Si Messali Hadj a été réhabilité par le pouvoir, ses partisans désespèrent de bénéficier de la même attention de la part des pouvoirs publics. La commémoration du 82e anniversaire du discours prononcé par le leader indépendantiste lors du meeting du Congrès musulman au stade municipal de Belcourt (20 Août, Belouizdad) était une occasion de rappeler ces revendications. «Nous devons nous rappeler de tous les moudjahidine de 1830 à 1962, sans prendre en compte l'idéologie des uns et des autres», lance Ali Agouni, lors d'une allocution prononcée, hier, devant des partisans messalistes venus de plusieurs régions du pays et réunis dans le hangar faisant office de siège de l'association Tawassoul El Adjyal. Président du parti non agréé, le Parti du peuple algérien (PPA), Agouni appelle les autorités à «faire la paix» avec les partisans de son ancien compagnon. «La réconciliation est nécessaire», assène-t-il, devant une salle remplie d'anciens partisans du Mouvement national algérien (MNA), créé par Messali en décembre 1954. Calomniés, menacés et traités de traîtres à la nation, comme leur chef, les messalistes n'ont pas bénéficié à la fin de la Guerre de libération nationale d'un statut de combattants comme leurs anciens adversaires victorieux du FLN-ALN. «Nous ne voulons pas de l'agrément du parti PPA. Ne pensez pas à la carte», lance désabusé au parterre le chercheur en histoire Ali Didouna. Affirmant appartenir à une famille de chouhada, Didouna égrène les «méfaits» du pouvoir post-indépenance. Il cite à cet effet les «assassinats» des partisans du MNA. «Après le 19 Mars 1962, le colonel Chabani a été missionné pour discuter avec Abdallah Selmi, commandant MNA. Un accord a été conclu à l'hôtel Caïd à Bou Saâda. Les militaires du MNA ont été emmenés dans des casernes. 700 ont été tués à Aïn Daba, à Biskra, et 300 autres à Djelfa. D'autres encore ont été emprisonnés. Abdallah Selmi lui-même a été assassiné devant sa maison à Bou Saâda», précise-t-il, en rappelant que le «sort funeste» qu'a connu par la suite le jeune colonel était «un moyen de cacher cet épisode». Samir Boufellouh, jeune activiste, a créé un groupe sur Facebook pour «permettre l'expression du courant PPA», mais sans «jeter l'opprobre sur les militants de l'autre bord (FLN)». «Chacun d'eux était nationaliste à sa façon. Il est facile de traiter quelqu'un de ‘‘khaïn'' (traître). Dans le groupe (Facebook) que je gère, je suis intraitable à propos de ceux qui attaquent les uns et les autres», relève le jeune chercheur. Daho Djerbal, historien, est revenu lors de son intervention sur le contexte de la réunion du Congrès musulman réuni au cinéma Majestic (actuel Atlas), à Alger, le 7 juin 1936. Pour l'auteur de L'OS de la Fédération de France du FLN (Chihab), le discours prononcé par le leader de l'Etoile nord-africaine (ENA) au stade municipal «n'est pas venu tout seul». Rappelant les initiatives lancées par les jeunes Algériens à l'occasion de la conscription (1912) et la lettre de l'émir Khaled adressée au président Wilson, l'historien cite le discours «novateur» prononcé par Messali lors du Congrès pour la lutte anti-impérialiste de Bruxelles (27 février 1927), considéré comme «un tournant historique» du Mouvement national. A la salle de cinéma le Majestic, où les délégués ont adopté la charte revendicative du peuple algérien musulman, les membres de l'ENA avaient le statut d'observateurs. «Ils n'avaient pas le droit d'intervenir ou de voter», précise-t-il. Une délégation du congrès s'est rendue à Paris, où Messali a pu rencontrer Abdelhamid Ben Badis, de l'Association des oulémas, à qui il a affirmé qu'il était d'accord avec le contenu des doléances, sauf sur le point du rattachement de l'Algérie inscrit dans la charte adressée au gouvernement et défendue par la presse réformiste – il citera à cet effet un article du journal Chihab sur la «jinssiya kawmiya». Mountasser Oubetroune, chercheur en histoire, affirme que l'ENA, créée dans l'émigration, entre à Alger, et après quatre mois de présence sur le sol algérien, pas moins de 75 sections ont été ouvertes à travers tout le pays. Le chercheur estime qu'il est nécessaire de mettre à la disposition des jeunes générations les documents sur la période du parti indépendantiste «pour qu'elles puissent faire leur jugement», citant à ce sujet les textes de Mohamed Guenaneche et Mahfoud Keddache. Oubetroune a distribué aux présents un texte de l'historien Mohamed Larbi Zoubeiri qui appelle, signale-t-il, à réhabiliter Mohammed Bellounis qui «tomba en chahid» (14 juillet 1958).