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De Saint Eugène à Bouhandès
Publié dans El Watan le 11 - 09 - 2007

Il faisait partie du commando de la zone 2 de la Wilaya IV. Avant de s'engager dans la lutte armée, il était étudiant à l'université d'Alger, dirigeant des Jeunesses communistes et membre du conseil de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD). Nour Eddine Rebah, qui doit son éveil politique précoce à ses oncles maternels, Makhlouf et Ali Longo, militants syndicaux et membres du Parti communiste algérien (PCA), est né le 20 juin 1932 dans le vieux quartier andalou des Ouled Sultan, à Blida. Aîné des neuf enfants de Ahmed Rebah et Hafsa Longo, il fit ses études primaires successivement à Blida (école Cazenaves), Charon (aujourd'hui, Boukadir, à l'ouest de Chlef) et Alger (école de la rue du Soudan, dans la Basse Casbah). A Saint Eugène (Bologhine, banlieue d'Alger), enfant, il a fait partie du groupe des scouts musulmans El Widad, tout en suivant l'école coranique où enseignait l'imam cheikh Sahnoun. Après avoir passé brillamment le concours national des bourses, il entra au Collège moderne du boulevard Guillemin (aujourd'hui lycée Okba), à Bab El Oued. Il termine, ensuite, le cycle secondaire au lycée Bugeaud (lycée Emir Abdelkader, actuellement), en classe de philosophie, en menant de pair ses études et l'activité politique anticoloniale intense dans laquelle il était pleinement engagé et qui l'a amené, en tant que militant du PCA, à intervenir dans les meetings visant à mettre en échec la répression qui s'abattait, alors, sur les militants du mouvement national, et particulièrement sur les membres de l'Organisation spéciale (OS).
Une dimension internationale
En août 1950, à 18 ans, il fit partie de la délégation algérienne au 2e congrès de l'Union internationale des étudiants (UIE), tenu à Prague, où étaient également présents des militants anticolonialistes que les Algériens connaîtront plus tard, comme Me Jacques Vergès ou le professeur d'économie Gérard Destannes De Bernis. Nour Eddine Rebah fit, devant les représentants des étudiants venus de tous les coins du monde, un exposé saisissant sur la misère des enfants algériens sous le colonialisme. Une année après, en 1951, à Berlin, au Festival mondial de la jeunesse, placé sous la présidence d'honneur du savant Frédéric Joliot-Curie, il rencontre les poètes Pablo Neruda (Chili) et Nazim Hikmet (Turquie). En 1953, au Festival mondial de la jeunesse de Bucarest, il était en tête d'une importante délégation algérienne qui comprenait des personnalités de la culture comme Mahieddine Bachetarzi et Mustapha Kateb. Brandissant une banderole avec le mot d'ordre, écrit en arabe, «La jeunesse algérienne en lutte pour l'indépendance», elle fut acclamée par des centaines de jeunes venus du monde entier.
Entre-temps, il avait obtenu son bac et s'était inscrit, en novembre 1952, à la Faculté de médecine de l'Université d'Alger. Il fut élu, en décembre 1953, vice-président de l'Association des étudiants musulmans d'Afrique du Nord (AEMAN), dans un contexte marqué par la diffusion des idées marxistes dans les milieux universitaires. Ses conditions matérielles très difficiles le contraignirent, en octobre 1954, à prendre un poste d'instituteur à Aïn Rich, à 300 km au sud d'Alger, tout en continuant à suivre ses études par correspondance. Dans ce douar isolé, il eut à apprendre à lire et à écrire à des enfants dont les conditions de vie étaient des plus pénibles : pieds nus, en haillons et la faim au ventre, ils effectuaient de longs trajets pour arriver à leur école-gourbi, comme l'appelaient, à ses débuts, les autorités coloniales. Les anciens de Aïn Rich qui l'ont connu gardent en mémoire sa sollicitude à l'égard de ces enfants, privés de tout, qu'il aidait comme il pouvait. En mars 1955, il retourna à Alger et reprit le chemin de l'Université. Pendant les vacances, il travailla à Tourisme et Travail à Cap Aokas, près de Béjaïa, puis, à la rentrée suivante, au Collège de Tizi Ouzou (aujourd'hui lycée Amirouche) comme maître d'internat. C'était, évidemment, une «couverture» à ses activités militantes. Il était, en effet, connu des services de la DST qui l'avait déjà arrêté à deux reprises, en octobre 1952 et en avril 1953, en prolongement de l'affaire appelée «complot des pigeons» qui fut un prétexte, en France, en mai 1952, à l'arrestation du dirigeant communiste Jacques Duclos. Conduit au siège de la DST, qui se trouvait à Bouzaréah, Nour Eddine Rebah avait refusé, les deux fois, de répondre aux questions des policiers et de signer le PV de son interrogatoire.
L'engagement dans la lutte armée
En octobre 1955, il intègre, à Alger, un groupe des Combattants de la libération, organisation armée créée par le PCA. Il prit part ensuite à un convoi d'acheminement vers le maquis de Larbaâ, près d'Alger, des armes récupérées par son ami Henri Maillot, qui avait détourné, le 4 avril 1956, un camion de l'armée française.
En juillet 1956, suite aux accords FLN-PCA, il rejoint l'ALN. Amar Ouamrane, chef des maquis de la zone 4 (qui deviendra Wilaya IV, après le congrès de la Soummam), l'affecte au commando dirigé par Ali Khodja, dans le quadrilatère montagneux Larbaâ-Tablat-Palestro (actuelle Lakhdaria)-Fondouk (actuelle Khemis El Khechna). En octobre, il fait partie du commando chargé d'organiser la lutte armée dans le sud de l'Ouarsenis, à partir du douar Beni Hendel. Après la retentissante élimination du sinistre Masmoudi, auteur du massacre, en août 1956, de djoundi du premier détachement conduit par Si Abdelaziz, Nour Eddine Rebah, artisan de cette opération, fut promu au grade d'officier-commissaire politique de la région d'El Meddad-Theniet El Had, nouvellement créée et, en cette qualité, eut pour mission d'organiser la lutte dans la région de Vialar (Tissemsilt, aujourd'hui) au cœur du Sersou. C'est à cette période qu'il rencontra, dans un refuge, incidemment, un ami de Saint Eugène, le docteur Youcef Damardji, installé à Tiaret et, qui tombera plus tard, lui aussi, au champ d'honneur. Les moudjahidine, survivants de cette région, se souviennent de Nour Eddine, leur commissaire politique et, particulièrement, de la façon dont il a réussi à démêler l'affaire du caïd Ben Youcef, chef de l'ancestral réseau caïdal d'Ighoud-Beni Maida, tissé par les Ben Ferhat. Arrêté fortuitementpar l'ALN, en février 1957, le caïd avait été conduit au poste de commandement où Nour Eddine Rebah le convainquit, après des heures de discussions et en lui assurant la vie sauve et la liberté, de se mettre au service de l'ALN. Il évitait ainsi la création d'une harka dans la région. Découvert par la suite, le caïd Benyoucef fut arrêté par l'armée française et condamné avec d'autres membres de sa famille pour «collaboration» avec l'ALN.
Mort sans sépulture
L'action menée au Sersou aurait pu valoir à Nour Eddine Rebah d'accéder à de plus grandes responsabilités au niveau de la zone ; c'était, d'ailleurs, le sentiment de Si Mohamed Bounaâma, futur chef de la Wilaya IV. Il n'en fut pas ainsi. A la grande surprise des djounoud qui lui vouaient une grande estime, Nour Eddine Rebah est appelé précipitamment, par ses supérieurs, à quitter la région. C'était en mars 1957. La machine de l'ostracisme se mettait en marche dans la Wilaya IV. Elle touchera les anciens cadres du PCA qui s'y trouvaient, tels Bouali Taleb, Abdelhamid Boudiaf ou Mustapha Saâdoun. Dans un recueil publié par l'historien Mohamed Harbi, Les Archives de la Révolution, Abdelhamid Boudiaf, un des premiers commissaires politiques de l'Orléansvillois (Chlef), décrit cette pratique sectaire qui s'est traduite, dans le cas de Nour Eddine Rebah, par une forte pression pour le faire fléchir et l'amener à renier les idées politiques généreuses, qu'il portait depuis son jeune âge, sur l'avenir social de l'Algérie une fois indépendante. Nour Eddine Rebah, qui refusa de céder à ce diktat idéologique, traversa alors un moment très dur. Une phase dite «de transit», consistant à le faire passer d'un groupe à l'autre, sans arme ; en fait, une mise à l'écart.A la fin août 1957, après avoir décliné l'offre d'une formation à l'Ecole militaire de Baghdad, il rejoignit, à sa demande, le commando de la zone 2 de la Wilaya IV, en qualité de voltigeur et fut doté d'un fusil MAS 49. Cette unité d'élite se distingua, le 3 septembre 1957, dans un accrochage avec un commando de parachutistes, dans le secteur de Ouled Benaïssa, au sud-ouest de Médéa, où, de l'aveu de la presse coloniale, l'armée d'occupation subit de lourdes pertes. L'instant fatal arriva le vendredi 13 septembre 1957, dans le djebel Beni Salah, au sud-ouest de Chréa. Arrivé la veille dans la cuvette de l'oued Merdja, avec ses compagnons des commandos des zones 1 et 2, majoritairement étudiants et lycéens, il fut encerclé par l'ennemi. Au petit matin, l'alerte fut donnée quand l'armée française actionna son dispositif infernal : les bombes au napalm larguées par les B-26 enflammaient le lit de l'oued pendant que les obus de l'artillerie s'écrasaient sur Bouhandès. Nour Eddine Rebah tenta, l'arme à la main, une percée du côté de l'Ancienne Redoute, dans le massif Guerroumène dont la crête était tenue par les parachutistes du général Massu. Les premières balles ennemies furent pour lui. Grièvement blessé, il rendit l'âme dans des circonstances encore inconnues. Il avait 25 ans.
Mort sans sépulture, mais d'une mort tranquille. Sans reniement de ses idées et principes, malgré le spectre hideux de la «fosse» (ech châaba, allusion à la liquidation physique) constamment agité, au maquis, par des «frères d'armes» à l'esprit malheureusement étroit. Après sa mort, son nom continua à être cité au tribunal permanent des forces armées d'Alger, dans des procès intentés à ses amis Georges Acampora, Yahia Briki et Abderrahmane Taleb. Nour Eddine Rebah fut même condamné à mort par contumace, en mars 1958, alors qu'il n'était déjà plus de ce monde. Sur les lieux de son dernier combat, dans la vallée de oued El Merdja, à Bouhandès, où, quelque part dans le ravin, se trouvent ses restes blanchis, une modeste stèle, érigée en 1987 par des anciens de la Wilaya IV, rappelle son souvenir et celui de ses jeunes compagnons d'armes tombés au champ d'honneur, ce vendredi 13 septembre 1957, à l'exemple des lycéens Mokhtar Chebout, de Hussein Dey, que l'on appelait le «poète», et Sellami dit Didouche, de Médéa, qui était un sportif connu.
L'auteur est le frère de Nour Eddine


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