Le témoignage de l'architecte Halim Faïdi sur sa rencontre avec Oscar Niemeyer a intéressé de nombreux lecteurs. Nous voulions marquer le 102e anniversaire de ce monstre sacré de l'architecture moderne et contemporaine qui a conçu plusieurs édifices en Algérie (voir El Watan, 19 déc. 09). Nous nous sommes attachés à le faire au mieux avec la complicité active de Halim Faïdi qui avait eu l'honneur d'être invité dans son atelier à Rio de Janeiro. Mais nous étions loin d'attendre tant de réactions émanant de gens de la profession comme d'autres citoyens. Voici quelques unes des plus expressives. D'abord ce message de Constantine : « Je veux remercier El Watan. J'ai lu l'article des pages Arts et Lettres à propos d'Oscar Niemeyer et je veux dire à Halim Faïdi que tout architecte ou étudiant en architecture qui a lu votre article rêve d'avoir la même chance que lui. Je suis étudiante à l'Institut d'architecture de Constantine, et je veux vous informer qu'il est dommage que notre département ne se trouve pas dans le campus Mentouri qui est l'œuvre d'Oscar Niemeyer. Nous sommes vraiment déçus et désolés de cela. J'avais envie de pleurer quand M. Oscar vous a dit quel était son plus beau projet (ndlr, l'université de Constantine). Je veux juste signaler la négligence, les transformations, les déformations et surtout le manque de respect pour cette œuvre de la part des étudiants ou même par le rectorat. Je sais bien que tous les étudiants et enseignants en architecture partagent le même avis que moi, au moins à Constantine. Merci encore M. Faidi. ». Un ancien étudiant en architecture ajoute : « Vous ne savez pas combien cet article m'a fait du bien… et du mal, car j'ai abandonné la profession pour la distribution de matériel informatique, khobza oblige ! Quand est-ce qu'on va respecter les architectes et l'architecture dans notre pays comme au Brésil et dans d'autres pays ? Au moins qu'on garde ce que nous avons. L'année dernière, j'étais de passage près de l'EPAU que j'ai quittée en 86. J'ai eu un coup de nostalgie et je suis rentré. Quand j'ai vu ce qu'elle est devenue, j'étais choqué, surtout pour la partie Niemeyer. Ailleurs, ils font venir des visiteurs et des touristes pour des œuvres pareilles. » Une mère de famille qui travaille dans la communication nous écrit : « J'ai toujours été émerveillée par la Coupole du complexe du 5 Juillet. Quand j'étais au lycée, on l'appelait la soucoupe volante. Mais je ne savais pas qui l'avait imaginée, ni d'ailleurs mes enfants. Je leur ai fait lire l'article. » R.S. expert en immobilier : « Pourquoi ne ramène-t-on pas de grands architectes en Algérie, comme au temps de Boumediène avec Niemeyer mais aussi Kenzo Tange le Japonais qui a fait l'université d'Oran, l'Espagnol Ricardo Bofill qui a fait je crois un village à Abadla… ? Ils permettront de former les nouvelles générations car il faut aussi et surtout encourager les bons architectes algériens par des concours et des prix et non pas les gens qui ont ce diplôme mais acceptent de faire n'importe quoi et je sais ce que je dis. Bien sûr, il faut travailler, mais ne pas se compromettre. » Un autre étudiant en architecture (qui n'a pas précisé où) déclare : « Merci de parler comme ça de l'architecture et de nous donner des pistes pour mieux la comprendre car c'est un art avant d'être une technique. Chez nous, les administrations et les entreprises ne laissent pas les architectes s'exprimer. On ne parle jamais du style, de l'esthétique, du rapport à l'espace et à la société. Si au moins on faisait bien au plan technique. On est en train de rendre moche le plus beau pays au monde avec des constructions laides et idiotes ou alors en ramenant des entreprises qui n'ont pas de vrais architectes capables de signer une œuvre. Mais la bibliothèque que va faire Niemeyer chez nous, c'est une bonne nouvelle. » En d'autres termes, le débat est là mais il manque cruellement de débatteurs.