Venise. De notre envoyé spécial Les cinéastes italiens ont fait beaucoup de westerns spaghetti. Dans les bivouacs la nuit on voyait comme chez John Ford des hommes au repos. Ils ont perdu leur masque de cruauté. Ils boivent et rient dans une ambiance de franche complicité. Pour “une poignée de dollars”, ils ont rempli leur contrat, pillé, volé, tué avec un inébranlable détachement stoïque. Leur credo, c'est une cruauté sans bornes dans l'action,une haine foudroyante, homérique. Et à la fin quand ils ont assouvi leur passion et raflé le butin,on les retrouve (au bivouac) faisant preuve entre eux d'une déconcertante bonté. On passe de l'enfer de Dante à un film de Walt Disney… Les cowboys des westerns spaghetti ne mangent pas de spaghetti. Plutôt des fayots comme dans l'Arizona. Ils sont vêtus de noir, poussiéreux, sales et débraillés. Un cigare à la bouche et une barbe pas rasée sont de rigueur. Leurs bottes sont crottées. Dans ces films, il ne manque que les campements de Sioux pour que ça ressemble aux mythiques westerns du Far-west. En Italie, Clint Eastwood a remplacé John wayne, sans les Indiens. Parmi les cinéastes de westerns spaghetti qui ont mérité de figurer dans l'hommage de la Mostra, il manquait Sergio Leone ! Mais on a vu Django de Sergio Corbucci, Apache de Pasquale Squitiéri, Yankee de Tinto Brass ou encore I Quattro della Apocalisse de Lucio Fulci… Les cinéastes italiens ont réinventé à leur manière le genre. Ils ont vu et aimé El Dorado,Vera Cruz, High Noon tournés en Amérique. Ils ont copié, comme les Américains eux-mêmes ont copié Les 7 Samourais de Kurozawa. Pour les scénarios, on prétend que c'est tiré de Shakespeare, Dante et Homère ! En général, c'est Morricone qui a fait la musique. Et les directeurs photos sont parmi les meilleurs en Italie : Tonino Delli Colli, Massimo Dellamano. Les acteurs sont parmi ceux dont les balles ne font pas de quartier : Clint Eastwood (à la place de Henry Fonda trop cher), Charles Bronson, James Coburn, Tony Kendall, Richard Harrisson… Gian Maria Volonté, le regretté acteur italien, a joué aussi dans les westerns. John Ford et John Sturges pouvaient dormir tranquilles. Les Italiens avaient leurs propres “maestros”. Le panorama culturel italien a soudain changé dans les années 70. Les revues les plus sérieuses, là où il n'était question que de Visconti, Pasolini, Antonioni, se sont mises à parler de la vague spaghetti. Tout comme récemment à la Mostra de Venise.