De nombreux paramètres peuvent être utilisés pour établir un classement. Un classement basé sur la qualité du site web des universités a été pris comme paramètre exclusif par un bureau d'études espagnol pour classer les universités. La reprise récente de ses conclusions par la presse nationale a créé un émoi dans l'opinion en raison de l'absence d'universités algériennes dans le hit-parade des 500 premières universités dans le monde. Si ce classement paraît assez léger et peu crédible sur le plan scientifique, il n'excuse pas pour autant le fait que des universités qui engloutissent tant de milliards par an donnent peu de place aux nouvelles technologies de la communication et ne disposent pas de sites web dynamiques et actualisés, surtout que certaines de ces universités disposent d'un institut d'informatique ou de filières de formation en informatique. L'autoévaluation, une nécessité Plus sérieux est donc le dernier classement proposé par le Centre de recherches statistiques en économie, recherche sociale et formation pour les pays islamiques à Ankara (Sesrtcic) publié en avril 2007. Ce classement académique évalue les universités des pays de l'OCI entre elles, évalue les écarts entre les universités de l'OCI et les autres universités classées dans le monde, vise à accroître la compétition entre les universités des pays de l'OCI, mesure l'excellence académique de chaque université, aide à déterminer les meilleures pratiques, renforce la politique de recherche scientifique et contribue à développer des relations scientifiques, des réseaux de recherche sur les plans national et international entre les universités. Le classement périodique des universités apparaît aujourd'hui comme un besoin pour évaluer notre formation et notre recherche. Il constitue un facteur de compétition entre les universités. Chaque pays doit autoévaluer sa formation. La voie a déjà été ouverte par les politiques à travers l'auto-évaluation par les pairs faite dans le cadre du Nepad. Il est surprenant qu'il n'existe aucun classement national des universités sur la base de paramètres objectifs ! Le classement du Sesrtcic a pris comme critère les articles publiés par chaque université durant la période 2004-2006 dans des journaux ou revues indexés par l'institut de l'information scientifique (ISI) et ou répertoriés par l'index des citations scientifiques (SCI), l'index des citations scientifiques élargies (SCI-Expanded) et l'index des sciences sociales (SSCI). Seules les données de 49 pays sur les 57 pays membres ont pu être exploitées et donc les pays classés. Ainsi, l'Afghanistan, les îles Comores, Djibouti, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Côte d'Ivoire, les Maldives n'ont pas de données disponibles. Le nombre d'universités répertorié dans le monde est de 9760 selon l'Unesco, dont 1 460 universités dans les pays de l'OCI. Ce dernier nombre apparaît cependant plus élevé (1 799 universités) selon le site web du Sesrtcic. Sur la base du critère de publication d'articles scientifiques indexés sur le plan international pris comme facteur unique de classement, on ne compte que 323 universités ayant publié des articles sur les 1799 que comptent les pays de l'OCI. L'analyse des données pour pouvoir dégager un index composite de classement ne permet de retenir que 85 universités sur les 323. Au top des vingt premières universités des pays de l'OCI, on retrouve 18 asiatiques et deux arabes. Parmi elles, 14 sont turques, 3 sont iraniennes, l'Egypte, le Koweït et la Malaisie ayant chacune une université. Ainsi, sur la base de ce classement, la Turquie occupe le haut du tableau ; elle a publié dans la période 2004-2006, 43 630 articles avec en moyenne 623,3 articles par université. Dans les pays du Maghreb, l'Algérie est classée première en nombre absolu d'articles avec 1 682 articles (Tunisie : 1 490 articles et Maroc : 807 articles publiés), étant donné un plus grand nombre d'universités mais est troisième derrière la Tunisie et le Maroc lorsque l'on considère le nombre moyen d'articles produits par université : 93,4 articles par université en Algérie contre 165,6 articles par université en Tunisie et 115,3 articles par université pour le Maroc. L'Algérie est suivie par la Libye et la Mauritanie avec respectivement un nombre total de 69 et 25 articles avec des moyennes respectives par université de 34,5 et 25 articles. Ce mode de classement reposant sur le seul paramètre du nombre d'articles publiés peut être affiné par le nombre de fois où l'article a été cité. Ce deuxième mode donnera un autre classement avec l'université indonésienne dont 25 articles ont un taux de citation de 8000, suivie par l'université des sciences et de la technologie du Yemen avec un article dont le taux de citation est de 5000. Toujours selon ce deuxième mode de classement en Algérie, l'université Mohammed Boudiaf sera classée la première sur les 18 classées alors que l'USTHB est classée première par nombre d'articles. 200 000 étudiants en 2009 Un troisième mode de classement est basé sur l'index composite qui comprend plusieurs indicateurs : la qualité de recherche, la performance de la recherche, le volume de la recherche et le taux de croissance de la recherche. Ce dernier mode de classement paraît le plus qualitatif et donc plus intéressant. Suivant ce mode de classement, on retrouve au top 20 : 7 universités iraniennes, 5 turques dont celle classée première, deux égyptiennes, deux malaisiennes, une pakistanaise (2e place), une émiratie (El Aîn, classée 9e), une koweitienne (10e) et une libanaise (Université américaine : 12e). Au top 50 de ce 3e mode de classement, on retrouve 82% d'universités de pays asiatiques contre 16% d'universités arabes et 2% africaines : 26 turques (52%), 9 iraniennes (18%), 3 malaisiennes (6%), 3 égyptiennes 3 (6%), 2 pakistanaises (4%), une pour l'Ouganda, les EAU, l'Arabie-Saoudite, le Liban, le Koweït, la Jordanie et l'Azerbaïdjan (2% chacune). Dans le top 85, on retrouve aux trois premiers rangs : la Turquie avec 47 universités (55,3%), l'Iran avec 10 (11,8%) et l'Egypte avec 8 (9,4%). L'analyse de ce top 85 montre que la majorité écrasante des universités est anglophone ! Au plan maghrébin, la 1re université est marocaine (57e : université El Kadi Ayad de Marrakech), puis l'université de Monastir à la 74e place, l'USTHB, première université algérienne est suivie par une deuxième université tunisienne (de Sfax). Seules 18 universités algériennes sont classées à l'échelon des pays de l'OCI durant la période 2004-2006. La première classée est l'USTHB qui occupe la 94e place, la 18e université nationale (université de Boumerdès) se classe à la 243e place parmi les 323 universités des pays de l'OCI classées. L'USTHB a produit durant la période 2004-2006 : 299 articles contre 2 899 produits par l'université turque, première classée durant la même période, soit dix fois moins. Ainsi, avec seulement 150 articles publiés par an, l'USTHB produit près du cinquième de la totalité des articles scientifiques publiés en Algérie ! L'université de Boumerdès, la 18e nationale et la 243e au classement des pays de l'OCI, n'a produit durant la même période que 15 articles, soit environ 7 articles par année universitaire ! Pour mieux analyser ce classement, il aurait été intéressant de disposer d'autres paramètres : nombre d'enseignants de rang magistral, nombre d'étudiants, nombre de facultés, d'instituts, de laboratoires… Quoi qu'il en soit, ce classement paraît assez objectif. Il rend compte d'une situation où le seul discours utilisé est le quantitatif : nombre de places pédagogiques, nombre d'amphithéâtres, nombre de lits en cité universitaire, nombre de diplômés… La réalité est que l'université algérienne est devenue peu attrayante. Sur les 57 universités, seules 18 sont classées ! Où est l'université d'Alger, la grande absente de ce palmarès et qui devrait donner naissance à trois nouvelles universités dans un proche avenir ? Une première lecture de ce classement montre que sur les 18 universités algériennes classées, 4 sont à l'Ouest, 4 au Centre et 10 à l'Est. L'autre enseignement de ce classement est de constater l'absence de revues scientifiques de qualité, support indispensable d'articles scientifiques susceptibles d'être indexés sur le plan international. Paradoxalement, la multiplication dans notre pays de colloques, séminaires, conférences affublés du label «international» ne semble avoir aucun effet sur le score obtenu par nos universités au plan international. Peut-on dire que les universités algériennes ont été conçues pour former et non pour faire de la recherche ? Les conditions de recherche existent-elles réellement, lorsque qu'un enseignant dispose rarement d'un espace pour travailler, d'un micro-ordinateur ou d'une connexion Internet… A l'horizon 2009, un million deux cent milles étudiants sont attendus. Nos universités sont-elles réellement préparées pour leur assurer un encadrement adéquat ? N'est-il pas temps de revaloriser la situation des enseignants universitaires, de leur donner les moyens nécessaires pour assurer leur mission tout en devenant exigeant sur leur rentabilité ? Ne devons-nous pas autonomiser les universités et créer des interactions avec le secteur productif ? Peut-on encore s'offrir le luxe d'ignorer nos compétences nationales installées à l'étranger, lesquelles ne demandent qu'à participer au développement de leur pays ? En tout état de cause, ce classement nous interpelle. L'université, au même titre que l'école traverse une crise ; il est urgent d'y remédier. L'auteur est Président de la Forem membre de l'Académie des sciences des pays de l'OCI Membre fondateur de l'Association des compétences algériennes