M. Lombardi ajoute qu'«il n'était donc pas dans les intentions du pape de développer une étude approfondie sur le jihad et la pensée musulmane s'y rapportant, et encore moins de porter offense à la sensibilité des musulmans». Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège estime que le pape a la volonté de respecter et de dialoguer avec les autres religions et toutes les cultures, «avec l'Islam tout particulièrement». A rappeler que lors de sa visite en Allemagne, le souverain pontife avait établi, mardi dernier, un lien implicite entre Islam et violence en évoquant le jihad (la guerre sainte). Il avait cité un empereur byzantin du XIVe siècle qui avait dit que le Prophète Mohamed (QSSSL) n'avait apporté que «des choses mauvaises et inhumaines». Le pape est «absolument désolé que certains passages de son discours aient pu paraître offensants pour la sensibilité des croyants musulmans», a déclaré, de son côté, le secrétaire d'Etat du Vatican, Tarcisio Bertone. Le Vatican, manifestement surpris par la dimension prise par des extraits d'une leçon de théologie, a, ainsi, tenté de donner une réponse aux condamnations des plus hautes sommités religieuses de l'Islam et aux demandes d'excuses des dirigeants politiques musulmans. En Algérie, le Haut Conseil islamique (HCI), présidé par le docteur Bouamrane, se demande sur le pourquoi de ce retour au Moyen-Age et à ses préjugés alors que nous sommes au XXIe siècle. La position du pape actuel, souligne le HCI dans une déclaration rendue publique hier, «se démarque nettement» de celle de son prédécesseur Jean-Paul II et de la déclaration du concile Vatican II qui a exhorté «chrétiens et musulmans à oublier le passé et à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle…, à protéger et à promouvoir ensemble pour tous les hommes la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté». Le HCI ajoute que parler de «terrorisme» nécessite d'abord de le définir d'une manière exacte. Les Nations unies ont tenté de le faire sans y parvenir, tandis que certains veulent le confondre avec la résistance légitime à l'occupation étrangère, comme c'est le cas par exemple de la Palestine et du Liban. «Associer le terrorisme à l'Islam est une absurdité évidente puisque le terrorisme affecte des pays non musulmans comme l'Irlande ou le Sri Lanka.» Par ailleurs, le HCI déclare «totalement infondée» la sentence lancée par le pape selon laquelle le christianisme est fondé sur la raison et la philosophie grecque, tandis que l'Islam serait, selon lui, étranger à l'une et à l'autre. «Tout au long du Coran, il est fait appel à la raison qui gouverne le comportement du croyant et fortifie sa foi, et il n'y a dans l'Islam aucune opposition entre la raison et la foi», explique le HCI, citant le cas du penseur Ibn Rochd qui avait été le commentateur d'Aristote. Indignation unanime Le HCI appelle à éviter de «s'immiscer» dans ce qui fait l'originalité des autres religions et de respecter les différences qui existent entre elles. «Sans cette condition fondamentale, aucun dialogue interreligieux ou interculturel n'est possible», affirme le HCI, invitant le pape à prendre, d'abord, connaissance de l'Islam. Au Maroc, le roi Mohammed VI a décidé de rappeler en consultation son ambassadeur au Vatican, alors que le Conseil des musulmans de Grande-Bretagne (MCB), la plus importante organisation musulmane du pays, a jugé que la mise au point du Vatican est insuffisante. Un dirigeant des Frères musulmans égyptiens, Abdel Moneim Aboul Foutouh, a, lui, estimé que les propos de Mgr Bertone ne «constituent pas une excuse». Plus tôt hier, le cheikh Mohammed Sayyed Tantaoui, de la mosquée d'Al Azhar, au Caire, s'est dit «indigné» des propos du pape, qui traduisent, selon lui, «une ignorance claire de l'islam». En Arabie Saoudite, le grand mufti, plus haut dignitaire religieux du pays, a accusé le pape de «mensonge». «L'Islam n'a rien à voir avec le terrorisme», a dit cheikh Abdel Aziz Al Cheikh au quotidien Al Riyadh. «Quelles que soient les circonstances, en tant que pape, il n'aurait pas dû dire de telles choses», a déclaré Ahmad Syafii Maarif, un haut responsable de l'organisation islamique indonésienne Muhammadiyah. L'Indonésie est le plus grand pays musulman du monde. Vendredi soir, à Ghaza, 2000 Palestiniens ont, à l'appel du parti islamiste Hamas, entonné des chants à la gloire de «Dieu et de son Prophète», tandis que cinq églises ont été les cibles d'attaques, qui n'ont pas fait de blessés, samedi dans les Territoires palestiniens. En Irak, une bombe placée devant une église à Bassorah (sud) a explosé vendredi soir, sans faire de blessés. Un groupe armé irakien, Jaïch Al Moujahidine, a menacé, dans un communiqué mis en ligne samedi, avant les déclarations du Vatican, de frapper à Rome et au Vatican : «Nous jurons de détruire leur croix au cœur de Rome (…) et que leur Vatican sera frappé et pleuré par leur pape», écrit le groupe. En Somalie, un chef religieux, Cheikh Abubukar Hassan Malin, lié au puissant mouvement des tribunaux islamiques, a appelé les musulmans à «se venger» du pape, ajoutant que toute personne offensant le Prophète Mohamed (QSSSL) devait «être tuée». Les dirigeants politiques de pays musulmans ont joint leurs voix au flot des critiques. Dès vendredi, les monarchies pétrolières du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn et Oman) ont réclamé «des excuses claires et franches» du pape. Elles ont été suivies par le Parlement égyptien et par le Premier ministre malais, Abdullah Ahmad Badawi. «Le Vatican doit dorénavant assumer l'entière responsabilité sur la question et prendre les mesures nécessaires afin de rectifier l'erreur», a déclaré M. Abdullah, qui préside l'Organisation de la conférence islamique (OCI), plus grand regroupement de pays musulmans. L'Iran, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a aussi appelé le pape à «réexaminer rapidement ses propos et à les corriger». Se démarquant du pape, l'Eglise copte égyptienne, chrétienne orthodoxe, a rejeté les propos de Benoît XVI et «toute atteinte aux symboles musulmans». Les propos du pape ont été critiqués jusque dans la presse américaine, le New York Times les qualifiant de «tragiques et dangereux». Mais des voix se sont élevées en Europe pour prendre la défense de Benoît XVI. «Celui qui critique le pape méconnaît l'intention de son discours qui était d'inviter au dialogue entre les religions», a affirmé, samedi, la chancelière allemande et compatriote du pape, Angela Merkel. En Autriche, pays très catholique, les journaux ont volé au secours du pape. «Le soulèvement réflexe d'une partie du monde musulman s'explique par un raccourci volontaire du discours du pape et une ignorance de sa véritable intention», a écrit le quotidien indépendant Kurier.