Abdelaziz Bouteflika prêtera aujourd'hui serment pour la troisième fois consécutive et assurera de respecter la Constitution. L'acte 3 de la présidence de Bouteflika s'entame aujourd'hui sous une foultitude de questionnements sur ce qui va marquer ce quinquennat. Si sur le plan économique, la marche à suivre est connue, ou du moins ses grands contours, puisqu'on parle de poursuivre les chantiers entamés, il s'avère que sur le plan politique, les craintes d'un durcissement se font jour. Abdelaziz Bouteflika, qui n'a pas caché sa réprobation quant à « la nature » de l'ouverture politique opérée au lendemain des événements d'octobre 1988, a même qualifié la floraison de formations politiques composant le champ politique d'« anarchique ». Le président Bouteflika n'a eu de cesse de dire sa volonté de mettre « de l'ordre » dans ce pluralisme « trop pluriel » et d'estimer qu'un multipartisme idéal se scinderait en deux grands partis politiques, à l'image de la démocratie américaine. Aujourd'hui, alors qu'il a les coudées franches, après avoir réussi à faire passer sa volonté de briguer un troisième mandat et après avoir obtenu un score vertigineux à la dernière élection présidentielle, on peut s'attendre à ce que Bouteflika opère une restructuration de la scène politique nationale. Il reste seulement à savoir comment se traduira cette restructuration qui, faut-il le souligner, risque d'être orientée vers plus de fermeture, comme le soulignent les partis de l'opposition. Un avant-goût de fermeture dominait durant le second mandat, à travers le rétrécissement du champ des libertés. Reconfiguration Le risque pour l'heure est de voir se réduire davantage la marge d'action réservée à la société civile. Le ministre de l'Intérieur, qui vraisemblablement aura toute latitude durant l'actuel mandat de réviser les codes de wilaya et de commune, et après avoir fustigé le travail des associations qu'il accuse d'être absentes sur le terrain, vient de lancer l'idée de revoir la loi sur les partis politiques. La restructuration du champ politique a vu d'ailleurs ses prémices durant la dernière campagne électorale. L'analyse des résultats de la dernière élection et l'écart énorme entre Bouteflika et ses adversaires de course renvoient au message qu'il existe une volonté de revoir la configuration du champ politique en écrasant l'opposition et en en faisant une quantité négligeable. L'image de cette machine électorale soutenue par les partis-Etat exprime ce retour sans demi-mesure du pouvoir de l'appareil FLN, soutenu par deux autres appendices pareillement organisés. Le retour en fanfare des organisations de masse exprime, à son tour, un renouveau des vieux réflexes du parti unique qui encadre la vie politique via des appareils de mobilisation des foules. La dernière célébration des événements du printemps noir a montré, quant à elle, à travers la qualité des participants, que même les espaces de contestation sont investis par l'appareil Etat. Donc aujourd'hui, est posée la question de savoir où s'achemine-t-on ? Il est à noter qu'avant même que le président ne prononce son serment de respecter la Constitution, des voix s'élèvent déjà pour acclamer une nouvelle révision du texte fondamental et en profondeur. Jusqu'où ira donc Bouteflika ?