Vous êtes à votre second mandat à la tête du Syndicat national des éditeurs du livre (SNEL). Qu'avez-vous réalisé ? Je préside le Syndicat national des éditeurs du livre depuis 2012. Premièrement, j'ai ouvert les portes à tous les éditeurs. Et ce, sans distinction ni exclusion ou marginalisation. Et surtout, j'ai insisté sur l'ouverture aux nouveaux et jeunes éditeurs, publiant dans les trois langues (arabe, français et tamazight), à travers tout le territoire. Le SNEL a désenclavé le Salon national du livre de la capitale pour aller à la rencontre du public des villes de l'intérieur du pays. Le nombre d'éditeurs a augmenté, et il fallait donner sa chance à tout le monde. Pas d'exclusion ! Pourquoi priver la ville d'Oran d'un Salon du livre ? Alors qu'il n'y a pas été organisé depuis 14 ans. On s'est déplacé à Batna, Oued Souf et à Béchar. Et cela a été un succès. Le SNEL est sorti du «Salon de quartier» pour aller faire profiter d'autres villes et localités de l'Algérie. Et cela a été un franc succès avec une nouvelle participation, notamment le ministère de la Formation professionnelle, la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) ou encore l'ANP. D'autres éditeurs se sont manifestés en créant un autre syndicat du livre. Comment le SNEL réagit à l'exercice syndical de la concurrence, voire à «l'opposition» ? Jusqu'à présent, il n'existe qu'un seul syndicat : le Syndicat des éditeurs du livre, le SNEL. Avec le multipartisme, la diversité des médias en Algérie, je dis bienvenue à n'importe quel autre syndicat. S'il y aura d'autres syndicats, cela engendrera une émulation, une concurrence. C'est à celui qui se distingue par son travail. Quel est l'état des lieux actuel de l'édition ? La réalité ? L'année 2003 a débuté avec une certaine dynamique en matière de livre. Une confiance impulsée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Je me rappelle du premier Salon du livre d'Alger, en 2000, après une décennie de terrorisme et de sang. M. le Président, alors, m'avait interrogé : «Pouvez-vous concurrencer l'éditeur étranger ?». J'ai rétorqué : «Oui, nous pouvons le faire et même sur le plan international.» Comment cela ? Malheureusement, le programme du Président n'est pas appliqué. C'est-à-dire… C'est-à-dire qu'il n'y avait pas de transparence soit au niveau du ministère de la Culture ou bien d'autres ministères. Il n'y avait pas de discipline. Ils avaient marginalisé la société civile, le Syndicat des éditeurs du livre… Une marginalisation ? Vous trouvez normal, par exemple, qu'un événement culturel comme Constantine, capitale de la culture arabe 2015, ou bien un autre antécédent, où le ministère de la Culture n'a pas un cahier des charges à l'endroit de l'éditeur pour présenter la liste (des titres d'ouvrages). Là, il y a un flou.Le népotisme. On octroie à cet éditeur cinq titres, à celui-ci vingt titres, à celui-là aucun… On n'a aucun interlocuteur. Il faudrait que la confiance règne entre nous. Maintenant, en tant que syndicat, nous essayons d'expliquer cela en effectuant des réunions de travail avec des ministres. C'est cela qui est inexistant. Existe-t-il une «confusion» entre l'éditeur et l'importateur de livres ? La politique de l'Etat algérien en matière de livres est claire, elle encourage l'investisseur ou l'éditeur local. Lequel créera un gisement d'emplois à l'échelle locale. Mais là, il existe encore un autre flou. L'on a ouvert les portes beaucoup plus aux importateurs de livres au détriment de l'éditeur local. Par exemple, la taxe payée par l'importateur du livre (produit fini de l'étranger) est de l'ordre de 12% (7%+5%). L'éditeur local, celui qui crée des postes d'emploi, qui investit dans son pays, paie une taxe de 17% pour la matière première, 7% d'imposition ainsi que d'autres taxes. Cela peut arriver jusqu'à 32% de taxes. C'est cela qui est invraisemblable. A la veille du 20e Salon du livre d'Alger, quelle est la méthode à adopter pour dissuader la sempiternelle importation du livre faisant l'apologie de l'islamisme et de surcroît terroriste ? Le livre islamiste ou faisant dans la propagande terroriste n'incombe pas seulement à l'Etat algérien ou à la Sûreté nationale. Normalement, nous avons un syndicat. Le Syndicat national des éditeurs du livre (SNEL) est membre de l'Union des éditeurs arabes. Pour la première fois nous y siégeons avec deux membres de bureau (algériens). Le livre islamiste s'infiltre en Algérie parce que le Syndicat national des éditeurs algériens n'est pas membre dans l'organisation comme avant au Salon international du livre d'Alger. L'ouvrage islamiste entre en Algérie parce que des gens ou groupes de personnes sans citer de noms l'importent. Si vous allez à la Douane, l'on vous remettra la liste des importateurs. Les plus grands éditeurs, ce sont les plus grands importateurs du livre et notamment celui islamiste. Et en plus, ils sont soutenus. Des fonds conséquents. Les chiffres sont là. Et j'assume la responsabilité de mes déclarations. Cela se passe exactement lors du Salon international du livre d'Alger. Dans le monde entier, c'est le syndicat du livre qui organise les Salons internationaux. Si l'on associait le Syndicat national du livre (SNEL), il n'y aurait aucun livre islamiste. On aurait agi en avisant l'Union des éditeurs arabes quant aux ouvrages subversifs et faisant dans la littérature islamiste meurtrière. Le SNEL est contre les ouvrages qui nuisent au pays, à l'Algérie. Où réside le danger ? C'est que dans le prochain Salon international du livre d'Alger, les ouvrages qui y entrent sont exonérés d'impôts et droits de taxes douanières. Mais en tant que syndicat, nous agirons en conséquence pour mettre un terme à cela. Quel est l'impact de la crise économique sur l'industrie du livre ? En ce qui concerne la crise économique touchant le monde entier, entre autres l'Algérie, en tant que modeste syndicat nous proposons une solution dans notre métier. Et ce, pour participer à notre économie. Le Syndicat national des éditeurs du livre (SNEL) a adressé une lettre au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dans ce sens-là il y a trois semaines. Un dossier portant sur l'industrie du livre. L'Algérie importe en matière d'ouvrages pour plus de 30 millions de dollars chaque année. C'est un chiffre réel. L'Algérie est un pays qui n'exporte pas le livre à l'étranger. Nous sollicitons l'Etat pour réduire l'importation. Et en compensation, l'Etat aidera et soutiendra les éditeurs à acheter les droits d'auteur. Les droits d'auteur d'un titre (ouvrage) oscillent entre 800 et 2000 dollars. Aussi, le livre sera imprimé en Algérie. Cela veut dire la création d'un gisement d'emplois. Au moins 50% pour chaque éditeur. Ce qui implique le foisonnement des imprimeries. Celui qui possédait deux offsets devra avoir le double. Nous avons saisi le Premier ministre pour qu'il nous facilite cette opération d'exportation du livre. Le livre algérien est très demandé en Europe et dans le monde arabe. Nous avons de grands auteurs, des chercheurs, des hommes de médias… Mais le livre ne sort pas de l'Algérie. Parce qu'il existe de nombreuses entraves pour exporter le livre, une loi obsolète datant des années 1970 qui est en vigueur. Le livre, c'est une denrée qui ne ressemble pas à l'exportation des dattes. Il faut des facilitations pour exporter notre culture et réduire la facture de devises ? Et le Premier ministre nous a répondu le 11 octobre. Votre cheval de bataille demeure la traduction… La politique éditoriale de Dar El Hikma (dont il est le directeur) a énormément travaillé avec les universités algériennes. De 1995 à 2000, on était l'éditeur de l'Université d'Alger juste après l'Office des publications universitaires. La traduction est l'épine dorsale de l'édition. Nous avons traduit du russe à l'arabe le grand journaliste et auteur Abdelaziz Boubakir, de l'allemand à l'arabe Abou Laïd Doudou, nous avons acheté les droits d'auteur des éditions Nathan pour l'exclusivité de la traduction du français à l'arabe de la «Collection 128». Nous avons acquis les droits de traduction française des œuvres du linguiste et philosophe américain Noam Chomsky. Nous avons traduit des œuvres de l'arabe au tamazight. Notre politique porte sur l'ouverture, la globalisation… Je suis prêt à traduire un livre de l'arabe à l'hébreu. Comment encourager la lecture et rendre le livre accessible et pas onéreux ? Pour créer la lecture et le lectorat, il faudrait supprimer toutes les taxes douanières portant sur la matière première entrant dans la fabrication du livre. Pour réduire le prix du l'ouvrage d'environ 30%. Tous les ministères sont impliqués dans la promotion de la lecture. Cette année, l'invité d'honneur du 20e Salon international du livre d'Alger, qui se tient du 27 octobre au 8 novembre, est la France… Je souhaite la bienvenue à la France. Il existe une amitié entre l'Algérie et la France. Notre deuxième langue est le français. La France accueille plus de quatre millions d'Algériens. Nous sommes ravis de l'échange et du partage entre les éditeurs algériens et français. Il faut que cette édition soit particulière et réussie. Et nous nous y attelons.