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Un smig de consensus national pour la sauvegarde de la nation
Publié dans El Watan le 04 - 06 - 2015

Notre pays sombre dans une crise grave. Il s'agit d'une crise politique profonde, suscitée par l'absence de légitimité ayant sérieusement et définitivement ébranlé les relations entre les citoyens et leurs gouvernants. Une situation qui, visiblement, mènera le pays à terme vers l'irréparable. Face à ce constat, le pouvoir connaît une cacophonie indescriptible. Il y a d'abord les institutions de l'Etat qui s'effritent devant l'autel du pouvoir personnel, ensuite il y a les partis politiques du système qui implosent, enfin il y a le front social qui continue à s'emballer avec des pics alarmants au sud du pays.
Tout est fait dans l'improvisation, la précipitation et le mépris de l'autre afin d'imposer un scénario qui risque de mettre le pays à feu et à sang. Qu'est-ce qui explique cet état de fait ?
Ce pouvoir refuse de dresser un quelconque bilan de sa gestion qui a englouti plus de 1000 milliards de dollars pour de piteux résultats. Si ces sommes mirobolantes avaient été déboursées dans un autre pays, avec une bonne gouvernance et une véritable stratégie de développement, il aurait postulé à la candidature au G20. Notre pays s'enfonce dans le sous-développement, avec des classes d'école surchargées, passées de 44 élèves avant 1999 à 55 élèves, voire plus, dans certains lycées du pays, un système de santé en ruine et ruineux, des routes mal faites, des coupures d'électricité… et la liste est longue.
Ce pouvoir autiste refuse tout dialogue politique pouvant aider le pays à sortir de la situation dans laquelle il se débat. Après 16 ans de pouvoir sans partage, on continue à prôner la politique de la fuite en avant, l'improvisation et la diversion pour éviter de poser les véritables problèmes, initiant les faux débats et proposant de fausses solutions.
Tantôt on nous sort la révision de la Constitution, quand il n'y a plus rien pour occuper l'opinion et quand ce pouvoir sent l'étau se resserrer autour de lui à travers les pressions sociales et surtout à travers les initiatives de convergence de l'opposition, il lance un nouveau remaniement gouvernemental, qui ne répond à aucune logique économique, sociale ou encore moins politique, il ruse pour détourner l'opinion publique des questions urgentes.
En l'absence d'une stratégie de développement et dans l'incapacité chronique de se reformer politiquement, le pouvoir actuel use avec frénésie des finances engrangées de la seule rente pétrolière et continue à ignorer toute voix qui ne partage pas son bilan politique et économique.
Les huit plans appliqués le long des 15 ans de règne de Bouteflika n'ont pas changé ce modèle rentier. Pis encore, aujourd'hui on parle de moins d'un milliard de dollars d'exportations hors hydrocarbures, pour près de 65 milliards d'importations, une part très importante finit dans les poches des prédateurs qui agissent aujourd'hui à visage découvert.
Devant cette impasse, à la fois politique, économique, sociale et morale, les tenants du pouvoir refusent de regarder la réalité du pays en face et continuent à manœuvrer pour perdurer, à n'importe quel prix, et à faciliter la tâche aux prédateurs pour accaparer ce qui reste de la rente.
Pour remettre le débat sur les rails et créer surtout un rapport de force salvateur pour le pays, l'opposition est appelée à se mobiliser, se rassembler et surtout inscrire en urgence dans son agenda immédiat la préparation de l'après-Bouteflika.
Nous avons le choix entre l'option fataliste, en laissant notre pays sombrer dans une situation de régression stérile, sans fin, qui produit la prédation, la corruption, la mauvaise gouvernance et le mépris du citoyen, ou se lancer dans une opération de rassemblement de l'ensemble des patriotes qui veulent le bien pour ce pays. Cela aboutira à un consensus patriotique pour sauver le pays de la désintégration et de la violence programmée.
L'Algérie se trouve, aujourd'hui, dans une impasse historique. La crise dure depuis de nombreuses années, mais le chaos qui s'est installé ces dernières années est plus que préoccupant. Les institutions ont été déstabilisées de manière à remettre en cause même les fondements de l'Etat et son autorité.
Depuis plusieurs années, les contre-valeurs ont été davantage dopées, favorisant une corruption généralisée, ainsi qu'un populisme érigé en mode d'ascension politique. La nation ne peut supporter plus de dérives et de scandales.
Ce sont l'unité nationale et la cohésion sociale qui sont mises en péril. Il y a vraiment urgence de se mobiliser pour une action collective afin de sauver la nation d'une désintégration annoncée.
La conférence nationale de Zéralda du mois de juin 2014 constitue, certes, un acte fondateur politique majeur. Elle a permis de réconcilier une opposition fragmentée et a permis aussi de lancer les jalons d'une vision commune pour une sortie de crise. Mais elle n'a pas encore créé ce déclic citoyen pour engager un rapport de force avec les tenants du pouvoir, afin de les ramener à la table de négociations pour une sortie de crise apaisée.
Elle n'a pas non plus engagé une réflexion consensuelle sur les options qui peuvent éviter à notre pays le statu quo. Cette vision reste à concrétiser dans un projet commun et dans un cadre plus large que celui de Zéralda, à travers un congrès national de l'opposition pour une sortie de crise aboutissant à une action collective que les Algériens n'ont pas réussie depuis Novembre 1954.
Ce congrès fera l'objet d'un débat serein et responsable sur la base de la plateforme de Zéralda et arrêtera une stratégie commune et une feuille de route sous forme d'appel aux consciences patriotiques, afin d'arriver à l'objectif d'un changement apaisé et salvateur pour la nation entière.
Cet appel patriotique interpellera, d'abord, les organisateurs afin de s'éloigner des malentendus stériles, des débats marginaux et des manœuvres de leadership. Il interpellera, ensuite, les tenants du pouvoir sur leur responsabilité à continuer à ignorer une bonne partie de l'opinion publique et surtout à ignorer le danger qui guette la nation.
Il s'adressera, aussi, à l'ensemble de la classe politique afin de l'amener à surpasser ses divergences et à accepter une convergence responsable, dans l'objectif de créer les conditions de l'instauration d'une société démocratique, juste, pluraliste, pleinement respectueuse des droits humains, des libertés individuelles, fonctionnant selon des mécanismes socioéconomiques susceptibles d'assurer le bien-être de tous. Notre pays possède les moyens humains et matériels pour réussir ce défi.
L'opposition doit, dès aujourd'hui, s'entendre sur les outils d'une transition concertée avec toutes ses composantes et les forces patriotiques de la nation.
Seule une opposition unie et clairvoyante est capable de mobiliser le peuple pour une transition apaisée susceptible de remettre le pays sur le chemin du développement et du progrès.
La seule demande que l'opposition doit brandir, à l'heure actuelle, et qu'elle est appelée à considérer comme une condition non négociable, est la création d'une commission indépendante d'organisation des élections.
Cette commission doit centraliser à son niveau la révision du fichier électoral, le dépôt de dossier des candidats, le contrôle du scrutin et la publication des résultats. Après la mascarade des législatives de 2012, ayant permis au parti de l'argent de contrôler le Parlement, et celle de 2014 qui a permis à un Président malade et incapable de gouverner de rempiler pour la quatrième fois, il est du devoir de l'opposition et du peuple algérien de ne pas reculer sur cette demande légitime, pour barrer la route à toute autre élection en dehors de ce cadre afin de mettre à nu les fossoyeurs de la République.
Seule une action collective de toute l'opposition et des forces patriotiques de la nation, appuyée par une adhésion consciente du peuple, est à même de sauver l'Algérie de ce naufrage annoncé. Cet appel d'urgence pour un sursaut patriotique doit mettre l'ensemble des forces politiques devant leur responsabilité historique.
Un consensus doit être trouvé avec les tenants du pouvoir pour l'instauration de cette commission nationale d'organisation et de contrôle des élections.
Dans d'autres pays, comme la Tunisie, l'opposition s'est trouvée seule face à la vacance du pouvoir, habitée de ce devoir historique de mettre en place cette commission, alors que dans notre pays l'expérience est différente dans ce sens qu'un pouvoir de fait existe. Une fois que le consensus sera obtenu autour de cette commission, le débat sera ouvert sur les échéances électorales.
Quand l'opposition et les tenants du pouvoir s'accorderont sur la nature et les prérogatives de cette instance nationale d'organisation et de contrôle des élections, une Constitution consensuelle deviendra une réalité nationale et mettra le pays définitivement à l'abri de toute tentative de déstabilisation. L'opposition et les tenants du pouvoir sont appelés à concrétiser ce smig patriotique, à défaut le pays se dirigera droit vers la désintégration.
Le salut de la nation viendra inéluctablement d'urnes transparentes et d'élections propres, organisées par cette commission indépendante. Cette approche garantira le retour de la légitimité, facilitera le consensus pour une transition démocratique et en dernier lieu nous permettra de réussir le pari pacifique du changement de la nature actuelle du pouvoir. C'est la seule issue possible qui assurera à toutes les parties une sortie honorable et qui évitera certainement, si elle est matérialisée, à notre pays la tragédie libyenne, l'impasse au Yémen ou le drame syrien.


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