Portrait n 45 ans après son assassinat, les restes du corps de la chahida Fatima Bedar, unique algérienne jetée dans le canal de Stains, sont rapatriés. C'est dans cette terre de Tichy que Fatima sera réinhumée demain. Fatima est née à Béjaïa le 5 août 1946. Elle est issue d'une famille modeste dont le père avait émigré en France pour y travailler. En 1955, âgée de 5 ans, Fatima quitte Béjaïa en compagnie de sa mère pour rejoindre le père. Ce dernier est ouvrier à Gaz de France. Durant la Seconde Guerre mondiale, il a été emprisonné par les Allemands avant de s'évader. La famille Bedar a d'abord habité à Sarcelles pour s'installer ensuite à Stains à Saint-Denis. Fatima est l'aînée de la famille, elle aide beaucoup sa mère à la maison après ses cours. Elle s'occupe aussi de son petit frère Djoudi et des petites sœurs. Très souvent, c'est Fatima qui accompagne son frère à l'école maternelle. Aux yeux de sa petite sœur Louiza, elle fait déjà figure d'une véritable femme. Fatima est élève au collège commercial et industriel féminin, rue des Boucheries à Stains, elle n'a que 15 ans, l'âgé juvénile du désir de liberté. Le 17 octobre 1961 au matin, ce jour-là, sa maman lui demande de revenir de bonheur pour garder son frère et ses sœurs parce que, eux, devraient se rendre à la manifestation décidée par les frères, disait-elle. Là, elle leur exprime son désir de les accompagner. Devant le refus obstiné des parents, elle se dispute, vivement, avec sa mère. Le ton monte, sa mère très énervée, lui jette quelque chose dans sa direction. Elle a tout fait pour la dissuader, en vain. Louiza, sa petite sœur, médusée, la regarde partir en courant. Ni le lendemain ni les jours suivants Fatima ne reviendra à la maison. Chaque matin que Dieu fait, son père toujours abattu, partira de très bonne heure pour la chercher. Très souvent, sa mère comme une folle emmènera avec elle, le petit frère Djoudi dans les rues de Stains, à sa recherche. Et puis, voilà qu'un soir, le père rentrera à la maison, le cartable de Fatima à la main. Le 31 octobre, finalement, on retrouvera le corps de Fatima noyée dans les profondeurs du Canal de Sains. Le corps a été découvert tôt le matin par les ouvriers chargés du nettoyage de la grille de la 7e écluse de ce canal et de la turbine. Il était accroché à la grille de la turbine. Au commissariat de police de Saint Denis et au poste de police de Stains, des policiers ont pris l'habitude, depuis des semaines, de jeter des Algériens dans le canal et dans la Seine.