C'est que le paysage est féerique dans cette région connue pour les fameuses gorges dites Gorges de Palestro. Mais ici les habitants ont malheureusement perdu le goût et le plaisir d'apprécier la beauté de Dame nature car leur quotidien est semé d'embûches. Tiza dans sa configuration actuelle remonte à 1973 lorsque un glissement de terrain ayant enseveli tout le village d'Issohan poussa les habitants à aller s'installer plus haut sur la colline. Ceci jumela les Aït Bouhouda et Boussalah pour en faire un seul village : l'actuel Tiza. Un café sombre, semblable à une grotte mal éclairée, constitue le seul lieu de rencontres des villageois. «Regarde l'eau qui ruisselle sur la route. C'est un signe d'une pluviométrie abondante. La terre refoule l'eau, nos robinets qui sont à sec. Nous avons droit à l'eau courante une fois par semaine ou quinze jours pendant l'hiver. En été, cela devient un rêve», nous dit Hakim, un père de famille. Les habitants se sentent abandonnés. «Pour un simple vaccin pour les nouveaux-nés, il faut aller au chef-lieu de la commune. A quoi sert alors le dispensaire du village ?», nous interpelle un autre villageois. «Il n' y a ici ni un médecin ni une ambulance pour les cas d'urgence», ajoute un autre. A 2 km de là, à Toulmout précisément, un village relevant de la commune de Béni Amrane, il y a un centre de soins. En interrogeant les citoyens sur la qualité des soins, l'un d'eux nous indique un genêt qui a poussé à l'entrée de l'établissement : «Cet endroit était la porte d'entrée de l'établissement. Le dispensaire est fermé à cause de l'insécurité», nous dit-on. C'est dire les dégâts qu'a occasionné le terrorisme pour toute la région. Notre interlocuteur ajoute : «Pourquoi alors l'Etat a-t-il construit ici des locaux commerciaux dans le cadre d'un projet présidentiel (100 locaux par commune) ? Que feront ici les bénéficiaires de ces locaux ? Ils vendront des arbouses peut-être ? Ils auraient mieux fait de construire des logements sociaux pour que les célibataires endurcis puissent se marier, où les familles nombreuses puissent se mettre à l'abri.» A Tiza, les jeunes n'ont que le café pour tuer le temps. Les espaces de loisirs y manquent terriblement. Ils ont espéré qu'avec le projet de réalisation d'une maison de jeunes, leurs souffrances diminueraient. Mais ce projet attend depuis 2003. Quelques poteaux seulement témoignent de l'état d'abandon de ce projet. Reste alors le stade comme seul lieu de détente et de divertissement pour ces jeunes. Mais celui-ci est situé à un kilomètre du village. Il attire des centaines de jeunes, surtout les week-ends. Ils viennent des localités de Aït Abdellah, Toulmout, Si Rabah, Ouled Ben Salah et autres pour jouer au football. Les jeunes que nous avons rencontrés sur place et que la pluie n'a pas réussi à dissuader de venir ici se plaignent du manque de tuf, l'absence de clôture et des buts. Les vestiaires c'est du luxe pour eux. Les routes des villages de la région ont heureusement été revêtues dernièrement. Mais il reste quelques tronçons à faire comme celui qui relie Toulmout au village d'Aït Abdellah. Si leur état ne pose pas de problèmes majeurs, leur exiguïté suscite inquiétude. A Boussalah, le passage est à sens unique. Cela a poussé l'ex-P/APC, assassiné plus tard par les terroristes, à projeter une déviation, après avoir trouvé un compromis avec les propriétaires des terrains que la route devait traverser. Une piste, que les services des forêts ont ouverte et qui a permis aux gens de rentrer chez eux et accéder aisément à leurs oliveraies, a été fermée par un particulier estimant qu'elle passe dans sa propriété. Les écoliers aussi subissent les conséquences de l'oubli qui frappe la région. Ils font un parcours de 4 km à pied pour rejoindre les bancs du CEM de Ammal, au risque d'être fauchés sur la RN5. Ceci est dû au manque de ramassage scolaire. Même le transport public de voyageurs y est absent. Par contre ceux qui suivent leurs cours à Tassouikt sont obligés de prendre un raccourci en traversant l'oued Bouali pour ensuite escalader la montagne afin d'arriver à temps. En hiver, il est impossible d'emprunter ce sentier à cause des torrents et des crues de la rivière. La seule alternative est de faire plus de 7 km de marche pour contourner tous les villages et rallier le CEM. Pourtant l'association Assirem n'a jamais cessé de réclamer la construction d'un pont qui pourra relier les trois communes de Ammal, Béni Amrane et Tidjelabine. Cet ouvrage permettrait de désenclaver ces villages et en même temps profiter aux habitants pour l'exploitation de leurs champs délaissés à cause des difficultés d'accès. «Tiza ressemble à un vaste projet à l'arrêt et sans lendemain après le lâche assassinat de l'ex-maire de Ammal», conclut un villageois.