Cette pratique qui existe depuis longtemps, notamment à certaines occasions, n'a pas souri à tout le monde. Une virée à l'abattoir de Jijel, nous a dévoilé l'étendu du phénomène, mais surtout la non préparation des responsables de cet établissement à faire face à un tel rush. C'est des centaines de bovins qui étaient parqués à l'extérieur, attendant de passer à l'abattage. Des personnes que nous avons rencontrées après la tombée de la nuit, n'ont pas manqué de nous livrer leur déception après l'immense retard accusé dans l'abattage de leur bovin. D'aucuns juraient que, devant une telle affluence, il aurait fallu multiplier par quatre ou cinq le nombre d'équipes travaillant à l'intérieur de l'abattoir, d'autant que l'infrastructure est assez vaste. Certains ont dû attendre le lendemain pour espérer faire goûter quelque morceau de viande à leur progéniture. Cette expérience a montré que les citoyens sont complètement livrés à eux-mêmes. A l'avenir, il faudrait de véritables plans de travail pour espérer répondre convenablement à une telle demande, qui ne dure, faut-il le rappeler, qu'une seule journée. A El Milia, nous avons appris que le nombre de bovins a été limité à une soixantaine de têtes pour éviter un afflux ingérable par la suite. A en croire certains citoyens, bien que le bovin soit mieux apprécié en terme de goût et même de rapport quantité/prix, les problèmes auxquels ils ont été confrontés, semblent déjà les dissuader à refaire la même expérience à l'avenir. «Je préfère acheter un petit mouton à abattre chez moi ou acheter une quantité de viande, que de vivre cette incertitude jusqu'à la nuit, sans savoir quand je pourrais ramener un peu de viande à la maison», conclura un déçu. Par ailleurs, les boucheries ont, justement, fait le plein la veille de la fête de l'Aïd. Des files d'attente, formées par des groupes de personnes en quête de s'offrir quelques kilos de viande, histoire de faire comme les autres et goutter à cette denrée, devenue un interdit pour les petites bourses, ont marqué les deux jours d'avant le grand rendez-vous de vendredi. La bonne aubaine pour les bouchers a été telle que certains se sont dits surpris par le nombre de personnes qui ont renoncé à l'acte du sacrifice. « Je ne m'attendais pas à ces nombreuses commandes, les gens n'ont plus le courage de s'offrir un ovin avec de tels prix », s'étonne l'un d'eux. Dans toutes les agglomérations de la wilaya de Jijel, ce phénomène a marqué les esprits. «Peu de moutons, par rapport aux années passées ont été sacrifiées», témoigne-t-on. Chose inédite, les bêlements de moutons ont été quasi absents dans les quartiers. Plus inédite encore est cette sortie de certains maquignons et éleveurs occasionnels qui sont venus, la veille de l'Aïd, proposer des brebis pour ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir un bélier. La flambée a poussé d'autres, et ils sont plus nombreux, à sacrifier collectivement des veaux. «Cela revient moins cher par rapport au prix du mouton qui, avec un simple calcul, peut atteindre 2500 DA le kilo dans le contexte actuel», soutient-on. Pour éviter la pression de ces prix, certains, par petits groupes, ont sacrifié des génisses. Des avis avertis ont, cependant, déploré le recours, aux conséquences fatales pour le cheptel, à ces femelles qu'elles soient, ovine ou bovine. Il reste que de véritables abattoirs se sont établis le jour de l'Aïd, avec des magmas de sang et des carcasses qui attendent d'être découpées.