Quand ce ne sont pas les autorités locales ou la justice, c'est à la neige de se dresser devant lui. Bloqué par les intempéries, jeudi dernier, sur l'axe Alger-Médéa, le militant des droits de l'homme et correspondant à Djelfa du journal arabophone El Youm, Hafnaoui Ghoul, n'a pu prendre part à la cérémonie de remise du prix Reporters sans frontières (RSF) - Fondation de France 2004 décerné le 21 décembre 2004. Discrètement, après le départ des convives, il a reçu tard dans la soirée sa récompense au siège de la Ligue algérienne des droits de l'homme (Laddh). « Le fait que l'Algérie ait été retenue est une bonne chose, surtout pour un correspondant de presse qui doit faire face à la féodalité locale », s'est réjouit le président de la Laddh, Ali Yahia Abdenour. Poursuivi par le wali de Djelfa, Hafnaoui Ghoul a passé six mois en prison avant de bénéficier, le 25 novembre 2004, d'une mise en liberté provisoire. Le temps a fini par lui donner raison : le nouveau wali de Djelfa a critiqué la gestion catastrophique de son prédécesseur. Le prix RSF est un court instant de contentement qui vient clore une année 2004 particulièrement difficile pour la presse algérienne, avec le maintien en prison de Mohamed Benchicou, le directeur du quotidien Le Matin, et le « défilé » des journalistes devant les tribunaux. Treize d'entre eux risquent des peines de six mois à un an prison, alors que la menace d'asphyxie financière guette des titres poursuivis pour « diffamation ». Des procès en cascade qui augurent une année 2005 difficile. « L'Etat traduit certains journalistes devant les tribunaux pour des affaires de droit commun, alors qu'en réalité il les poursuit pour leurs écrits », a indiqué Ali Yahia Abdenour. Allusion directe au directeur du Matin, arrêté à l'aéroport Houari Boumediène en possession de bons de caisse et condamné à deux ans de prison ferme. « L'argent des bons de caisse ne peut être retiré qu'en Algérie », a-t-il ajouté. Réitérant son appel à la levée de l'état d'urgence, une garantie à la libération des champs politique et médiatique, le président de la Laddh craint que les procès intentés aux journalistes ne se traduisent par une autocensure. Plus largement, il a dressé un constat négatif sur la situation des droits de l'homme en Algérie, marquée par l'emprisonnement de nombreux militants de droits humains, dont le docteur Fekhar. Abordant la question de l'amnistie générale, aux contours toujours flous, a-t-il précisé, Ali Yahia Abdenour considère que « la charrue est mise avant les bœufs », le traitement politique de la crise étant la seule voie capable de mener à la paix. Le président de Laddh, qui a insisté sur l'imprescriptibilité du crime, réclame justice pour les victimes du terrorisme à travers la condamnation de tous les responsables de la décennie noire. Qu'ils soient civils, militaires ou chefs du parti dissous pour avoir appelé au djihad. Le pardon, et par conséquent l'amnistie, ne devant intervenir qu'après. « Le référendum sera-t-il fait par des démocrates et pour des objectifs démocrates ? Ou s'agit-il seulement d'un plébiscite ? Il ne faut pas oublier que nous ne nous sommes pas exprimés à la télévision nationale depuis 1992 », a-t-il conclu.