La katiba Okba Ibn Nafaa, section tunisienne de l'AQMI, a revendiqué dans un communiqué l'opération terroriste de Ain Soltane, sur la frontière tuniso-algérienne. «Nous avons tendu un piège à une patrouille de ‘'taghouts'', abattu 9 parmi eux et récupéré leurs armes, dont une mitrailleuse 12.7 et des munitions», a souligné le communiqué, tout en «menaçant de poursuivre les opérations jusqu'à la victoire de l'islam» dans ces lieux. Pour sa part, l'opinion publique ne cesse de condamner l'attentat, tout en s'interrogeant sur son timing, puisqu'elle a eu lieu alors que le pays est traversé par une grave crise politique et que le ministère de l'Intérieur vient de connaître une large valse de nominations. Des surenchères ont dominé les réseaux sociaux sur les raisons et les conséquences de cette opération. Cette attaque intervient également en pleine saison estivale. Le tourisme est une importante source de revenus pour la Tunisie.La directrice du Centre international des études stratégiques et sécuritaires (CIESS), Badra Gaaloul, affirme disposer d'informations de réseaux ayant infiltré les groupes terroristes, qui disent qu'il y aurait une opération contre la Garde nationale, à Jendouba ainsi qu'une autre opération au Sahel. Mme Gaâloul dit avoir transféré cette information aux autorités sécuritaires. Elle doute toutefois si les concernés en ont tenu compte. Doutes La directrice du CIESS émet des doutes sur le degré de mobilisation sécuritaire, après le changement du directeur général de l'antiterrorisme au niveau du ministère de l'Intérieur, dans le cadre des remaniements opérés par Ghazi Jeribi, lorsqu'il a pris la place de Lotfi Brahem. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Soufiane Zaâg, a nié les affirmations de Mme Gaâloul, en lui demandant de présenter une quelconque preuve indiquant qu'elle a transmis une telle information au ministère de l'Intérieur. Le président de l'Association 23/10 et ex-membre de l'ISIE, Sami Ben Slama, critique la mollesse de la réaction du ministère de l'Intérieur. «De telles déclarations installent le doute parmi l'opinion publique et méritent des poursuites judiciaires. Ce n'est point une question d'opinion. C'est une propagande de fausses informations, pouvant perturber l'ordre public, si le ministère de l'Intérieur est sûr de ce qu'il avance», insiste Sami Ben Slama. Le parti destourien libre va, par ailleurs, porter plainte contre le chef du gouvernement et le ministre de l'Intérieur, qui n'ont pas ouvert d'instruction après les déclarations de Badra Gaâloul. Sur un autre plan, le président de la République, Béji Caid Essebsi, a appelé, pour aujourd'hui, à une réunion extraordinaire du Conseil supérieur de la Sécurité nationale, avec le chef du gouvernement, les ministres de l'Intérieur, de la Défense et de la Justice, ainsi que les chefs d'état-major de l'armée. A l'ordre du jour, l'examen de la situation sécuritaire dans le pays, suite à l'attaque terroriste d'avant-hier. La question de l'impact des derniers mouvements au sein du ministère de l'Intérieur sur la stabilité globale du corps sécuritaire, pourrait être examinée au sein de la réunion. Conséquences L'expert en djihadisme, Bassel Torjemane, a réduit la portée de l'opération d'avant-hier en affirmant que le degré élevé de prévention à Londres, Paris ou Bruxelles n'a pas empêché les terroristes d'opérer. «Cela peut donc arriver. Mais, nous devons multiplier nos efforts de prévention, surtout avec les risques d'infiltration des terroristes de retour des zones de combats», a-t-il expliqué. Torjemane rappelle que c'est la katiba Okba Ibn Nafaa qui est active, jusque-là, en Tunisie, alors que la majorité des terroristes tunisiens sont enrôlés sous Daech. Lesdits terroristes ne sont donc pas de mèche avec les «maquisards» des montagnes de Jendouba, de Kef, de Kasserine ou de Sidi Bouzid, ajoute l'expert. Ces détails n'ont pas empêché la peur de s'installer chez les professionnels du tourisme, très optimistes jusque-là et confiants quant à la bonne tenue de la saison. La population, pour sa part, a émis une peur mesurée par rapport aux risques terroristes. «Nous sommes, jusque-là, confiants quant à la vigilance des forces sécuritaires implantées partout», affirme Abdelmagid Ferchichi, vétérinaire dans les environs d'El Medjez, bourgade à une quarantaine de kilomètres à l'est de Béja, qui a connu une opération antiterroriste en 2015. Le docteur Ferchichi rappelle qu'il est également chasseur et qu'il n'a pas peur d'aller en montagne pour exercer son hobby. «C'est en continuant à vivre que nous luttons contre le terrorisme. Nous ne devons pas leur laisser le terrain libre», poursuit-il.