Les ravisseurs des cinq Nigériens et du Tchadien, travaillant pour les ONG humanitaires Befen et Alerte-Santé et enlevés dimanche à Dakoro dans le sud-est du Niger, recherchaient en fait un Italien séjournant dans la zone, a affirmé hier à la presse une source administrative locale.D'après des témoignages concordants, les ravisseurs, au nombre de onze, sont allés directement dans la maison où l'Italien devait passer la nuit. «Dès qu'ils ont débarqué, ils ont discuté en arabe avec le gardien, lui demandant où était le Blanc», a déclaré un responsable de la préfecture de Dakoro.Le gardien leur a répondu qu'il n'était pas là et qu'il allait certainement passer la nuit en brousse dans un campement d'éleveurs peul bororo, a-t-il poursuivi. Les hommes armés, habillés en djellaba et gilets pare-balles, la tête enturbannée, se sont alors mis à fouiller partout, a raconté le responsable. Comme ils n'ont rien trouvé, ils se sont rabattus sur les humanitaires nigériens et tchadiens qu'ils ont embarqués manu militari, a-t-il ajouté. Dans une déclaration faite à l'Agence africaine de presse, Oubda Hachimi, un notable de Dakoro, a fait savoir que ces humanitaires «campaient dans leur maison de passage». Il s'agit de la mission de l'ONG CARE, très active dans la zone, spécialisée dans la prise en charge de la malnutrition. Leurs ravisseurs, ajoute-t-il, auraient été aperçus en fin d'après-midi dans la ville de Dakoro. Selon lui, «tout porte à croire que les ravisseurs avaient des informations précises sur leurs victimes. Le rapt s'est effectué à une heure où la ville de Dakoro était calme». Cette foultitude d'éléments participe à corroborer la thèse soutenue par certains observateurs et pointe du doigt Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI). Aussitôt l'alerte donnée, le gouvernement nigérien a déployé d'importants moyens pour libérer les otages. La recherche des ravisseurs des six humanitaires s'est d'ailleurs intensifiée hier. Les éléments d'une patrouille mixte de l'armée nigérienne ont été déployés pour encercler toute la zone d'Agadez (nord-ouest du Niger), frontalière du Mali, pays vers lequel se dirigeraient visiblement les assaillants, dont le Nord est en partie occupé par des groupes terroristes armés. Les kidnappeurs veulent rallier le Mali voisin A Niamey, l'état-major de l'armée s'est abstenu de tout commentaire sur la poursuite engagée contre ces ravisseurs. Un officier de l'armée basé dans la région de Maradi, théâtre du rapt, joint hier au téléphone par APA, a affirmé, sous le couvert de l'anonymat, que «les positions des bandits sont quasiment cernées». «Il reste que c'est une opération qui exige beaucoup de rigueur pour ne pas mettre en danger la vie des otages», a-t-il ajouté. «Nous avions obtenu les renseignements selon lesquels ils se dirigeaient vers le Nord-Tahoua, certainement pour rallier le Mali», a indiqué l'officier, qui s'est néanmoins abstenu de faire tout lien avec les éléments d'Al Qaîda. Cette abstention ne veut toutefois pas dire qu'il ne s'agit pas d'une opération téléguidée par AQMI, surtout que le modus operandi utilisé lors de l'enlèvement de dimanche soir présente de grandes similitudes avec les méthodes employées par les groupes djihadistes activant dans la région. Ce n'est, en outre, pas la première fois que ce genre de rapt arrive. Le Niger a, rappelle-t-on, déjà été touché dans le passé par des enlèvements commis par des groupes armés se revendiquant d'AQMI, notamment dans la localité d'Arlit où la mouvance djihadiste avait enlevé en septembre 2010 sept otages, parmi lesquels elle retient toujours quatre Français. Le rapt peut aussi avoir été le fait de malfaiteurs dont l'objectif pourrait être de revendre leur «butin» à AQMI. Si tel est le cas, il est peu probable qu'ils tireront grand-chose de leurs otages. Dans le Sahel, ce sont surtout les «Blancs» (les Occidentaux) qui ont la côte auprès d'AQMI et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) en raison de leur importante valeur marchande. Ces deux groupes, qui doivent certainement, à l'heure qu'il est, réfléchir au meilleur moyen de contrer une éventuelle opération militaire contre leurs bases, pourraient néanmoins très bien se servir de ces otages comme bouclier humain. En attendant que l'identité et l'intention des ravisseurs soient connues, leur rapt a eu pour effet de semer un vent de terreur au Niger, d'autant qu'il intervient quelques jours à peine après qu'AQMI ait promis de faire plonger la région dans le chaos. Devant le risque d'une multiplication d'attentats et d'enlèvements, la plupart des structures humanitaires présentes au Niger ont déconseillé à leurs agents d'aller à l'intérieur du pays. Les Nations unies ont également décidé de suspendre pour trois jours les déplacements de leurs équipes, invitant également le personnel présent dans les localités isolées à rentrer à Niamey.