Coup de théâtre au gouvernement. La mesure décidée par Ahmed Ouyahia, Premier ministre, portant sur l'obligation faite aux sociétés étrangères activant dans l'importation de matières premières ou de produits destinés à la vente en l'état d'associer un partenaire algérien à hauteur de 30% de leur capital n'aura pas d'effet rétroactif, révèle Mustapha Zikara, directeur de la législation et de l'administration fiscale au ministère des Finances. Intervenant hier lors d'une conférence de presse animée au siège du ministère de Finances, M. Zikara a soutenu que cette mesure sera applicable après la publication de la loi de finances complémentaire (LFC) sur le Journal officiel. « Le principe de la rétroactivité n'est pas retenu dans la loi. La disposition va concerner les entreprises qui vont être créées après le 26 juillet 2009, date de l'entrée en vigueur de la LFC », a-t-il expliqué. M. Zikara a affirmé que c'est sur instruction du président de la République que l'effet rétroactif a été annulé. Cette nouvelle décision du gouvernement, surprenante pour le moins qu'on puisse dire, jette un sérieux discrédit sur les déclarations des membres du gouvernement qui rassuraient, il y a quelque temps, sur le maintien de l'effet rétroactif de la mesure dite des « 30% ». Karim Djoudi, premier argentier du pays, avait déclaré, en mai dernier, que « cette mesure touche l'ensemble des sociétés d'importation et nous avons approuvé en Conseil des ministres un décret qui instaure cette obligation pour l'ensemble des sociétés d'importation ». Même El Hachemi Djaâboub, ministre du Commerce, a maintes fois soutenu que cette disposition aurait un effet rétroactif. Ahmed Ouyahia avait également promulgué dans ce sens, le décret exécutif n° 09-181 du 12 mai 2009 selon lequel les sociétés étrangères activant dans l'importation ont jusqu'au 31 décembre 2009 pour y souscrire. A défaut, leurs registres du commerce deviendraient caduques. Par ailleurs, le Centre national du registre du commerce, institution qui doit mettre en pratique cette décision, avait déjà entamé son travail, avec cette précision que la loi est rétroactive. Mais il semblerait que ce décret n'a plus lieu d'être puisque la loi de finances complémentaire pour 2009 vient de le rendre caduque. Ceci illustre on ne peut plus clairement la gestion à la hussarde ayant caractérisé un tel dossier. Interrogations Aussitôt annoncées, fin 2008, la mesure portant sur l'obligation de contracter un partenaire algérien à hauteur de 30% et la disposition relative à l'actionnariat algérien à hauteur de 51% dans les projets d'investissement ont suscité les foudres des investisseurs étrangers en Algérie. En réaction, les représentants des intérêts de ces opérateurs économiques, notamment français et allemands, ont exercé une grande pression médiatique et tenté de ramener le gouvernement à revoir sa copie. Certains investisseurs allemands ont même menacé de se retirer du marché national. Même l'Union européenne, par la voix de Catherine Ashton, Commissaire européenne au commerce extérieur, avait critiqué, entre autres dans sa lettre, datée du 12 juin 2009, l'obligation faite à une société d'importation étrangère de céder 30% de ses parts à une partie algérienne. Assimilées à des restrictions au commerce et à l'investissement, les Européens ont estimé que ces disposition sont en contradiction avec la signature de l'Accord d'association entre l'Algérie et l'UE. Critiques auxquelles le gouvernement avait maintes fois apposé le principe de la « souveraineté nationale » et surtout le vœu de réguler le commerce extérieur en farinant la facture des importations qui a atteint en valeur 35,5 milliards de dollars en 2008. L'Algérie « prend ses décisions en toute souveraineté et nul ne peut s'arroger le droit de lui dicter ce qu'elle doit faire », avait affirmé M. Djaâboub en juin dernier depuis Constantine. Acculées entre temps, les sociétés étrangères activant dans le circuit de l'importation concernées par l'effet rétroactif, avaient commencé à sérieusement s'adapter à cette nouvelle loi en cherchant d'éventuels partenaires algériens. Ce n'est plus le cas aujourd'hui puisque seules les nouvelles sociétés étrangères d'importation, créées au lendemain de l'entrée en vigueur de la LFC 2009, sont concernées par cette mesure. Il faut reconnaître que cette semi-reculade du gouvernement, concernant la loi sur les entreprises étrangères d'importation, suscite de nombreuses interrogations. Les pays occidentaux ont-ils forcé la main ou exercé un chantage sur l'Algérie à fin de surseoir à cette mesure polémique ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, ce revirement reste entouré d'un épais secret puisqu'aucun responsable, hier, n'était en mesure de donner plus d'explications sur les mobiles exacts de cette volte-face. Par ailleurs, Abdelmalek Zeidi, directeur général des politiques et des prévisions au ministère des Finances, en présentant la LFC 2009 – calculée sur un prix de référence de 37 dollars le baril de pétrole – a fait savoir que celle-ci prévoyait des dépenses budgétaires de 5474,6 milliards de dinars contre 5191,5 milliards de dinars dans la loi de finances initiale pour 2009 (en hausse de 5,5%) et des recettes budgétaires de 3178 milliards de dinars contre 2597 milliards de dinars précédemment. Les recettes budgétaires (1927 milliards de dinars) s'inscrivent ainsi en hausse de 392 milliards de dinars. Pour ce qui est des dépenses budgétaires (5474,6 milliards dinars), celles-ci s'accroissent de 283 milliards de dinars en raison de l'augmentation du budget de fonctionnement (2 661,3 milliards de dinars) et du budget d'équipement (2 813,3 milliards de dinars). Le déficit du Trésor public est estimé à 1751,9 milliards de dinars.