La Turquie n'est pas restée insensible à la crise financière qui continue de mettre l'économie mondiale sens dessus dessous. Au moment où les « puissants » de la planète ont appelé à une réunion au sommet, le 14 novembre prochain, pour revoir leur copie sur un capitalisme périclitant, un important congrès international des hommes d'affaires a été organisé, entre les 23 et 26 octobre, à Istanbul par le Forum international des hommes d'affaires (IBF). Istanbul (Turquie) De notre envoyé spécial Ont pris part à ce rendez-vous économique plus de 2200 hommes d'affaires et industriels venus de 61 pays. Verbe acerbe et voix haute, des intervenants de haut rang aux convictions goulûment nourries à l'islamisme ont imputé la crise actuelle à la faillite des pays occidentaux à gérer leurs systèmes financiers. Clôturant les travaux du congrès, Tayyip Recep Erdogan, 54 ans, Premier ministre turc, en guest star, a jeté la pierre aux pays développés, accusés de tous les maux. « Ils ont joué le grand jeu et vont désormais le payer très cher », a-t-il tonné comme pour se frotter les mains, avant de rappeler le rôle « peu glorieux » de ces mêmes pays en Palestine, en Irak et en Afghanistan. Le chef de file de l'AKP, parti au pouvoir d'obédience islamo-conservatrice, s'est octroyé des bons points pour la gestion de son gouvernement. Selon lui, tous les voyants sont au vert. « Notre système financier est fiable et il n'y aura pas de concession concernant notre politique monétaire. La crise a ses effets néfastes, certes, mais nous avons les moyens d'en atténuer les répercussions », a-t-il clamé sous les applaudissements nourris d'une salle acquise à sa tirade. Il va sans dire que depuis l'accession d'Erdogan, cet ancien maire d'Istanbul, à la tête de l'Executif turc en 2002, l'économie nationale, à genoux à l'époque, commence à se relever. En effet, selon M. Erdogan, le pays d'Atatürk a réalisé, depuis 2000, une croissance économique de 6,8%, un PIB de 750 milliards de dollars vers la fin 2008, occupe le 16e rang des économies européennes et la 21e place au classement mondial. Avant lui, Omer Chihad Verdan, président de Musiad (organisation patronale d'obédience islamiste) considérait que la mondialisation est une idéologie impérialiste à l'origine de beaucoup de crises dans le monde, en déplorant que les populations des pays islamiques vivent toujours une pauvreté criante alors que leurs caisses débordent de revenus pétroliers. « L'argent accumulé dans les pays du Golfe cherche toujours un investissement sûr. Après cette crise, l'avenir se trouve en Orient », conjecture-t-il. Même son de cloche du côté d'Erole Yerar, président de l'IBF. « La crise mondiale est une crise capitaliste. Les dirigeants des pays développés sont incapables de sortir de l'ornière », a-t-il indiqué, en estimant que la solution se trouve désormais dans la rationalisation de la consommation. Pour lui, il est urgent d'exploiter cette crise de manière positive afin de trouver des solutions efficaces. Il s'agit, a-t-il ajouté, d'augmenter la production et de lever les barrières pour une circulation libre des hommes d'affaires des pays musulmans. Toutefois, l'orateur n'a pas résisté à la tentation de déplorer la persistance de la corruption et de la gabegie dans les économies des pays musulmans. « Il faut éradiquer les écueils d'ordre bureaucratique », a-t-il plaidé, avant d'appeler à la création d'un fonds pour les pays islamiques et de généraliser l'idée de création de banques islamiques communes. Le communiqué final de l'IBF exhorte les pays membres de l'Organisation des pays islamiques (OIC) à se départir du capitalisme occidental et prôner un libéralisme aux couleurs de l'Islam.