Ce métier, pourtant si méconnu du grand public, est très demandé sur le marché mondial et, d'ici quelques années, l'Algérie sera obligée de faire appel à des expatriés qui exigeront des salaires exorbitants et en devises. La mission des pilotes maritimes consiste, en fait, à assister les capitaines des navires lors des manœuvres d'entrée et de sortie du port. A l'exception des bâtiments de la marine nationale, tous les bateaux doivent avoir, à leur bord, un pilote maritime, qui, par sa connaissance des installations portuaires, sa formation spécifique aux multiples dangers et son expérience, assure toutes les manœuvres du passage des navires de la mer vers les ports et vice-versa. Malheureusement, la catégorie professionnelle a été, durant des années, le parent pauvre du secteur maritime. Faute d'un statut particulier qui prend en charge cette catégorie professionnelle, la classification des entreprises portuaires en ports principaux et secondaires dans le cadre de la réforme du domaine a créé dans son sillage des ports de première et seconde zone, où les disparités salariales sont criantes. A titre d'exemple, un pilote maritime du port d'Alger, qui reçoit plus de 60% des navires perçoit un salaire moyen de 50 000 DA, alors que son collègue d'Arzew ou de Skikda touche le double. Une situation qui dure depuis les années 1970, avec la création de l'Office national des ports (Onp), qui avait pris la décision historique de nationaliser les stations de pilotage, alors détenues par des étrangers aux salaires trois fois plus importants que ceux des pilotes algériens. Tant espérée par les syndicats qui menaient un combat pour des salaires plus décents, la fusion entre l'Onp et la Société nationale de manutention (Sonama) a malheureusement exclu carrément la fonction de pilote maritime, dont les salaires sont valorisés par dockers interposés, poussant la centaine de pilotes maritimes à réitérer leurs revendications salariales, dans le but, disent-ils, de mettre un terme à « une discrimination » qui n'a que trop duré et qui « menace dangereusement » le fonctionnement des ports d'Algérie. Dans leur plateforme de revendication adressée à toutes les autorités du pays, ces pilotes réclament un statut particulier, un salaire de base de 150 000 DA, un plan de carrière et des primes afférentes au métier, telles que les primes de veille, de suggestion et de responsabilité. Revendications restées sans écho, incitant au moins une vingtaine à répondre aux offres alléchantes des pays du Golfe, mais aussi de certaines entreprises portuaires de la rive nord de la Méditerranée. L'expérience et le savoir-faire des pilotes algériens n'est plus à démontrer dans un secteur qui connaît un boom et une forte demande de la ressource humaine professionnelle. En 2007, la direction de la marine marchande est chargée par la tutelle, le ministère des Transports, d'élaborer rapidement un projet de statut particulier pour les pilotes maritimes, en prenant en compte le niveau de la qualification, leur mission spécifique en matière de sécurité et de sûreté, de protection de l'environnement et des ouvrages portuaires. Depuis, ce projet de texte est resté dans les tiroirs, alors que l'exil a touché trois autres pilotes. Le 6 mai dernier, la direction des transports a saisi les premiers responsables des dix entreprises portuaires, d'Alger, Tenès, Mostaganem, Arzew, Oran, Ghazaouet, Béjaïa, Djenjen, Skikda et Annaba, pour les interpeller sur la situation socioprofessionnelle des pilotes maritimes. Dans ce courrier, le directeur fait état d'une « prise en charge inquiétante due notamment à l'absence d'un statut particulier pour cette catégorie professionnelle, une rémunération insuffisante, une disparité des salaires entre les ports et une organisation des services de pilotage ne répondant pas aux textes réglementaires régissant cette activité ». Pour mettre un terme à cette situation, « jugée préjudiciable au bon fonctionnement des ports et à la sécurité de la navigation maritime et en raison des départs massifs de pilotes pour d'autres ports, le plus souvent des ports pétroliers du Moyen-Orient », le directeur de la marine marchande appelle « les patrons des ports à engager, dans les meilleurs délais, des mesures urgentes à même de remédier aux carences constatées et de revaloriser cette profession essentielle de l'activité portuaire ». Ces mesures se résument en « une revalorisation des salaires des pilotes, leur intéressement aux résultats financiers des entreprises selon le principe « à qualifications égales salaire égal », la mise en place de stations de pilotage et d'organisation adéquates selon leur dotation en personnel pilotes et selon leurs moyens d'action, la pleine satisfaction de leurs conditions de travail et de vie et leur dotation de l'ensemble des moyens de travail... » Une interpellation qui, à ce jour, n'a pas encore eu de réponse. Cette semaine, ce sont les pilotes maritimes du port d'Alger qui sont revenus à la charge. Ils exigent la mise en application des mesures énoncées dans la lettre du directeur de la marine marchande. Cette fois-ci, ils menacent de recourir à des actions de protestation. .