Il est Algérien, elle, Egyptienne. Ou vice-versa. Et si chacun soutient les couleurs de son pays, l'adversité sportive est souvent l'occasion de s'interroger sur les excès des médias ou l'impact du foot sur la société. Et c'est en amoureux que samedi ils se retrouveront devant la télé… Après le phénomène Mohanned, le sensuel héros de la série turque Noor, qui a semé la zizanie dans les couples, une nouvelle menace plane sur le mariage : la rencontre Algérie-Egypte de samedi ! « Il est quand même regrettable d'apprendre dans la presse qu'un couple algéro-égyptien s'est séparé à cause du prochain match ! », témoigne Amrou Abdelmajid, 34 ans. Aux Vergers (Birkhadem), dans sa boulangerie égyptienne, décorée d'un drapeau égyptien et d'un autre algérien, cet Egyptien, installé depuis 1990 en Algérie, préfère adopter l'attitude peace and love. « Pour ma femme, d'origine algérienne et moi, ce match n'a aucun impact sur notre vie de couple, assure-t-il. Ce n'est qu'une rencontre sportive entre deux équipes professionnelles qui sauront faire preuve de fair-play. » Dans son quartier, ses voisins doivent connaître son sens de la modération... « A part quelques petits jeunes qui passent par la boulangerie avec des drapeaux algériens pour crier ‘‘Errebha lina'' (La victoire est à nous), je n'ai subi aucun incident ni forme de discrimination. D'ailleurs, quand l'Algérie a remporté le match face au Rwanda, j'ai emmené quelques enfants du quartier dans ma voiture pour défiler toute la nuit. » Chez Rachida, Algérienne, et Tameer, Egyptien, mariés depuis 19 ans, les trois enfants ne savent plus quelle équipe soutenir, tiraillés d'un côté par leur père qui les incite à supporter les Pharaons pendant que leur mère réveille leur fibre algérienne en confectionnant des drapeaux algériens. Car Rachida suit assidûment les aventures des Fennecs et à la maison, les débats sont parfois très animés. En ce moment, elle refuse même de cuisiner la mouloukhiya, une spécialité égyptienne ! « Mais qu'importe puisque samedi, conclut-elle, nous serons tous réunis en face de la même télévision. » Chez Yassine, journaliste algérien, et Dina, professeur égyptienne, si le match est un sujet de plaisanteries, il est aussi le prétexte de discussions plus sérieuses sur des sujets comme le sale rôle d'une certaine presse aussi bien en Egypte qu'en Algérie dans l'aggravation du sentiment patriotique ou bien ce que ce match signifie pour les aristocraties du football en Algérie et en Egypte, ou encore comment le football est récupéré par les régimes. « On en rigole beaucoup en faisant mine d'encourager chacun une équipe différente, promet Dina, même si moi-même je ne suis pas très intéressée par le football, je ne suis pas une fan inconditionnelle de mon équipe nationale… » Oussama Abdelaziz El Achwah de Bordj Bou Arréridj, 28 ans, de père égyptien et de mère algérienne, estime que « ce sont les médias qui enveniment les choses au point de s'insulter mutuellement, alors que le match n'est qu'un épisode qui ne devrait pas prendre plus de 90 minutes d'attention ! » Yassine est du même avis. « La violence verbale de certains médias algériens ou égyptiens, je la ressens comme une agression. Est-ce que cela ne va pas renforcer les préjugés des uns sur les autres : les Algériens qui pensent que les Egyptiens sont de personnages de films et les Egyptiens qui pensent que les algériens sont violents ? » Dina trouve aussi l'ambiance malsaine. « En Egypte, cela permet au régime de mobiliser tout le monde derrière le drapeau national, et peut-être cette fois-ci de faire oublier le drame du train d'Al Ayyat (récemment, une vingtaine de personnes sont mortes dans cet accident), comme la victoire contre la Côte d'Ivoire pendant la coupe d'Afrique avait été scandaleusement utilisée pour faire oublier, le temps d'une soirée, que plus de 1000 personnes venaient de mourir noyées dans le bateau de Mamdouh Ismaïl sans même mériter une journée de deuil national. » Je me joins pour ma part à l'initiative du journal Al Masri Al Yaom : « Warda li kul jaza'iri » (une fleur pour chaque Algérien) ! » Des paroles qui feraient plaisir à Amrou qui, bien sûr dans ce cas, supporte l'Egypte, mais avoue que dans tous les autres « mon cœur est avec El Khadra ! » Yassine, lui, est catégorique : « Moi, je ne veux pas que l'Algérie perde, comme en 1989 ! L'Egypte peut être redoutable à domicile, mais l'emporter à 3-0 sera difficile pour eux. » La vraie solution, c'est Dina qui l'a. « Il faudrait que l'Algérie perde tout en se qualifiant. L'honneur serait ainsi sauf pour tout le monde… » LamiaTagzout , Adlène Meddi, Z. A. M.