Sucre, sel, résidus d'antibiotiques, ingrédients cachés, additifs alimentaires…Peut-on faire confiance à notre alimentation ? Les récentes enquêtes menées par l'Association de protection et d'orientation du consommateur sonnent comme un cri d'alarme. Les mécanismes de contrôle du ministère du Commerce sont-ils à ce point grippés ? Interrogé par El Watan sur ces questions, le directeur du service de contrôle et de la répression des fraudes du ministère du Commerce clarifie les choses. Le fait d'avoir été trompé sur la qualité ou les caractéristiques d'un aliment suscite toujours une forte indignation et ravive un sentiment de défiance de la part de nos concitoyens. Les premiers accusés sont les producteurs de café. L'Association de protection et d'orientation des consommateurs (Apoce) pense, à travers une enquête menée récemment, avoir débusqué les tricheurs, épinglant les marques qui mettraient, selon les dires de son président, Mustapha Zebdi, plus de sucre que ce que prévoit la législation algérienne pour amortir les coûts de production, au mépris de la santé du consommateur (diabétiques notamment). La lecture des résultats de l'enquête de l'Apoce est assez anxiogène, donnant à voir des marques de café se souciant peu de la qualité de leurs produits faisant courir les risques de cancer à une population friande de ce breuvage. Surtout que l'action des autorités de contrôle est mise en doute. Le fait est que l'association affirme avoir eu recours à un laboratoire étranger, car il n'y aurait pas de structures qui effectueraient ce type de contrôle dans notre pays. Mustapha Zebdi explique : «Les analyses en Algérie se concentrent sur l'aspect physico-chimique et microbiologique, mais négligent d'autres aspects tout aussi importants pour assurer la santé du citoyen. L'on est concentrés sur les intoxications alimentaires aiguës, et on néglige les intoxications chroniques.» Abderrahmane Benhazil, directeur général du service de contrôle et de la répression des fraudes du ministère du Commerce, s'étonne de ces affirmations. Voilà plus de deux ans que son département a ouvert le chantier du café, qui a abouti à une réglementation du produit et un suivi régulier. «Avant 2017, précise-t-il, la production de café n'était pas réglementée. Aujourd'hui, nous avons bien pris en charge le problème. J'aurais aimé que l'association des consommateur réagisse avant l'action de nos services», dit M. Ben Hazil. Et de détailler : «Le café est maintenant réglementé. Durant l'année en cours, nous avons fait des bilans de 89 marques, dont 17 producteurs nationaux. Aussi nous avons réalisé pas moins de 1565 opérations de contrôle pour le café, des prélèvements analytiques auprès de 94 torréfacteurs et pas moins de 1191 grossistes et détaillants. Plus de 162 prélèvements (micro et physico biologiques) dont 94 pour la physico, les taux de non-conformité ne dépassent pas les 4%. Seules 8 marques (locales) ne répondent pas à la législation algérienne. En tout et pour tout, nous avons dressé 23 procès-verbaux aux producteurs de café pour différentes infractions (date de péremption dépassée, défaut d'étiquetage…).» Café, des chiffres contradictoires «Le problème résidait essentiellement dans ce qu'on dénomme le torrefacto, un type de café produit et consommé essentiellement dans les pays hispaniques qui comporte un certain dosage de sucre. Nous avons réglementé ce produit avec la participation de plusieurs départements ministériels et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il est utile que lors du processus de torréfaction de l'enrober d'amidon ou de sucre, de manière à obtenir une fine pellicule pour conserver l'arôme et la qualité organoleptique du produit. En collaboration avec les responsables du ministère de la Santé, nous avons placé la barre à 3%. Nous sommes dans un processus de réduction de sucre, de sel et d'aliments gras pour des considérations de santé», explique-t-il. Fait curieux : «Les analyses effectuées dans les laboratoires officiels (utilisant des méthodes rigoureuses et universelles, tient à souligner Ben Hazil) ne sont pas parvenues au même résultat que celui de l'Association des consommateurs. Et même pour les marques locales poursuivies par le ministère du Commerce, le taux de sucre n'atteignait pas les chiffres avancés par l'Apoce (jusqu'à 14%). Nos laboratoires font appel à l'usage des méthodes d'analyses universelles. On ne badine pas avec les tromperies» , affirme M. Ben Hazil, en précisant qu'il s'agit là d'un un processus que ses services font à longueur d'année pour tous les produits. Pour l'année 2018, les produits ayant fait l'objet de contrôles analytiques concernent : les laits (crus, pasteurisés, UHT, en poudre), les crèmes glacées, les desserts, beurre pasteurisé, les viandes, les dérivés, la volaille, les mousses, les eaux minérales… les contrôles se font à longueur d'année au niveau de la production, de la grande distribution et du détail. De quoi s'agit-il ? En plus du contrôle visuel et d'une prise de la température de l'appareil frigorifique. Pour des produits comme la pâtisserie, les services de contrôle effectuent une analyse microbiologique, détection de germes telles que la salmonelle l'Echerichia Coli, les staphylocoques afin de prévenir les risques d'intoxications alimentaires. D'autre part, insiste le directeur du contrôle, les marques de café (comme tous les autres produits) sont tenues d'effectuer des contrôles de leurs produits. Les producteurs disposent de leurs laboratoires de contrôle d'entreprise qui suivent des méthodes d'analyse universelle. Celui qui ne dispose pas de laboratoire a recours à un laboratoire prestataire de service, agrées par l'état. Le dernier maillon de la chaîne consiste dans la vérification des services de contrôle dépendant du ministère du Commerce disposant de 25 laboratoires au niveau national. Le secteur en charge du contrôle économique et de répression des fraudes mène, selon son premier responsable, des enquêtes d'études sur des produits ciblés pour vérifier les conditions de fabrication, agissant sur deux volets : le contrôle économique et répression des fraudes qui comprend les pratiques commerciales et la conformité des produits et les enquêtes d'études sur les produits commercialisés. Les produits étudiés, ayant abouti à une réglementation sont les épices et le café. A près avoir constaté, via des analyses, la grande anarchie qui caractérisait la « fabrication « des épices, le département de contrôle a mené des actions afin d'y mettre le holà. «Nous avons mené une enquête en ce sens, nous avons relevé des insuffisances, ce qui a abouti à une réglementation de plusieurs épices», souligne M. Benhazil. «Les insuffisances étaient d'ordre physico-chimique, révélant un important taux de déchets organiques», précise M. Ben Hazil. Après ces quelques batailles, le département du contrôle passe aux desserts. Une enquête est actuellement en cours autour des préparations alimentaires (crèmes desserts, mousses au chocolats, crèmes lactées…). «Au-delà de la présentation, affirme M. Ben Hazil, des aspects d'étiquetage, nous avons recours aux analyses de laboratoires de contrôle de qualité qui relèvent du ministère du Commerce. Si on découvre des insuffisances, on ouvre un chantier pour réglementer ce produit.» Additifs : Simples ingrédients ou poisons ? Pour autant, bon nombre de questions soulevées par l'Association des consommateurs restent en suspens, à l'exemple ses ingrédients cachés contenus dans les aliments commercialisés, dont l'acrylamide (présent dans le café, les biscuits, les chips…) qui serait cancérigène. Générée par la cuisson du sucre et de l'amidon, cette substance est considérée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme représentant un risque pour la santé humaine. Pour empêcher les excès de matières additionnelles dans la torréfaction de café, M. Zebdi a appelé à l'annulation du décret exécutif de février 2017 qui, avec l'autorisation des matières additionnelles dans la production de café, a laissé “un grand vide juridique”. Il précise aussi la difficulté pour les laboratoires nationaux d'évaluer le taux d'acrylamide dans le café. Pour le responsable du Contrôle, il n'est pas possible d'interdire les produits contenant de l'acrylamide tant que les recherches scientifiques n'ont pas tranché sur leur lien- réel ou supposé – avec le cancer. «L'acrylamide est une substance due à une réaction chimique liée à la cuisson de tout produit qui contient de l'amidon ou du sucre reconnaissable à sa couleur brunâtre. Les recherches scientifiques sont en cours. Jusqu'à présent, le lien antre cette substance et le cancer n'a pas été établi», se contente-t-il de rappeler. Au chapitre additif, la question semble tout aussi complexe. Les études médicales faisant le lien entre la composition de l'assiette et des pathologies comme l'obésité, le diabète ou le cancer ne sont, là aussi, pas certifiées. Additifs alimentaires. «Ce sont des ingrédients fabriqués à l'international et admis par le ministère du Commerce. Nous les avons adoptés, car ils figurent dans le codex alimentarius de l'OMC et validé par l'Organisation mondiale de la santé. Nous faisons des contrôles réguliers par rapport aux additifs alimentaires qui sont autorisés dans notre pays», estime le directeur du contrôle. Au menu des rafraîchissements, le problème concerne essentiellement les boissons embouteillées qui deviennent toxiques car elles ont été exposées pendant de longues durées au soleil (longs trajets, exposition sur la voie publique…). Le fait est qu'à l'exposition au soleil les emballages en plastique libèrent du bisphénol, qui en plus d'être cancérigène, vient d'être reconnu comme un perturbateur endocrinien. L'Association des consommateurs regrette, à cet effet, l'absence les mécanismes juridiques imposant aux distributeurs de respecter les conditions de réfrigération lors du transport de marchandises dans des zones chaudes. De son côté, le directeur du contrôle et de répression des fraudes rappelle l'obligation de conservation des boissons dans des critères définis. «Nos agents sont sur le terrain. Des décisions ont été prises quant à la saisie, la verbalisation et même de la fermeture de l'établissement qui expose ce genre de produits sur la voie publique», précise-t-il.