La tension monte entre la Corée du Nord, qui s'apprêterait à lancer un satellite de télécommunications, les Américains et les Sud-Coréens qui craignent un essai de missile intercontinental. L'éclairage d'un expert. La Corée du Nord a averti l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et l'Organisation maritime internationale (OMI) de son intention de mettre en orbite ce qu'elle a présenté comme un « satellite de télécommunications », entre le 4 et le 8 avril, mais Washington, Tokyo et Séoul craignent qu'il ne s'agisse en fait d'un essai de missile à longue portée. Un tel acte est « un défi et une provocation sérieux » pour la sécurité régionale, a estimé hier le gouvernement sud-coréen alors qu'un responsable américain affirmait que la fusée était déjà sur une rampe de lancement. Contacté par El Watan Vendredi, Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris, analyse : « La Corée du Nord est un pays trop pauvre pour disposer d'un programme spatial. Toutefois, les Nord-Coréens veulent prouver seulement qu'ils peuvent lancer un satellite comme d'autres pays. Ce qui est une provocation, certes, mais pas à l'ampleur qu'on lui attribue », avant d'ajouter : « Pourquoi le monde entier spécule-t-il sur le lancement du missile quand il s'agit de la Corée du Nord, alors que d'autres pays le font en toute impunité tels que les Etats-Unis, Israël et le Japon ? » Selon un responsable américain sous couvert de l'anonymat, il s'agirait d'un Taepodong 2, un missile à longue portée qui pourrait théoriquement atteindre l'Alaska. Du côté de la Corée du Sud, on déclare que « le lancement par la Corée du Nord d'un missile de longue portée interviendrait clairement en violation de la résolution 1718 du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous lui demandons fermement d'y renoncer immédiatement », a prévenu M. Won, porte-parole du ministère sud-coréen de la Défense. Même son de cloche du côté américain : « Nous avons été tout à fait clairs, l'intention affichée par les Nord-Coréens de lancer un missile, quel qu'en soit le but, est un acte de provocation. Cependant, cette action qui ne passera pas inaperçue aura de multiples conséquences », a averti la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton. A ce sujet, le spécialiste de l'Asie à l'IRIS explique : « L'avertissement de la secrétaire d'Etat ne tient pas la route, car si l'Administration américaine a une volonté réelle d'arrêter cette action, elle y parviendrait facilement. » Et de poursuivre : « Contrairement à leur discours, les Américains bénéficieraient plus que tous du lancement d'un missile de la part de la Corée du Nord car une telle action obligerait le Japon à se munir d'un système antimissile américain qui coûte très cher », a-t-il précisé. Il est à rappeler que le régime communiste nord-coréen avait provoqué une crise internationale à l'été 1998 lorsqu'il avait tiré un missile de longue portée qui avait survolé une partie du Japon avant de s'abîmer dans l'océan Pacifique. Les Etats-Unis auront aujourd'hui des rencontres bilatérales consacrées à la Corée du Nord avec des représentants de la Corée du Sud et du Japon, et une réunion trilatérale est possible, a annoncé hier un porte-parole du département d'Etat, Gordon Duguid.