Son nom et son œuvre sont incontournables pour qui veut connaître la culture amazighe sous son angle moderne. Il en est la figure emblématique, puisque précurseur en la matière. N'a-t-il pas tutoyé le gotha mondial de la poésie et du théâtre ? Un trésor inestimable nous a été légué par Mohya à travers ses traductions-adaptations. Grâce à son génie, les pièces de Brechet, de Molière, de Pirandello, ainsi que la poésie de Prévert, de Boris Vian et de Maupassant ont intégré le patrimoine amazigh. Rien que ça ! Cet inlassable travail de création en vue de valoriser sa langue maternelle, Mohya l'a réalisé dans la plus parfaite des humilités. Loin des feux de la rampe médiatique, au-dessus des clivages partisans et en dehors de tout intérêt bassement matériel : ainsi se résume le parcours de l'enfant d'Ath Arvah. A ce titre, il est respecté de tous. Nul ne peut nier que de son vivant Mohya aura été l'un des plus sincères serviteurs du combat pacifique pour la reconnaissance de tamazight. L'homme de culture nous a quittés. Il a tiré sa révérence dans un hôpital de Paris. « Pourquoi Paris ? », diront les mauvaises langues. Qu'elles se rassurent, ce n'est point une prise en charge officielle qui l'a fait atterrir dans la Ville lumière. Il y trouva refuge - au vrai sens du terme - à la fin des années 1970, après de brillantes études universitaires à Alger. Cette dernière étouffait à l'époque sous la chape de plomb du parti unique. Les militants de la démocratie, des droits de l'homme rasaient les murs à défaut de croupir dans les prisons. Impossible, dans ce climat, d'alimenter le feu qui couvait dans l'esprit et le cœur de Mohya. Il lui fallait l'oxygène de la liberté pour assouvir sa passion. Et quelle passion. Revaloriser le statut de la langue amazighe par la création, l'innovation l'a physiquement consumé. Sa mort intervient à un moment-clé de la vie culturelle algérienne. Ce qui fut un tabou, passible de prison, est admis de nos jours comme langue nationale. L'idéal de Mohya a pris forme sur la terre de ses ancêtres. Il ne sera pas là pour servir davantage, emporté par la faucheuse, à l'âge de 55 ans. Il ne goûtera pas aux fruits d'une victoire arrachée de haute lutte. Et d'ailleurs, les privilèges n'étaient pas dans ses cordes. Il les laissait aux opportunistes. Il reste aux vivants d'honorer cet infatigable « passeur de mémoires », et ce, en faisant bon usage de son œuvre. Dans cette optique, les manuels scolaires de tamazight gagneraient en qualité, si le ministère de l'Enseignement national décidait de les enrichir de textes pédagogiques signés Mohya. Ce serait un bel hommage à rendre à cet homme de culture pétri de créativité.