Ce film n'est pas à l'abri des pièges de la production de commande, vite mis en boîte. C'est la caractéristique des films africains vus ici et qui reflètent l'inexpérience et le manque de moyens. Un bon film sur Sembène reste à faire. Ouagadougou (Burkina Faso) : De notre envoyé spécial Le récit saute souvent du coq à l'âne. On commence par visiter la Calle Ceddo, la maison de Sembène à Yoff près de Dakar, deux images après, on se retrouve à Gorée, l'île des esclaves...Tout est noyé dans tout. Mais Sembène s'exprime dans ce film et c'est ce qui compte. L'hommage, c'est aussi une statue, des processions « traditionnelles », des discours langue de bois : tout ce que Sembène détestait ! Il ne manquait que les gris-gris, les amulettes. Sembène détestait aussi tout ça : le paganisme, la ferveur religieuse... et il ne pardonnait pas à certains dirigeants africains devenus serviteurs des anciens occupants. Il leur reprochait leur compromission et leur faiblesse devant l'ex-pouvoir colonial. Sembène n'acceptait pas que Senghor ou tout autre l'empêche de faire parler en woulof les acteurs de ses films. Les liens forts actuels entre Israël et certains pays africains (Burkina inclus) l'auraient sûrement fait sortir encore une fois de sa réserve, pour fustiger cette absence totale d'intelligence politique et la non-dénonciation des crimes de guerre à Ghaza. Sembène n'aurait pas voulu les voir aller se pavaner sans gêne aux sommets d'Addis-Abeba ou en juillet prochain aux fêtes du Panaf d'Alger, après avoir appris que 1500 Palestiniens avaient été massacrés et une partie de la ville détruite. Du temps où la Cinémathèque algérienne avait une âme et faisait l'admiration des plus grands cinéastes étrangers qui y venaient, on ne pouvait parler avec Ahmed Hocine ou Boudjemâa Karèche sans que les noms de Mustafa Alassane, Désiré Ecaré, Oumarou Ganda, Paulin Soumanou Viera et surtout celui de Sembène Ousmane ne soient prononcés. « Ah, Ceddo, quel beau film ! » s'écriait Boudj. Ces cinéastes d'Afrique filmaient en liberté. Ils défendaient une cause. Ils avaient le verbe haut, digne et fort. Que s'est-il donc passé aujourd'hui si on voit souvent sur les écrans de Ouaga des babillages, des palabres sans fin, des fictions grises, plates et sans saveur ? Le cinéma de Sembène est clair, précis, engagé et plein d'humour à la fois. Les rapports de Sembène avec la Cinémathèque algérienne étaient très forts, il offrait chaque fois une copie de son nouveau film. Dans les archives, on peut retrouver Ceddo, Borrom Sarret, Le Mandat, La Noire de..., Emitai, Camp de Thiaroye que l'Algérie a coproduit. Les colons et les colonisés, les néo-colons et les ex-colonisés, le woulof et les divinités, le riche polygame, le misérable charretier, l'imam bouffon, la femme africaine et la musique du balafon, tout se trouve dans l'œuvre de Sembène, dans ses films fictions comme dans ses écrits. Sembène a eu plusieurs vies. Il a été pêcheur à Dakar, docker à Marseille, tirailleur dans les troupes du maréchal de Lattre, syndicaliste, romancier, assistant de Donskoi à Moscou, où il était inscrit au VGIK. C'est de Moscou qu'il repartit avec une caméra pour entamer sa longue carrière cinématographique.