Un brasero rudimentaire, une vieille théière, quelques tasses, et voilà Widad et Nawya qui installent une fois de plus leur café de plein air, à l'instar de beaucoup de Soudanaises qui se sont spécialisées dans le commerce du thé et du café dans ces « locaux » de fortune installés à même le trottoir. Un spectacle très répandu dans la capitale, Khartoum, et plus particulièrement à Oumdurman où les femmes, tous âges confondus, squattent les trottoirs proposant des boissons chaudes aux passants (café, thé, gingembre, fenugrec...). Abritées sous un arbre, fuyant un soleil de plomb, Widad, vingt ans, et sa sœur, son aînée d'une année, guettent la venue d'un nouveau client qui serait tenté par un café à 500 piastres ou un thé à une livre. De 4h du matin à 8h du soir elles s'activent à dresser leur modeste commerce constitué d'une table, qui n'est autre qu'une vieille planche posée sur deux briques entourée de quelques sièges en plastique, un simulacre de café sans porte ni murs. Widad, qui avoue que son niveau d'instruction ne dépasse pas la huitième année, précise qu'elle s'était trouvée, il y a trois ans, dans l'obligation de travailler pour subvenir aux besoins de ses deux enfants en l'absence de son mari, soldat de son état. Sa recette journalière variant entre 150 et 180 livres lui permet de se sortir d'affaire, confie-t-elle. Nawya n'est pas mieux lotie. Elle aussi est forcée de travailler pour nourrir sa famille pauvre, en attendant des jours meilleurs ou un bon parti. Non loin de là, Ahmed Hassan compte ses sous après une journée passée à transporter les gens dans sa « rakcha », sorte de voiturette bariolée de blanc et de vert de fabrication indienne, très en vogue au Soudan, et une autre plus réduite appelée « TocToc ». Ahmed Hassan exerce depuis 11ans ce métier plus lucratif que la Fonction publique, en raison des nombreux clients qui préfèrent la Rakcha ou le Toc-Toc aux tarifs plus intéressants que ceux des taxis. En dépit de l'exiguïté de son véhicule, qui ne supporte que deux passagers, Ahmed Hassan peut se targuer d'une clientèle dépassant les « 40 par jour » sur des distances pouvant excéder 50km. Quoique différents, les métiers de Widad, Nawya et Ahmed Hassan requièrent beaucoup de patience et de sacrifices. Ce n'est qu'à la nuit tombée qu'ils prennent congé de leurs clients pour leur donner rendez-vous le lendemain et les jours suivants, dans le café de fortune ou à bord de la Rakcha.