L'ambassadeur d'Algérie en Egypte s'enquiert de l'état de santé du joueur Kendouci    Attaf réaffirme depuis Addis-Abeba le caractère "solide et exemplaire" des relations algéro-éthiopiennes    Président de la République : l'Algérie aspire à devenir un leader économique à l'échelle continentale    Rencontre du président de la République avec les opérateurs économiques : l'Algérie connaît un développement global et intégré    Maroc: la corruption est partout dans le royaume    Inauguration du pavillon Algérie à l'expo 2025 Osaka-Kansai au Japon    Judo / Championnat d'Algérie juniors : CS Ouled El Bahia garçons et MC Alger filles sacrés par équipes    Saisie de 66 kg de cocaïne à Adrar    APN: le directeur de l'ONPO passe en revue les derniers préparatifs du hadj 1446h/2025    Hadj 2025 : le ministère de la Santé organise une journée de sensibilisation au profit des membres de la mission médicale    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 50.944 martyrs    Projection en avant-première du film d'animation "Touyour Essalam", à Alger    Constantine : ouverture de la première édition des journées "Cirta court métrage" avec la participation de 12 œuvres cinématographiques    Une caravane médicale au profit des habitants de la commune de Sidi Hosni    «Pour l'Algérie, c'est le moment idéal pour négocier un accord avec l'empire américain, qui est désormais en position de faiblesse»    Recrutement de surveillants de plages saisonniers    Apanage des seules élites algériennes francophiles    «L'Algérie doit aller vers une approche intégrée»    «La FAF a un rôle de leader et de catalyseur»    Avec 9 joueurs, l'ESS prive l'ASO d'une égalisation    L'âme du chant bedoui oranais    L'Algérie exprime sa vive protestation suite à la décision de la justice française de placer en détention provisoire son agent consulaire en exercice    "Oueld E'ttir" un projet moderne pour une meilleure mise en valeur du patrimoine chaabi    Football: l'équipe du FLN, porte-voix de la Révolution algérienne    L'élimination du MCA entraîne celle du président du CA    Un climat de terreur    Vers le lancement de la version finale de la Charte des économies d'eau    Les nouvelles lois relatives aux partis politiques et aux associations, en Algérie permettront-elles leur dynamisation pour une participation et mobilisation citoyenne ?    Inhumation du Lieutenant-colonel Djoulem Lakhdar à Tissemsilt    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    La Fifa organise un séminaire à Alger    150e Assemblée de l'UIP à Tachkent: la députée Farida Ilimi élue membre de la Commission de la santé    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Mme Mansouri rencontre la vice-ministre des Relations internationales    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    La Coquette se refait une beauté    La wilaya veut récupérer les locaux non utilisés    Un rempart nommé ANP    Le Parlement persiste et signe    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Des partis politiques continuent de dénoncer la position du gouvernement de transition au Mali contre l'Algérie    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    Renforcer la communication entre l'ONSC et la société civile pour promouvoir l'action participative    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La collégienne martyre du 17 octobre 1961
Publié dans El Watan le 16 - 10 - 2006

C'était le 17 octobre 1961. Les Français musulmans algériens (FMA) avaient occupé Paris le temps de dire au préfet de police, Maurice Papon, qu'ils étaient des Algériens ; que comme leurs frères, pères, sœurs et mères de la colonie en guerre, ils étaient avec le Front de libération nationale et pour la libération de leur pays du joug du colonialisme français. Pour eux aussi, l'indépendance de l'Algérie n'avait pas de prix. Les ouvriers algériens étaient sortis manifester pacifiquement contre le couvre-feu raciste imposé par Papon aux seuls Algériens à l'exclusion de toutes les autres populations vivant à Paris et sa banlieue.
Plus qu'une commémoration, ce 45e anniversaire de la chasse au faciès, ordonnée par les plus hautes autorités de Paris, est celui d'un retour, celui du transfert de la France vers l'Algérie, des restes post-mortem de la jeune chahida Fatima Bedar.
Née le 5 août 1946 à Béjaïa, elle n'a que cinq ans quand elle rejoint, avec sa mère et sa sœur, son père à Sarcelles. Fatima était l'aînée de quatre sœurs et deux frères auxquels s'ajouteront ultérieurement deux autres sœurs. Fatima ne les verra pas, car entre elle et eux des mains criminelles se sont interposées pour mettre fin à sa vie. Comme tous les Algériens qui vivaient dans la banlieue parisienne, son père Hocine, employé à Gaz de France, domicilié à Stains en Seine-St-Denis, avait tenu à répondre présent à l'appel de la Fédération de France du FLN. Mon propos n'est pas de faire ou refaire l'historique du 17 octobre 1961. D'autres en ont fait leur objet de recherche. Nous voulons tout simplement contribuer au devoir de mémoire en faisant revivre le temps d'un souvenir, qui se voudrait ineffaçable, la figure angélique de Fatima. La sortir de l'oubli, la restituer à son pays, à l'histoire de l'Algérie pour laquelle elle a fait don de sa vie. Tel est l'objet de ce modeste papier.
Cette chahida, de 15 ans passés de 2 mois et 12 jours, ne constitue qu'une pièce d'un puzzle éclaté en mille morceaux dont la reconstitution exige des moyens appropriés et des sacrifices humains à la mesure des objectifs que s'assigne tout chercheur. C'est dans cet esprit que nous avons organisé, entre autres, deux tables rondes. L'une le 17 juin 2002 en hommage à la moudjahida Baya Hocine décédée le 1er mai 2000, l'autre le 16 octobre de la même année en hommage précisément à Fatima Bedar. Mais qui est Fatima Bedar ? Réponse courte à une question courte : une élève du collège commercial et industriel féminin sis rue des Boucheries, à Saint-Denis. Comment devient-on chahida quand on n'a que 15 ans et qu'on réside en France ?
Y a-t-il d'abord un âge à cela ? Il faut inverser la question et se demander comment cette adolescente au regard doux, à la coiffure soignée, au sourire angélique, au visage serein, malgré des sourcils prononcés et une tenue vestimentaire simple mais de bon goût, a pu se retrouver le soir du 17 octobre 1961 au fond des eaux mortelles de la Seine ? Elle n'avait pourtant pas l'air d'une enfant revêche, elle n'était pas rebelle à l'autorité paternelle. Elle ne portait pas non plus en elle les signes d'une enfant travaillée par le militantisme et l'engagement jusqu'au sacrifice suprême. Pour répondre à ces questions et à d'autres qui se poseront par la suite, tout un travail d'enquête s'impose. On ne vient pas au militantisme comme on va faire ses emplettes un couffin à la main. Les dures conditions de vie et de travail imposées de fait à l'émigration maghrébine en France, particulièrement ceux vivant dans la banlieue parisienne, renvoyaient les ouvriers algériens de Renault-Billancourt, de Peugeot, du bâtiment, des mines… à un passé qu'ils avaient laissé loin derrière eux en Algérie. Saint-Denis n'était pas le ghetto de Nanterre, mais la misère humaine de ces ouvriers des colonies qui était partout la même. C'est dans ces foyers, parmi les ouvriers maghrébins qu'est née l'Etoile nord-africaine. Le nom, les idées du père du nationalisme algérien, Hadj Messali, faisaient partie des rudiments de la culture militante de chaque ouvrier. La photo du zaïm constituait un élément du mobilier familial, aussi modeste était-il. L'histoire mouvementée de l'ENA, du PPA et du PPA-MTLD, les incarcérations répétées du zaïm, les interdits en tous genres qui le frappaient et son exil faisaient partie de la culture historique diffuse des ouvriers perquisitionnés de nuit dans les meublés, dans les foyers nord-africains, dans les bidonvilles et autres espaces de regroupement de l'immigration algérienne. Vint le 1er novembre 1954, les premières cellules FLN en France, les attaques contre les harkis, l'incendie dans la nuit du 24 au 25 août 1958 par les commandos de la Fédération de France du FLN des raffineries de Mourepiane près de Marseille. La guerre d'Algérie avait franchi les portes de Paris et de la métropole. Le sigle FLN éclipse, non sans peine, le MNA qui livre une autre guerre à son rival. Les autorités françaises multiplient les contrôles d'identité, les rafles, les séquestrations, la torture des Algériens. Les disparitions par noyade, les pendaisons sauvages au Bois de Boulogne qui avaient commencé bien avant le 17 octobre, suscitaient l'inquiétude de certains journaux comme Le Monde ou Témoignage chrétien. Fatima a baigné dans ce climat d'angoisse, de terreur et de lendemains incertains, celui de ne pas voir revenir son père la nuit tombée. Fatima avait 8 ans en novembre 1954, 15 en 1961, un âge où la curiosité est la mère des écoles. Mais Fatima était connue pour son sens des responsabilités. Elle secondait sa mère dans les travaux ménagers en même temps qu'elle assurait le suivi scolaire de sa jeune sœur Louisa qui voyait en elle une seconde maman et accompagnait le petit Djoudi à l'école maternelle.
Bref, c'était jusque-là une fille modèle avec en plus des responsabilités d'une jeune fille moderne. L'annonce du 17 octobre brouillera toutes les cartes. Tout change brusquement. En décryptant à partir de l'une de ses dernières photos les traits de cette collégienne tout à fait comme les autres, on découvre une autre Fatima. Elle paraît grave et surtout déterminée. Les Bedar gardent en mémoire deux 17 octobre. Celui d'une discussion animée entre Djida, la mère et sa fille et celui de la disparition de Fatima. Les parents ne voulaient pas que leur fille prenne part à la manifestation prévue le soir-même. Sa mère l'avait chargée de garder ses frères et sœurs. La détermination de Fatima était telle, qu'elle sortira en courant du domicile familial qu'elle quitta à jamais. Dans sa course vers l'inconnu et malgré la tension entre elle et sa mère, Fatima n'avait pas oublié de prendre avec elle son cartable. C'était mardi et elle avait classe. Le 18 octobre, son père signale sa disparition au commissariat de Saint-Denis Banlieue. Un procès-verbal daté du même jour en fait foi. Hocine et son épouse que suivait le petit Djoudi, la chercheront en vain jour après jour dans les rues de Stains. Les recherches prendront fin le 31 octobre avec la découverte par les pompiers, à la 7e écluse du canal de Saint-Denis de la dépouille d'une jeune fille qu'ils venaient de repêcher. Le corps était dans un état de décomposition avancé. Il était méconnaissable. Les Bedar ne l'identifièrent que grâce aux longues et épaisses nattes châtain foncé de leur fille disparue la nuit du 17 au 18. Quant au cartable, il sera remis le 1er novembre au père par le commissariat de police de Saint-Denis. Une porte venait de se fermer sur les Bedar et une autre allait s'ouvrir, celle du silence et le refus de dire. Djida rendra l'âme le 3 avril 2003 dans la douleur de la perte cruelle de sa fille aînée. Hocine Bedar, aujourd'hui malade, sa sœur Louisa et son frère Djoudi se souviennent des derniers moments qui opposèrent Fatima à sa mère. Ils gardent en mémoire le cartable restitué par la police, les recherches sans succès dans les rues de Stains dans l'espoir de trouver Fatima. Ils se souviennent du corps tuméfié découvert quatorze jours après sa sortie du domicile. Ils se souviennent de l'inhumation le 4 novembre 1961 de la chahida Fatima Bedar au cimetière communal de Stains. Ils se souviennent de tant et tant de choses. «Mais qui a tué Fatima Bedar ?», s'est interrogé Jean-Luc Einaudi. On ne le saura jamais. Mais ce que l'on sait, c'est qu'au commissariat de Saint-Denis et au poste de police de Stains, dépendant de Saint-Denis, des policiers avaient, depuis des semaines, pris l'habitude de jeter des gens dans le canal et dans la Seine. Sans commentaire.
L'auteur est :Maître de conférence – Département d'histoire Bouzaréah, Alger
Références :
1- Jean-Luc Einaudi : La bataille de Paris. Seuil, Paris, 1991.
2- Idem. : Octobre 1961, un massacre à Paris. Fayard, Paris, 2001 ,385p.
3- Malika El Korso (sous la direction de) : Femmes au combat : hommage à Baya Hocine.Table ronde organisée par le laboratoire Encyclopédie des Figures historiques de la révolution algérienne (1954-1962) ; Centre national d'étude et de recherche sur le Mouvement national et la révolution du 1er Novembre 1954 ; 17 juin 2002.
4- Idem : Militants et militantes de la Fédération de France du FLN et le 17 octobre 1961 : hommage à Fatima Bedar ; idem ; 16 octobre 2002.
5- Fédération de France du FLN, section femmes : Les manifestations des femmes algériennes en France brochure octobre-novembre 1961, 63p.
6- Linda Amiri : La Bataille de France. La guerre d'Algérie en métropole. Laffont ; Paris 2004. 235p.
Voir également :
1- Ali Haroun : La 7e Wilaya, la guerre du FLN en France 1954-1962, Seuil, Paris , 1986 ; Ed ; Rahma, Alger, 1992, 522p.
2- Olivier Le Cour Grandmaison
(sous la direction) : Le 17 octobre 1961, un crime d'Etat à Paris. Ed. La Dispute, Paris, 2001, 282p.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.