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Plus on en parlera et plus le public sera enclin à dénoncer et agir contre ces cas de violence ordinaire Marc Lucet. Représentant de l'Unicef en Algérie
C'est une note presque complète que l'Unicef donne à l'Algérie. Même si des lacunes sont soulevées, l'effort et l'esprit de projet de société algérien sont salués. L'Unicef évoque l'équité dans l'éducation et la santé. C'est particulièrement par le progrès et l'engagement que l'organisation onusienne est frappée, mais surtout elle appelle le gouvernement et ses partenaires à continuer et préserver la cadence. – Nous célébrerons cette année les 29 ans de l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant. Quel bilan faites-vous aujourd'hui de la situation des enfants, particulièrement en Algérie ? La convention relative aux droits de l'enfant est le traité sur les droits de l'homme le plus largement et rapidement ratifié dans le monde. Cette journée est le moment idéal pour célébrer les progrès réalisés en faveur des enfants, demander aux dirigeants de rendre compte des promesses faites aux enfants, s'attaquer au travail qu'il reste à accomplir, et de penser à tous les enfants et plus spécifiquement les plus vulnérables. C'est d'ailleurs dans la lignée des Objectifs de développement durable (ODD). Des objectifs que l'Algérie s'est engagée à réaliser d'ici à 2030. Le but est de ne laisser personne pour compte. Et c'est aussi l'esprit de la Convention relative aux droits de l'enfant. Je suis frappé par l'importance et la continuité des investissements faits par l'Algérie depuis son indépendance pour donner accès à l'éducation et à la santé à tous les enfants algériens, filles et garçons. Il en va de même pour la protection sociale. Ce projet de société demeure une constante, y compris dans les périodes les plus difficiles, l'esprit étant de ne laisser personne pour compte. – Sur le plan juridique, tout est magnifique ; le tableau théorique est rose. Il y a une sorte de difficulté d'application de certains textes. Toutes les lois existent mais il reste des petits détails qui font des malheureux, comme la prise en charge des enfants à besoins spécifiques, des autistes… Mon propos n'est pas de dire que tout est rose. A nouveau, ce qui me frappe, c'est surtout la constance du projet de société algérien. L'objectif étant celui de l'accès pour tous, les notions d'égalité et d'équité sont finalement là pour guider l'action. Le monde change, en Algérie et autour de l'Algérie, les ressources ne sont pas stables, l'environnement international est mouvant et de nouveaux défis s'imposent. L'évolution de la demande sociale des parents et des enfants algériens est aussi là pour témoigner de ces changements. Chaque génération vit dans un environnement qui change et continuera à changer. Les acteurs de l'enfance et les services sociaux doivent s'adapter de façon continuelle pour répondre à une situation dynamique. L'Algérie est un pays jeune et plein de potentiel, où les enfants, j'entends les moins de 19 ans, représentent 37% de la population. Témoignage de vitalité, le regain de la natalité, avec plus d'un million de naissances par an, apporte de nouveaux défis immédiats, ne serait-ce qu'en termes de pression sur les services de santé et sur l'école. L'Algérie fait face et continue son investissement et ses efforts. Concernant l'éducation, il est très significatif que l'Algérie fasse partie des pays qui ont atteint les Objectifs du millénaire. Elle a un taux de scolarisation et d'achèvement du primaire de près de 98%. Ceci à nouveau est le résultat d'un engagement constant et un projet de société fort. L'accès à l'éducation dans le monde est cette année au centre de la célébration du 29e anniversaire de la Convention relative aux Droits de l'Enfant. Interrogés pour l'occasion par l'Unicef, les enfants mentionnent l'éducation comme leur préoccupation première. Aujourd'hui dans le monde, mous savons que 262 millions d'enfants en âge d'aller à l'école primaire ou secondaire n'y ont pas accès. Si rien de plus n'est fait pour résoudre cette situation, ce chiffre verra une augmentation de 42 millions d'ici l'année 2030. Le message de l'Unicef est l'appel à plus d'engagement encore. L'éducation obligatoire de 6 à 16 ans est un acquis fondamental de l'Algerie. Partenaire de longue date, l'Unicef continue aujourd'hui à travailler avec le ministère de l'Education nationale sur différents dossiers. Par exemple sur le renforcement des outils de mesure des acquis scolaires ou encore le décrochage scolaire. Une situation à laquelle certains enfants se trouvent confrontés, en particulier dans les périodes de transition, de l'école primaire au collège, puis du collège au secondaire. Outre l'analyse des causes, nous tentons d'apporter notre soutien pour des solutions adaptées : de la prévention dès le primaire par l'identification précoce des risques et la remédiation scolaire, à différentes méthodes pour permettre à l'enfant de revenir dans le système éducatif. En Algerie comme ailleurs dans le monde, l'orientation professionnelle des enfants et des jeunes est une question primordiale. Il existe en effet des enfants et des jeunes particulièrement vulnérables qui ne sont ni à l'école ni ne bénéficient de la formation professionnelle. La question est de pouvoir les aider plus efficacement pour qu'ils réussissent leur intégration sociale et économique. Je pense de façon plus particulière aux jeunes filles. Car si elles tendent à être plus nombreuses que les garçons sur les bancs du lycée et de l'université, elles sont plus durement touchées par le sous-emploi. Ce sont là des questions sur lesquelles il nous faut plus travailler avec les partenaires. Nous sommes tous concernés, y compris la société civile et le secteur privé. Dans la région du Moyen-Orient et en Afrique du Nord, nous savons que 39 millions de jeunes se présenteront sur le marché du travail. Les efforts conjoints de tous avec la participation des jeunes, et particulièrement du secteur privé, seront nécessaires pour répondre à cette demande et capitaliser cette force. Le même constat peut être fait dans le domaine de la santé, ainsi que dans celui de l'éducation et de l'emploi. A mesure que l'Algérie progresse, de nouveaux défis apparaissent. C'est le cas de l'autisme que vous avez mentionné et qui semble affecter un nombre croissant d'enfants en Algérie comme ailleurs. Ceci implique une nécessaire adaptation et je note que l'Algerie travaille à l'élaboration d'un plan national et renforce les moyens alloués. Célébrer la journée marquant l'anniversaire de l'adoption de la Conventions des Droits de l'Enfant est aussi une occasion de recentrer l'action sur la situation changeante et les réponses à apporter aux besoins des enfants. – Justement, parlons de la société civile. Nous avons l'impression qu'elle n'occupe pas suffisamment le terrain… La société civile est une notion très large. Elle englobe les associations comme le secteur privé et toutes les formes d'organisation en dehors de l'Etat. Parlant des associations, je suis encouragé par le fait que les associations en Algérie qui interviennent dans le domaine de l'enfance s'engagent davantage aux côtés des institutions. Ces dernières sont aussi de plus en plus conscientes du besoin qu'elles ont des associations pour faire avancer les dossiers de l'enfance. Ceci va dans le sens de l'esprit de partenariat que prône l'agenda 2030 pour la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable. Je constate un professionnalisme croissant de la part de ces associations, et des mentions nouvelles de leur rôle dans les textes de loi, comme par exemple la nouvelle loi sanitaire adoptée cette année. Au gré des initiatives nouvelles pour l'enfance, force est de constater l'émergence de chefs de file qui s'adaptent et agissent. Ces partenariats sont la promesse d'avancées supplémentaires et méritent toute notre attention. – Des campagnes de sensibilisation ont été lancées par l'Unicef sur la violence contre les enfants et les dangers du Net. Comment évaluez- vous aujourd'hui les résultats de cette démarche ? Le plus important est que ces campagnes ont participé à la prise de conscience de l'importance de l'action pour la prévention et la réponse à la violence faite aux enfants. Néanmoins, cela ne signifie pas que cette violence, en Algérie ni ailleurs dans le monde, a disparu ou disparaîtra dans le court terme. Mais plus on en parlera et plus le public sera enclin à dénoncer et agir contre ces cas de violence ordinaire. D'importants efforts institutionnels ont été accomplis dans le sillage de l'adoption en 2015 d'une nouvelle loi sur la protection de l'enfance, la loi 15-12. Cette loi a permis la création de l'Organe national pour la protection et la promotion de l'enfance. Ceci a contribué au renforcement des mécanismes de signalement des enfants en danger, avec par exemple le lancement d'un nouveau numéro vert, le 11-11. Les associations comme le réseau NADA jouent également un rôle important au plus près des communautés. Ce qui m'intéresse est de voir comment ces acteurs se positionnent pour faire avancer le débat et faire progresser à la fois la prévention et la prise en charge. L'Unicef est là pour fournir un appui technique et apporter son expérience. L'utilisation d'Internet et l'accès de plus en plus répandu des enfants aux technologies du numérique, s'ils participent à créer de nouvelles opportunités d'apprentissage, ils représentent aussi des risques nouveaux. D'où notre message aux parents qu'ils doivent rester vigilants et accompagner leurs enfants. – Y a-t-il une prise de conscience de la société ? Les éléments de prise de conscience sont là et s'affirment à mesure que la parole au sujet de la violence faite aux enfants se dénoue. La mobilisation et le mouvement qui ont entouré les cas d'enlèvement d'enfants en sont une manifestation. L'onde de choc produite suite à ces cas montre que la société veut combattre cette violence. Le fait qu'on en parle, et que ce n'est plus un tabou, signifie que les normes sociales changent. Les campagnes de sensibilisation existent pour changer ces normes et nous en voyons les fruits. – On reproche à l'école algérienne d'être à double vitesse par l'existence du secteur privé, mais aussi par l'absence du caractère obligatoire du préscolaire, qui reste primordial pour le développement de l'enfant… Je ne partage pas ce diagnostic concernant l'école, en revanche je suis d'accord avec vous quant à l'importance de l'éducation préscolaire. Elle est un apport essentiel pour assurer la capacité d'apprentissage de l'enfant et profiter au mieux de l'école. Aujourd'hui en Algérie, environ 60% des enfants algériens ont accès à au moins une année de préscolaire ou de préparatoire avant d'entrer à l'école primaire. Les efforts en direction de la généralisation de l'accès à l'éducation préscolaire sont importants. Au sujet de la petite enfance, il me semble important que chacun ait à l'esprit l'importance pour le développement de l'enfant des 1000 premiers jours de la vie. Durant cette période qui commence dès la vie intra-utérine, l'enfant développe des facultés qui seront déterminantes pour toute sa vie. A travers l'amour de ses parents, le jeu et les interactions avec sa famille et son environnement, l'enfant développe ses capacités cognitives, linguistiques, émotionnelles et motrices à une allure extraordinaire. L'importance de l'allaitement maternel dans ce domaine est démontrée à la fois du point de vue de la santé de l'enfant, mais aussi de son développement affectif. Aujourd'hui, en Algérie, seules 25% des mères adoptent l'allaitement maternel exclusif. Les efforts doivent continuer pour adapter l'environnement afin que cette pratique puisse s'étendre à nouveau. – Vous êtes présents aussi dans les camps de réfugiés sahraouis. Des aides sont fournies aux élèves en situation désastreuse. Comment évaluez-vous la situation ? L'Unicef demeure engagée depuis 1986 avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés et le Programme Alimentaire Mondial pour venir en aide aux enfants sahraouis. Les cinq camps de réfugiés à Tindouf abritent une population de plus de 173 000 personnes, dont plus de 38% sont des enfants. Ces enfants sont particulièrement vulnérables et vivent dans un environnement extrêmement difficile. Assurer leur accès à l'éducation est particulièrement important. Lors des inondations d'octobre 2015, 70% des infrastructures ont été détruites. Avec l'assistance des bailleurs de fonds, en particulier l'Union européenne et la Coopération italienne, en collaboration avec les autorités sahraouies de l'éducation et les partenaires humanitaires engagés dans les camps de réfugiés, nous continuons l'effort pour réhabiliter et reconstruire les écoles. Année après année, nous mettons à la mise à disposition de ces enfants le matériel scolaire nécessaire. Nous œuvrons aussi à l'amélioration de la qualité de l'éducation à travers la formation continue des enseignants, dont plus de 90% sont des femmes sahraouies. L'Algérie participe aussi de façon déterminante à cet effort, en recevant plus de 7000 enfants au niveau collège et lycée dans ses internats à travers tout le pays. De même, de nombreux jeunes sont intégrés à l'université. Continuer ce travail participe aussi à la réalisation des droits de l'enfant dans l'esprit de la Convention dont nous célébrons le 29e anniversaire cette semaine.. – Marc Lucet – a été accrédité comme représentant de l'Unicef en Algérie en février 2016. Il se joint à une époque où l'Unicef lance un nouveau programme axé sur le développement de la petite enfance, une éducation de qualité, protection de l'enfance, la participation des jeunes et des politiques sociales pour les enfants. Il vient d'Indonésie où il a servi comme représentant de l'Unicef adjoint pour près de cinq ans. Marc connaît bien la région Moyen-Orient et Afrique du Nord vu ses affectations antérieures en Syrie (2005-2011) et avant cela, au Yémen (2001-2005), ainsi que l'Egypte et la Tunisie. Avant de rejoindre l'Unicef, Marc Lucet a travaillé dans le domaine du développement humanitaires dont le PNUD. Français de nationalité, il est titulaire d'une maîtrise en Sciences politiques et études moyen-orientales de l'Institut d'études politiques de Paris et d'un mastère en management de l'université Paris-Dauphine. Article 2 1 – Les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation. 2 – Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.