La réconciliation arabe autour d'un repas, lundi à Koweït à l'invitation du roi Abdallah d'Arabie Saoudite, n'a pas servi à grand-chose. Le sommet arabe économique, devenu politique à cause du drame de Ghaza, s'est achevé hier sans trancher les questions essentielles. Les ministres arabes des Affaires étrangères se sont séparés sans s'entendre sur un communiqué final consensuel. Pourtant, l'ensemble du monde arabe attendait que les dirigeants décident de « quelque chose » après le massacre de Ghaza. « La situation arabe est tendue », a reconnu le secrétaire général de la Ligue arabe. La réconciliation de lundi était-elle une mise en scène visant à rassurer les populations arabes en colère ? Autrement dit, la réconciliation n'avait pas pour finalité de changer les positions politiques. Lu par Amr Moussa, le communiqué final, réduit à sa plus simple expression, appelle à « fixer » le cessez-le-feu, décrété par Israël, à lever le blocus « injuste » imposé à Ghaza depuis six mois et à un retrait immédiat des troupes israéliennes. Curieusement, l'ouverture de tous les points de passage à Ghaza n'est pas demandée. La seule nouveauté est que les dirigeants arabes ont accusé les responsables israéliens de « crimes de guerre » et ont demandé à les poursuivre sur le plan pénal. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lui aussi appelé à « demander des comptes » devant des juridictions aux responsables Israéliens ayant ordonné les bombardements des infrastructures de l'ONU (les écoles de l'agence des réfugiés UNRWA). « Des attaques scandaleuses et totalement inacceptables », a-t-il dit. La procédure de poursuites pénales décidée par le sommet arabe sera étudiée ultérieurement par les ministres des Affaires étrangères. Autant que pour tous les autres détails qui, dans les faits, sont essentiels. Il y a d'abord la reconstruction de Ghaza. De l'argent a été collecté. Mais qui va le dépenser ? Le gouvernement Hamas qui domine Ghaza ? Ou l'Autorité palestinienne ? Le problème n'a pas été réglé malgré l'urgence de la situation. Les ministres arabes des Affaires étrangères et la Ligue arabe sont chargés de travailler pour « la réconciliation » entre Palestiniens. Là, la diplomatie égyptienne a essayé de manœuvrer pour que ce « travail » soit chapeauté par Le Caire. Ce n'est pas le point de vue de plusieurs pays arabes. Saïb Erket, proche de Mahmoud Abbas, a salué la présence turque et qatarie dans les futurs rounds de négociations interpalestiniennes. Position partagée par Oussama Hamdane du Hamas. « Nous voulons un gouvernement “d'union” et pas celui “d'entente”. Nous voulons revoir la construction politique du pays et le système sécuritaire sur des bases “nationales et professionnelles” », a-t-il estimé sur Al Jazeera. « Nous avons tendu la main à Abou Mazen pour affronter l'agression israélienne, mais nous n'avons pas trouvé de réponse », a-t-il ajouté. Abou Mazen a plaidé, lui, pour un gouvernement « d'entente nationale » pour préparer les élections présidentielle et législatives. Le Premier ministre turc, à partir de Bruxelles, a défendu la cause du Hamas. « Hamas ne doit pas être mis dans un coin », a déclaré Recep Tayyip Erdogan. Le communiqué final ne fait aucune référence au « plan » égyptien sur « la trêve » entre le Hamas et Israël et sur la lutte contre « le trafic d'armes » (selon l'expression d'Israël, des Etats-Unis et de l'Union européenne). Le Caire a échoué à avoir un feu vert arabe pour ce « plan ». D'où le retour sur la scène de la Turquie, qui pourrait jouer les premiers rôles dans les futures médiations.Autre difficulté : la relance ou pas de l'initiative arabe de paix de Beyrouth. Le sommet consultatif de Doha a proposé la suspension de cette initiative, alors que la Syrie a suggéré de l'enterrer. Amr Moussa a estimé, hier lors d'une conférence de presse, que l'initiative de Beyrouth reste sur la table. « Cela fait sept ans que ça dure. On est tous d'accord que cette situation ne doit pas durer, mais l'initiative de Beyrouth reste une base de travail en 2009 », a-t-il relevé. C'est également le point de vue du Caire et de Riyad. Amr Moussa s'est interrogé sur le rôle qu'auront à jouer les Etats-Unis après l'arrivée de Barack Obama, dans le « processus de paix » au Moyen-Orient. Certains observateurs ont regretté que le discours, qualifié de conciliateur et d'imprévu, ne soit pas traduit dans les faits par les diplomaties égyptienne et saoudienne. Sur le plan économique, les dirigeants arabes ont décidé de créer un fonds de 2 milliards de dollars pour soutenir les microcrédits, proposé de créer un autre fonds pour soutenir les opérateurs privés et insisté pour créer des programmes de connexion ferroviaire et des plans de sécurité alimentaire et hydrique dans le monde arabe. Le prochain sommet économique arabe se tiendra au Caire en 2011.