Membre du Conseil supérieur de la langue française, conseiller aux éditions du Seuil et éditeur, Louis Cardel s'est illustré en tant que romancier avec L'Eté fracassé en 1973, Fort Sagane en 1980. Né à Alger en 1939, il a également reçu le grand prix de l'Académie française en tant que scénariste avec Indochine et Est-Ouest de Régis Wargnier et Nocturne indien d'Alain Corneau. Rencontré au Festival international de la littérature et du livre de jeunesse, Louis Cardel s'est prêté humblement au jeu de nos questions. Vous êtes à la fois auteur, scénariste et directeur de collection au Seuil, pourriez-vous revenir succintement sur votre parcours ? J'ai eu un parcours assez bizarre car je n'ai pas commencé par cela. D'abord, je me suis marié très jeune. J'avais des enfants, il fallait les nourrir. Ecrivain ne me paraissait pas un métier sérieux. Donc, je me suis mis à écrire tard, assez tard à l'âge de 35 ans. J'ai eu beaucoup de chance car j'ai écrit mon troisième roman Fort Sagane, qui a été un grand succès en librairie. Et puis on a fait un film. C'est un livre qui a changé ma vie et qui a fait que j'ai pu abandonner mon métier alimentaire, rentrer dans l'édition et commencer à faire du cinéma et donc mener la vie que je mène aujourd'hui qui est une vie avec trois activités : éditeur-auteur. Je mène une vie palpitante et fatigante à la fois. Mais c'es tellement agréable de faire des choses aussi passionnantes donc, je ne reviens pas de ma chance. J'ai reçu pas mal de prix de l'Académie française. C'est agréable, non ? de recevoir d'aussi prestigieuses distinctions. Cependant, le prix dont je suis le plus fier est incontestablement l'Oscar d'Indochine. Vous êtes à Alger en tant que participant au Festival international de la littérature et du livre de jeunesse. Quelle appréciation faites-vous sur la tenue du festival ? Je viens à Alger assez souvent mais c'est la première fois que j'y viens en tant que participant. Je me suis promené dans les allées où j'ai pu apprécier la diversité des titres. En outre, ce qui m'a frappé c'est à quel point il y a des livres et à quel point les gens les regardent et les achètent. Ce n'est pas toujours la cas ailleurs. Pendant les repas, cela m'a permis de retrouver beaucoup d'amis algériens. C'est toujours pour moi un grand plaisir de venir en Algérie. Quel regard portez-vous sur l'édition africaine ? J'ai l'impression que l'édition africaine est pour l'instant dans une période opaque. Il y a peu d'éditeurs africains qui n'ont pas les moyens de diffuser très largement les oeuvres de leurs auteurs.C'est la raison pour laquelle beaucoup d'auteurs africains transitent par des éditeurs parisiens. Ils y sont bien accueillis et l'important pour eux c'est l'assurance que leurs livres vont connaître un retentissement important. C'est la raison pour laquelle ils viennent vers nous. Paris est un passage obligé pour les auteurs francophones comme Londres est un passage obligé pour les anglophones. Un carrefour obligé, je ne sais pas trop mais, important oui. Ce que j'aimerai c'est qu'il y ait une édition africaine dynamique qui dépasse nos compétences. Justement, pourquoi le livre africain a-t-il du mal à s'imposer en Europe ? Je pense que le livre africain n'a aucun mal à s'imposer en Europe. Les livres africains ont beaucoup de succès en France. La plupart des livres du Seuil sont traduits en Amérique. Il y a un grand intérêt pour ce genre de livres. Est-ce que la littérature africaine sera sacrifiée sur l'autel d'autres priorités ? Je pense comme vous le dites si bien que la littérature sera sacrifiée sur l'autel d'autres priorités. Quand nous recevons des manuscrits, nous ne voyons pas la nationalité de l'auteur. Le plus important demeure, incontestablement, l'écriture. On publie, entre autres, les africains, parce que ce sont de bons auteurs. Pensez-vous que les livres édités par le Seuil ont un immense succès en Algérie ? Il faudra reconnaître que nous avons un gros problème de prix en Algérie. Quand les livres du Seuil arrivent sur le marché algérien, il y a un problème de prix et de diffusion. Hormis la capitale, le système des bibliothèques et des librairies est défaillant. Je pense qu'il sera plus judicieux d'imprimer certains de nos livres en Algérie. J'essaye de céder des droits à des éditeurs algériens. Nous avons déjà cédé quelques droits d'auteurs à de prestigieuses maisons d'éditions algériennes. Nous sommes confrontés à des problèmes beaucoup plus matériels qu'intellectuels. Très souvent, nous sommes obligés de casser nos prix pour le marché maghrébin. Les livres de grands auteurs algériens s'illustrent assez bien en France. Il est à noter par ailleurs que nous avons beaucoup d'auteurs maghrébins qui sont devenus des classiques. Quelles sont les préférences des Algériens en matière de lecture ? Je pense que la préférence des Algériens va vers les livres scolaires et vers les livres historiques. Ils ont également une préférence pour le livre à polémique. La littérature pure ainsi que la grande littérature romanesque ont très peu de lecteurs. Nous éditeurs, nous constatons mais on n'y peut rien. Est-ce que le livre de jeunesse a de l'avenir aussi bien en France qu'en Algérie ? Je demeure persuadé que le livre de jeunesse a un avenir prometteur en Algérie. Preuve en est la tenue de ce festival.