Le mal semble être tellement profond que le RCD n'a pas pu se taire aussi longtemps que prévu. Le parti de Saïd Sadi, qui a gelé ses activités pendant toute la durée de la campagne électorale, a ainsi rompu le silence hier en publiant un communiqué dans lequel il dénonce une campagne particulièrement « violente ». Sans exprimer un quelconque étonnement, le RCD voit dans la campagne qui est à son quatorzième jour, une affirmation du « coup d'Etat du 12 novembre », date renvoyant à la révision de la Constitution ayant permis à Abdelaziz Bouteflika de briguer un 3e mandat. Le parti de Sadi parle d'une triple violence. « Violence physique : des cars des services de sécurité investissent les villes dans la foulée du candidat officiel pour humilier les populations. Violence politique : des dirigeants, passés maîtres dans le reniement, accusent de « trahison » les citoyens qui refusent la compromission. Violence matérielle : le Trésor public est transformé en cagnotte personnelle », souligne-t-il dans le communiqué. Pour le RCD, il y a dans cette violence « un signe de faiblesse ». « Il suffit de connaître les individus chargés de représenter le candidat du régime pour voir la nature de sa base sociale et réaliser, une fois de plus, que la corruption reste l'instrument privilégié du pouvoir afin de pérenniser le système en place », affirme-t-il tout en assurant que « ni la violence politique, ni la corruption matérielle, ni le chantage économique ne viendront à bout de la détermination du peuple algérien qui a affronté d'autres épreuves et vaincu autant d'adversaires ». Ne participant pas à la présidentielle, le RCD considère que « Boycotter le scrutin du 9 avril, c'est refuser d'être complice d'une offense à notre dignité ; refuser une présidence à vie qui renie Novembre et la Soummam ainsi que l'évolution du monde. » Considérant qu'« un putschiste récidiviste qui a déserté le pays pendant vingt ans de détresse ne pourra jamais asservir la nation algérienne », le RCD montre un peu d'optimisme en l'avenir politique du pays en jurant « d'éradiquer la fraude électorale et la corruption » comme avait été éradiqué « le parti unique ». Pour ce parti, la renaissance de l'espoir dans le pays passe fatalement par la « disqualification » de ce qu'il qualifie de « manœuvre du 9 avril ». Comme « boycotteur » de la présidentielle, le RCD n'est pas seul dans l'arène. Le FFS de Hocine Aït Ahmed mène, cahin-caha, une campagne contre ce processus électoral. Mais de telles activités semblent déranger les organisateurs en chefs de cette élection qui donnent l'impression d'être plus que jamais hantés par le spectre de l'abstention. Certes, officiellement le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, dit n'avoir donné aucune instruction interdisant aux partisans du boycott de défendre leur position à travers des meetings et rencontres avec la population. Mais dans la réalité, l'interdiction est systématique. Plusieurs rencontres et meetings prévus par le FFS dans différentes régions du pays ont dû être annulés faute d'autorisation. Peu de rencontres ont pu être organisées au sein des structures régionales du parti. « Le meeting prévu aujourd'hui à Tizi Ouzou n'a pas été autorisé, comme d'ailleurs ceux de Béjaïa, de Sétif, de Sidi Bel Abbès et de Ghardaïa. Nos affiches à Dély Ibrahim, El Mouradia et Bordj El Bahri ont été arrachées par des agents communaux escortés par les services de sécurité », affirme un membre de la direction nationale du FFS. Aussi, un enseignant universitaire, militant de ce parti, a été arrêté au courant de la semaine par les services de sécurité. Son tort était d'avoir sur lui des affiches appelant au boycott. Il est ainsi clair que cette généreuse idée attribuée à Voltaire, à savoir « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire », ne constitue nullement la devise du ministre de l'Intérieur.