Prenez diverses formes d'art, mettez-les à la portée du plus grand nombre, dans les rues par exemple. Vous aurez ce qu'on appelle le Street art (art de rue), rajoutez-y des esprits jeunes, une touche d'altruisme et une énergie commune. Vous aurez le DJART'14 à Alger, du 6 au 15 novembre. Un rendez-vous à ne pas manquer. Dix jours durant, des formes, des images, du son et de la lumière pourront surprendre les passants au détour de n'importe quelle rue. Et même dans les bus. L'art urbain ne date pas d'aujourd'hui, l'Algérie ne saurait faire exception. C'est au Tassili, il y a 9000 ans, que les premières traces de gravures rupestres ont vu le jour dans des grottes ancestrales, espaces de vie de «l' Agerianicus». A cette époque, ce n'était pas encore de l'art rupestre, mais de l'art moderne. Il n'y a, en somme, rien d'extraordinaire à ce que «l'Algerinacus moderne» ne reviennent inexorablement à ses origines en transcendant une nouvelle fois son espace de vie. Pour cette fois, c'est sous l'impulsion de l'institut Goethe et à l'initiative du transcultural dialogue que la première édition de la biennale culturelle pluridisciplinaire voit le jour. Un projet initié en 2012, qui a nécessité deux ans de préparation. A la grande surprise, l'Algérie rafle la première édition. «La première édition se passe à Alger, le choix a été évident, les énergies, l'espace urbain adéquat, l'histoire de la ville ont été des facteurs décisifs de ce choix», confie l'un des participants dans un appartement algérois, Boulevard Amirouche, transformé en quartier général pour l'occasion. Ici, l'ambiance est aussi pluridisciplinaire que multiculturelle. Sarah El Hamed, responsable presse, prend quelques minutes pour présenter l'événement : «Si je devais résumer, je dirais que DJART'14 est un projet éphémère qui vise à laisser une trace concrète sur les murs et bien qu'immatériel, durable dans les esprits.» En effet, Djart 14 semble être à la lisière d'un festival d'art urbain et d'une exposition gigantesque sous forme d'occupation des sols. «Pour cette édition, effectivement il s'agit de mettre en lumière la notion d'espace public et de mobilité en utilisant une approche artistique», ajoute la responsable de presse. Dans ce QG, les va-et-vient sont incessants. Certains travaillent même la nuit, pieds nus. Les téléphones sonnent. Les e-mails tournent. Les efforts convergent vers un même idéal : «réussir au mieux» un événement bien ambitieux. Selon le comité d'organisation, le «DJART'14 encourage la démocratisation culturelle et vise ainsi à rapprocher l'art souvent oublié, dénigré ou mis au second plan du grand public algérien en le rendant accessible, abordable et attrayant.» D'autre part, selon les organisateurs, «DJART'14 vise aussi à sensibiliser le grand public algérois et algérien autour de thèmes touchant sa société tels que l'identité, la citoyenneté, les dimensions maghrébines et méditerranéennes de l'Algérie, ou l'échange et la mobilité entre artistes. Il promeut l'art comme moyen de partage de la connaissance, des discours et des pratiques diverses. Le programme de DJART'14 a été conçu suite à un parcours de recherche à Alger mené par l'équipe du TCD afin de s'approcher des besoins et attentes de la communauté et les lier aux initiatives artistiques et culturelles.» Alger sans art C'est dans un tortueux effort qu'Alger tente depuis des années de sortir de sa torpeur, proposant divers événements conjoncturels qui peinent à s'inscrire dans la durée. Le manque de loisirs est frappant. En retardant la fermeture des commerces tard le soir en été, et même en multipliant la présence policière, la wilaya d'Alger se heurte à un problème résolument ancré dans la société algérienne. Les gens ne sortent plus, si ce n'est pour aller d'un point A à un point B. Ainsi, le djart'14 serait une aubaine pour la wilaya qui, en s'alliant à cet événement, encourage d'une certaine manière l'occupation de l'espace public par les citoyens, (à condition de ne pas y manifester pour des raisons politiques). «Le temps d'un festival où les arts vivants prennent possession de tous les espaces, nous sommes entraînés vers d'autres vibrations dans cette vision trop formatée de notre quotidien», explique l'un des organisateurs débordés, qui va et vient, pieds nus, dans l'appartement. Aux abords du café Tontonville, un groupe de jeunes gens en parlent, non sans passion. Ils voient dans cet événement un «espoir» et n'hésitent pas à proclamer que «ces arts de rue soient en capacité de tout bouleverser pour vivre dans une cité métamorphosée.» Pourtant, hormis les cercles d'initiés, peu d'Algérois ont eu vent de la préparation de cet événement. Non loin de la salle El Mougar, Neila, élégante dame accompagnée de sa fille, avoue ne pas être au courant du programme : «J'ai vaguement entendu parler d'un festival d'art urbain ; je trouve que c'est une excellente initiative.» Puis, elle ajoute, enthousiaste : «ça donne une sorte de pouvoir au jeunes, la possibilité de se réapproprier certains espaces qui leur sont destinés à la base.» Un passant curieux, cheveux grisonnants, l'allure pressée, s'arrête et commente : «Je trouve que c'est excellent de pouvoir redorer l'image de l'Algérie comme ça grâce à des projets internationaux». Le sujet semble intéresser une autre dame d'un âge avancé qui dira : «Au-delà de se confronter à l'autre, cela nous fera peut-être sortir du paradigme dans lequel on est plongé à cause de la médiatisation à sens unique de la vision unique que connaît notre Algérie». Neila, la jeune maman, aura le dernier mot : «La mise en avant de la culture et de l'altérité algérienne, je ne peux dire qu'‘‘Amine'', tout cela pour peut-être accéder à une Algérie dans laquelle nos enfants auront envie de vivre». L'espoir est permis. Du moins, le temps de ces dix intenses journées dédiées à l'art.