Lydia Khalil est chercheur invitée au Council on Foreign Relations basé à New York. Elle fait partie des think-tank du célèbre CFR. Elle avait, par ailleurs, servi comme experte de l'autorité provisoire de la coalition à Baghdad. Dans cet interview accordée à El Watan, elle pose son regard d'expert sur ce qui se passe en Iran. Ahmadinejad a été confirmé président élu, malgré la protestation de l'opposition. Peut-on dire que le régime iranien a définitivement gagné son pari ? Je pense qu'il est prématuré de dire qui a « gagné ». L'opposition continue de protester et il y a aussi des hommes du régime comme Moussavi et Rafsandjani et d'autres membres de l'élite iranienne qui sont derrière l'opposition. Le décision de ne pas recompter les voix ou d'annuler carrément le vote pourrait encourager l'opposition à aller plus loin. Que pensez-vous du mouvement de protestation de Moussavi ? Moussavi n'est vraisemblablement pas le candidat du changement et il n'est pas non plus derrière le mouvement réformateur. Ce n'est pas un réformateur au sens traditionnel du terme. Il est juste un personnage autour duquel des Iraniens de divers horizons ont placé leurs aspirations faute de mieux. Le soulèvement populaire est lui-même une expression de profondes divisions dans la société iranienne qui ne sont pas encore résolues. C'est aussi une démonstration des frustrations profondes avec l'actuel régime. Beaucoup d'Iraniens, y compris ceux qui soutiennent la République islamique, ne sont pas contents de ceux qui sont au pouvoir. Le régime des ayatollahs a-t-il été surpris par les manifestations ? Oui et non. Le régime a de mon point de vue mal évalué la situation. Il a exagéré son intervention en manipulant les résultats des élections. Il pensait qu'un bon score des adversaires d'Ahmadinejad pouvait réveiller le mouvement d'opposition des réformateurs et bien plus, l'encourager à aller plus loin. Etes-vous d'accord avec ceux qui affirment que quelque chose est en train de changer dans ce pays avec ces milliers de manifestants dans les rues ? Je pense qu'il y a deux catégories parmi les manifestants. Il y a ceux qui veulent amorcer un changement dans la manière dont l'Iran est gouverné, et ceux qui sont favorables à ce régime, mais qui souhaitent un changement de leader, sans plus. Comment, à votre avis, la communauté internationale pourrait influencer positivement cet éventuel changement ? Je pense que la communauté internationale devrait faire part de sa préoccupation et son inquiétude face à la violence de l'Etat. Mais, je ne pense pas qu'il faille influencer ou faire des déclarations favorables à l'opposition. Autrement, les animateurs de cette dernière seraient taxés d'agents des Etats-Unis ou de l'Europe. Pensez-vous que l'Administration de Barack Obama va tout de même traiter et négocier avec Ahmadinejad, notamment sur les dossiers de l'Afghanistan et l'Irak, malgré sa réélection sujette à caution ? L'Administration Obama me semble ouverte à la négociation avec n'importe quel gouvernement qui détient un pouvoir.