Lors d'une conférence-débat organisée, hier à Alger, par le Comité national de réappropriation et de sauvegarde de l'UGTA, les participants ont, en plus du code du travail, débattu longuement de l'avenir du syndicalisme dans notre pays, fortement remis en cause dans l'avant-projet de code du travail qui renforce, selon eux, le pouvoir des patrons au détriment des droits des travailleurs et qui dresse des barrières dans l'exercice de l'activité syndicale. Il y avait aussi, au menu de la rencontre, l'abrogation de l'article 87 bis. Trois personnalités nationales, et pas des moindres, ont animé cette rencontre : le sociologue Nacer Djabi, le juriste Nasreddine Korichi, le syndicaliste Abdelmadjid Azzi et Aïssa Nouasri. Pour M. Djabi, la situation actuelle du monde du travail n'est pas prise en considération par les pouvoirs publics ; elle est gérée par des rapports de force. «Quelle est donc l'utilité de cette loi dans cette conjoncture, en ce moment précis ?» s'est demandé M. Djabi, précisant qu'«actuellement, nous sommes dans une situation politique, sociale, culturelle et intellectuelle qui ignore totalement le monde du travail, où les organisations syndicales ne peuvent pas se mobiliser». «Il y a une sorte de flottement et c'est dans ce contexte que le pouvoir a parachuté cet avant-projet de loi», déplore M. Djabi, convaincu que c'est là une manière de faire passer le projet «en douce». Le sociologue révèle que 67% de travailleurs ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale. Des acquis remis en cause Abdelmadjid Azzi partage l'avis du sociologue et s'interroge sur l'utilité d'un nouveau code du travail alors que le code existant n'a pas besoin d'être réformé : «J'ai fait partie, en 2004, du groupe qui devait mettre sur pied ce nouveau code. Il n'en fut rien. Il a fallu attendre 14 ans pour voir la naissance de cet avant-projet de code du travail. Pourquoi ? Nos interrogations sont légitimes.» «D'autant que ce texte de loi renferme des aberrations et beaucoup de restrictions», note l'intervenant. Maître Korichi, quant à lui, est revenu sur l'évolution du monde du travail. Il a relevé les multiples contradictions et aberrations contenues dans le texte. Me Korichi se dit «curieux» de connaître les noms des participants à l'élaboration du texte. Un projet réalisé, dit-il, dans le secret total : «Aucun de mes collègues travaillistes n'a été associé a la rédaction de ce projet. Qui sont les hommes de loi qui ont mis sur pied ce document juridique qui consacre la régression et donne les pleins pouvoir à l'employeur ?» Lors des débats, plusieurs intervenants ont évoqué les licenciements abusifs et la disposition sur «la flexibilité de l'employeur est mise en évidence dans le nouveau texte. Si un travailleur titulaire d'un CDD tombe malade, il peut être licencié par son employeur et la justice sera du côté de l'employeur. Le pouvoir judiciaire, dans le nouveau projet, devient une chambre d'enregistrement», dénonce Noureddine Bouderba, syndicaliste. Nombreux étaient les participants qui ont dénoncé la gestion de la centrale syndicale et l'absence d'un syndicat fort qui défende les travailleurs. Des syndicalistes exerçant sur les chantiers de Hassi Messaoud ont lancé un cri de détresse : «Dans notre base de vie il y a des malades mentaux, des handicapés et des repris de justice dans le cadre de l'insertion sociale. Nous n'avons pas de médecin, des travailleurs meurent dans l'indifférence et lorsque nous revendiquons nos droits, nous sommes sanctionnés. Nous avons un syndicat qui travaille contre l'intérêt des travailleurs.» Pour ces syndicalistes, l'UGTA a perdu toute autonomie et il y a urgence de rompre avec ses pratiques de «traîtrise». D'autres syndicalistes se disent désarmés face à un pouvoir qui leur met des bâtons dans les roues. Et le nouveau projet de code du travail en est une preuve parfaite.