El Watan Vendredi est allé voir les témoins de ces massacres qui ont marqué l'histoire. L'occasion de revenir sur des contre-vérités et des imprécisions. Le mardi 8 mai 1945, jour de la capitulation allemande, les Algériens sont autorisés à célébrer la victoire des Alliés. Une victoire à laquelle des contingents de soldats « indigènes » ont contribué au prix d'un lourd tribut. Sétif : De notre bureau La manifestation de Sétif qui tourne au drame n'a pas, 64 ans après, livré tous ses secrets. Ces douloureux événements sont encore sujets de discorde entre les deux pays. Ce volet qui fâche ainsi que la contestée loi du 23 février 2005 ont, dans une certaine mesure, donné un coup de massue au fameux traité franco-algérien, renvoyé aux calendes grecques. La censure militaire, ayant couvert d'une lourde chape ces massacres qui ternissent la fête de la Victoire de la démocratie sur le nazisme, est pour beaucoup dans les allégations et interrogations de certains écrivains et historiens qui abordent sous un seul angle, cet aspect de l'histoire commune des deux pays. Pour certains, ce sont les manifestants qui sont à l'origine de ce bain de sang. Non ! La tentative de la police qui a voulu s'emparer du drapeau algérien (exhibé pour la première fois) que brandit Aïssa Cherraga est la cause du drame. Face à l'obstination du jeune, le commissaire Olivieri et ses acolytes ouvrent le feu, tuant sur le champ le jeune Saâd Bouzid, venu à la rescousse de Aïssa déséquilibré par les policiers. C'est ce meurtre qui a changé le cours des événements. Scénario préparé Pour faire avaler les plus grossiers et grotesques mensonges aux Français par certains éclairés d'aujourd'hui et des militaires d'hier, cette révolte spontanée n'est ni plus ni moins qu'une insurrection préparée par des nationalistes algériens d'obédience pétainiste. Cet alibi qui ne se base sur aucun fondement est brandi pour camoufler les crimes commis loin des caméras et de certains journalistes. « Pour briser le mouvement national incarné par Messali Hadj, le pouvoir colonial a minutieusement préparé le scénario de cette fusillade à grande échelle. Affamés, illettrés, exploités, désarmés, les marcheurs n'avaient aucun moyen pour déclencher l'insurrection », nous confie Mme Houria Belkhired, veuve du chahid Hacène Belkhired et chef scout, instruit par Ferhat Abbas de quitter le 2 mai 1945 Sétif pour Alger, où il se réfugie sous une fausse identité durant deux années. Pour appuyer son argumentaire, notre interlocutrice n'étant autre que la sœur de Si Abdelkader Yalla, l'un des principaux organisateurs de la marche, précise : « Après la réunion tenue à la demande du sous-préfet Butterlin qui a voulu intimider et menacer Si Mahmoud Guenifi, Hocine Touabti et Abdelkeder, les principaux organisateurs de la manifestation, ces derniers ont été reconduits en voiture par un certain Martinazzo qui était au fait des intentions de ses patrons, d'autant plus qu'il n'a pas manqué d'avertir à demi-mots : je vous conseille de dispenser les jeunes scouts de la marche. » Cette déclaration s'apparentant à un avertissement n'a besoin d'aucun commentaire. Qui a tué Deluca ? Mise sur le dos des « indigènes » des décennies durant, la mort d'Edouard Deluca , le président de la délégation spéciale de Sétif (mairie) est, selon de nombreux survivants interrogés, l'œuvre de ces colons ayant lynché les deux frères Hebbache : « La mort du maire, qui n'a pas assisté aux premières échauffourées car il était alité, n'est pas le fait des marcheurs dépourvus d'armes à feu à ce moment précis de la manifestation, puisque n'ayant pas fait de l'affrontement armé un objectif. Deluca a été liquidé par des colons avec lesquels il n'était pas en odeur de sainteté », affirment Lakhdar Taarabit, Mme Belkhired et Amar Guemache (dit Saout El Arab), fidèle compagnon de Ferhat Abbas. Pour l'Histoire, Cheikh Amar apporte des précisions sur les circonstances du décès de Saâd Bouzid qu'El Watan Vendredi publie pour la première fois et en exclusivité : « Evacué vers l'hôpital colonial, le jeune Bouzid qui n'a pas été, à l'instar des autres manifestants, secouru par les médecins de la ville, succombe entre les mains d'un infirmier algérien, un certain Hocine Laklif qui deviendra dans les années 1950 un des plus grands joueurs et éducateurs que la grande USMS a enfantés. » Les historiens à vision unique ayant occulté la torture et les fosses communes, nous les invitons à faire un tour à Ain Roua, Bouandas, Beni Aziz, cimetière Sidi Saïd de Sétif, où sont enterrés des centaines, pour ne pas dire des milliers, de victimes d'un massacre n'ayant toujours réussi son passage de la mémoire vers l'histoire, car les intentions de certains nostalgiques sont plus politiques qu'historiques.