Le président moldave, Vladimir Voronine, a menacé hier de recourir à la force si les émeutes anticommunistes qui ont éclaté la veille se poursuivent et accusé la Roumanie d'être derrière la flambée de violences. « J'ai fait en sorte d'éviter toute effusion de sang dans des situations comparables dans les années 1989 et 1991, quand j'étais ministre de l'Intérieur », a déclaré le chef de l'Etat de cette ex-République soviétique de 4,3 millions d'habitants. « Hier, j'étais à la limite (de recourir à la force). Si ça se répète, des mesures appropriées pourront être prises. Le pouvoir a toutes les raisons de les prendre, en conformité avec la loi », a-t-il ajouté. Sourds à ces menaces, un millier de manifestants affluait à la mi-journée dans le centre de Chisinau, la capitale moldave, pour une troisième journée de protestations après la victoire écrasante (50% des voix) des communistes dimanche aux élections législatives. « Nous contestons les élections dont les communistes ont falsifié les résultats. Nous devons continuer à manifester, mais ne pas céder aux provocations », a déclaré Anatoli Petriencu, leader du Mouvement pour l'Europe. Mardi, de jeunes manifestants ont mis à sac le Parlement, jetant meubles et ordinateurs par les fenêtres, et occupé également la présidence avant que les forces de l'ordre ne reprennent le contrôle de la capitale dans la nuit. Les difficultés sociales de ce pays, le plus pauvre d'Europe, dont un quart de la population est partie travailler en Europe ou en Russie, et le manque de perspectives claires pour la jeunesse semblent être le principal catalyseur de ces émeutes. « Ce n'est que le début. Ce sont les communistes qui sont coupables, on n'a pas de quoi vivre ici, comment on peut vivre avec un salaire de 1500 lei (100 euros) ? », affirme un ouvrier, en montrant le parlement aux fenêtres noircies. « On va s'arrêter quand on sera à leur place, quand nous aussi on pourra boire un whisky et fumer un cigare, comme le font les gens en Europe. On veut vivre normalement parce qu'ici, c'est la misère », renchérit Gueorgui, âgé d'une vingtaine d'années. Ce mouvement semble avoir pris forme spontanément, alimenté par des appels à manifester sur internet et via des SMS. Le président moldave a accusé la Roumanie, dont la Moldavie fit partie avant d'être annexée par l'URSS, puis d'accéder à l'indépendance en 1991, d'être « impliquée dans tout ce qui se passe ». Il a annoncé l'introduction d'un régime de visas avec la Roumanie, entrée dans l'UE en 2007, tandis que l'ambassadeur moldave à Bucarest était rappelé à Chisinau pour « consultations ». D'ailleurs, l'ambassadeur de Roumanie a été prié de quitter la Moldavie. Depuis mardi, quelque 280 personnes, dont nombre d'étudiants moldaves, ont aussi été refoulées à l'entrée en Moldavie sous les prétextes les plus divers « de la fermeture temporaire à la panne du système informatique », a déclaré le porte-parole de la Police des frontières roumaine. M. Voronine, un ancien apparatchik formé à l'école de l'URSS, reste empreint d'une roumanophobie toute soviétique. S'il s'est tourné vers l'Europe en 2005, après une politique largement pro-russe, ses détracteurs déplorent un processus trop lent à leurs yeux de rapprochement avec l'UE. La Russie, a jugé « sans fondement » pour sa part toute remise en cause des résultats. « Toute demande de tenir de nouvelles élections, de réexaminer les résultats du vote qui a eu lieu sont absolument sans fondement », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a aussi jugé le scrutin « conforme à de nombreuses normes et obligations internationales ».