouvelles impositions, les auteurs ne semblent pas vivre dans le monde où vont s'appliquer leurs mesures (…) au moment où les citoyens font face aux dépenses de la rentrée scolaire et du ramadhan, voilà que le gouvernement ajoute à leurs souffrances en décidant de mettre la main dans leurs maigres bourses à travers de nouvelles taxes ». Selon les signataires, les Algériens devront payer des taxes allant jusqu'à 150 000 DA pour un permis de construire, 120 000 DA pour le certificat de conformité, entre 20 000 DA et 240 000 DA pour le permis de démolition, 600 DA de TVA pour chaque nuitée passée à l'hôtel, entre 50 000 DA et 200 000 DA pour chaque achat de véhicule, etc. Pour le parti Ennahda, le recours aux ordonnances pour faire adopter ces amendements est une réaction du gouvernement face au rejet des députés quant à l'augmentation des prix du carburant qu'il a proposée lors de la loi de finances de 2008. « Aujourd'hui, le citoyen est menacé par 27 impôts que le gouvernement veut lui faire payer sans le convaincre de leur nécessité ni de leur objectif, alors que des sommes colossales du Trésor public sont entassées dans des banques étrangères et celles encore en Algérie restent convoitées par les milieux spécialisés dans les fuites de capitaux et la contrebande. » Devant cette situation, les députés d'Ennahda espèrent voir leurs collègues du Parlement adopter « une position historique qui les honore devant ceux qui les ont élus pour les défendre, en votant contre ces amendements qui violent la dignité du peuple et accentuent sa colère contre ses dirigeants ». Un appel très lourd de sens, mais qui aura sûrement du mal à trouver une oreille attentive au sein de ce Parlement, qui a habitué les Algériens à des débats ronronnants, se terminant toujours avec une majorité de mains levées pour dire oui à l'action du gouvernement quel que soit son enjeu stratégique ou ses retombées négatives sur la vie socioéconomique. Les nouvelles impositions sont une véritable bombe qui ne demande qu'une petite étincelle pour exploser sur un front social déjà en ébullition en raison de la cherté de la vie. Peut-on croire que les députés vont laisser de côté les débats houleux sur l'augmentation de leurs salaires pour se consacrer aux problèmes sociaux de ceux qui les ont élus ? Difficile d'y croire...