Les humanitaires kidnappés, quatre Nigériens et un Tchadien, se trouvaient dans la région pour traiter des cas de paludisme et aider des enfants mal nourris. Ils travaillent pour l'ONG nigérienne Bien-être de la femme et de l'enfant nigérien (Befen) et l'association tchadienne Alerte-Santé. Le gouverneur de la région, Sidi Mohamed, a précisé que les humanitaires victimes du rapt dormaient dans une résidence appartenant à l'organisation humanitaire CARE International. Leurs ravisseurs les ont-ils pris pour des étrangers ? Rien n'est à exclure. La question se pose d'autant que les groupes terroristes qui opèrent au Sahel n'avaient, jusque là, pas donné pour habitude d'enlever des locaux. Ceux-ci visent généralement des Occidentaux pour réclamer des rançons. Seule exception à la règle : l'enlèvement en avril dernier d'un groupe de diplomates algériens à Gao. Aussitôt l'alerte donnée, le gouvernement nigérien a déployé des troupes au sol et un avion pour tenter de les retrouver, dans le massif montagneux de l'Aïr où les otages pourraient avoir été emmenés. Les forces de sécurité nigériennes auraient néanmoins perdu la trace des assaillants aux environs d'Abala, une localité située à environ 300 km au sud d'Agadez où sévit encore un banditisme résiduel, après des années de rébellion touareg armée (1990 – 2005). Les transports publics, assurant la liaison entre Niamey et Agadez, se font d'ailleurs obligatoirement sous escortes policières. L'autre particularité d'Abala réside dans le fait qu'elle se trouve non loin du Mali dont le nord est en partie occupé par Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et les éléments du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). On ne sait pas pour l'instant qui est responsable de l'enlèvement. Le fait toutefois que les kidnappeurs aient fui au Nord plutôt que d'aller vers le Sud peut déjà concourir à laver de tout soupçon Boko Haram qui active au sud de Dakoro, une région limitrophe avec le Nigéria. Tout ce que l'on sait pour le moment, c'est que les humanitaires et leurs chauffeurs ont, selon Abou Mahamane, secrétaire général du département de Dakoro, été enlevés par des hommes qui «parlaient arabe, targui et haoussa». Le descriptif des ravisseurs des humanitaires fait par des habitants de cette localité et le modus operandi adopté peuvent laisser néanmoins penser qu'AQMI ou le Mujao ne sont pas étrangers à ce rapt. Surtout qu'ils ne sont pas loin de leur théâtre d'«opérations». AQMI et le Mujao radicalisent leur position Déjà en septembre 2010, la katiba dirigée par Abou Zeïd avait enlevé au nez et à la barbe de l'armée nigérienne sept employés d'Areva à Arlit. AQMI retient d'ailleurs toujours quatre d'entre eux. Au Sahel, AQMI retient en tout neuf Européens, dont six Français. Le Mujao détient, quant à lui, au moins trois otages algériens. Et l'idée que le «coup» ait pu être l'œuvre d'AQMI ou du Mujao se tient d'autant qu'il intervient moins d'une semaine à peine après que les chefs des deux groupes terroristes aient menacé, à nouveau, de s'en prendre aux intérêts des pays ayant plaidé en faveur d'une intervention militaire au nord du Mali. Cela à commencer par ceux de la France. Il se trouve justement que le Niger – qui abrite depuis 2010 une base française à Niamey – milite en faveur d'un règlement militaire de la crise malienne. Si l'hypothèse se confirme, il y a peut-être lieu de s'attendre à ce que toutes les personnes enlevées servent de bouclier humain aux chefs d'AQMI et du Mujao ou tout simplement intimider tout ceux qui auraient l'idée de donner un coup de pied dans la fourmilière sahélienne. Pour prouver qu'ils ne plaisantent pas, les chefs du Mujao ont annoncé qu'ils s'en prendront directement au président français. Samedi, alors que le président français terminait à Kinshasa sa première tournée africaine, les djihadistes ont par ailleurs menacé depuis le nord du Mali la vie des six otages français retenus dans la région. «S'il (Hollande) continue de jeter de l'huile sur le feu, nous lui enverrons dans les jours à venir les photos des otages français morts», a déclaré Oumar Ould Hamaha, porte-parole du Mujao. Plus radical encore, le Mujao a, pour la première fois, visé le président lui-même. «Sa vie est désormais en danger. Il faut qu'il le sache», a-t-il insisté. Mais au regard de la dynamique politique suscitée par l'ONU concernant la crise malienne, il est peu probablement que les acteurs régionaux ou extra-régionaux concernés de près par le dossier cèdent au chantage.