Hormis quelques avancées techniques chèrement payées mais encore mal maîtrisées, le système bancaire algérien peine à sortir de son archaïsme. Les réformes conduites sans détermination particulière, pour ne pas perturber les banques publiques conçues pour servir un système rentier et bureaucratique plutôt que le développement économique du pays, ne pouvaient, à l'évidence, tirer un tel secteur vers la modernité. Un constat que vient du reste de confirmer une étude réalisée par l'institut international de sondages World Economic Forum's Global Competitiveness Report qui classe le système bancaire algérien au 134e rang mondial. Les résultats du classement, publiés sur certains sites on line, indiquent que l'évaluation établie sur la base de l'octroi de notes d'appréciation comprises entre 1 et 7 a accordé à peine 3,9 à l'Algérie. Quand on lit sur le même rapport que des pays comme la Libye, le Lesotho, la République de Kirghizie, pour ne citer que ceux-là, ont obtenu de meilleures notes d'appréciation et un meilleur classement, on est évidemment en droit de se poser des questions sur l'efficacité des réformes engagées à grands frais pour d'aussi médiocres résultats. En réalité, ce douloureux classement ne fait que confirmer ce que les usagers des banques publiques algériennes constatent chaque fois que la nécessité les conduit devant un de leurs guichets. Mis à part le relooking dont ont fait l'objet pratiquement toutes les agences et l'attribution de cartes de paiement électroniques dont on signale de nombreux dysfonctionnements, aucune action innovante majeure ne marque l'entrée effective de nos banques dans la modernité. Le mauvais accueil souvent réservé à la clientèle, la nonchalance des employés, leur tendance à compliquer la vie aux clients chaque fois qu'une brèche dans les procédures le permet, les délais extrêmement longs pour délivrer un carnet de chèques, calculer des intérêts, obtenir un relevé bancaire, effectuer une opération de change... continuent sans doute plus que par le passé à caractériser nos agences bancaires. Gestion à l'aveuglette Le carnet de chèques qu'on pouvait, il y a quelques années, se faire délivrer sur place en quelques minutes n'est aujourd'hui délivré qu'après plusieurs mois d'attente. Les intérêts générés par les livrets d'épargne, qui étaient calculés chaque trimestre, ne le sont plus qu'à l'année avec, de surcroît, un retard atteignant quelquefois le semestre. L'autre difficulté, et non des moindres, puisqu'elle est en grande partie à l'origine de l'émission de chèques sans provision, est due au fait que vos relevés de comptes ne vous sont communiqués, quand vous avez la chance de les recevoir, qu'à la fin de chaque trimestre, à moins que vous en fassiez la demande expresse, moyennant des frais qui ne cessent d'augmenter dans la discrétion. N'étant pas informé des encaissements mais, pire encore, des chèques sans provision remis à l'encaissement, le client est, de fait, mis en situation de gérer son compte à l'aveuglette, avec tout ce que cela comporte comme risques. Les chèques sans provision prolifèrent en grande partie pour cette raison, à laquelle il faudrait certainement ajouter les dysfonctionnements d'un traitement informatique qui se met progressivement en place. Comme pour se dédouaner de tous ces errements, les responsables des banques, souvent confrontés aux réclamations de leurs clients, évoquent des « incidents de paiement » qui ne peuvent malheureusement pas réparer les lourds préjudices que certains de leurs usagers ont subis. Un important chef d'entreprise nous a, à titre d'exemple, informé d'un gros chèque était retourné impayé alors que le compte de son émetteur était suffisamment provisionné. La banque a, nous dit-il, effectivement reconnu son erreur, mais n'a rien fait pour réparer les dommages causés à son entreprise qui a subi de ce fait de graves difficultés de trésorerie. On comprend alors aisément pourquoi les opérateurs économiques, tout comme le simple citoyen, évitent autant que possible l'usage du chèque, lui préférant le recours, beaucoup plus sécurisant, au paiement en espèces. Même nos partenaires étrangers se sont inscrits dans cette logique du paiement cash et en espèces, ce que confirment les chiffres du commerce extérieur faisant état des importations des années 2005 et 2006, financées à plus de 80% en cash. Un système bancaire aussi peu performant n'est évidemment pas de nature à favoriser la bancarisation des capitaux et c'est en grande partie pour cette raison que la monnaie fiduciaire continue à jouer un rôle primordial dans les habitudes d'épargne (thésaurisation) et de paiement des Algériens. On comprend alors qu'un système bancaire aussi archaïque soit aussi mal classé.