Chaque dessinateur en charge de la conception d'un nouveau timbre se voit remettre un dossier comprenant la description de ce dernier, des photographies, textes et illustrations concernant le sujet à traiter,voire des timbres déjà émis sur le même thème ou sur des thèmes voisins. Chez nous, le dessinateur, sans aucun encadrement ni support, est livré à lui-même. Immanquablement, ce désengagement de l'administration postale de sa mission d'accompagnement de l'artiste impacte négativement le timbre, allant jusqu'à altérer le message qu'il est chargé de transmettre. L'exemple illustrant le mieux notre propos nous est fourni par le timbre émis par Algérie Poste le 10 février 2010 sous la signature de Sid Ahmed Bentounès, en hommage aux victimes des essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien de 1960 à 1966 : c'est l'unique figurine postaleà sujet atomique consacrée par l'Algérie à cette tragédie après un demi-siècle de silence philatélique. Essayons de déconstruire son illustration afin d'identifier les sources iconographiques ayant permis à l'artiste de produire ce timbre. En filigrane, une carte géographique de l'Algérie sur laquelle deux symboles nucléaires nous indiquent les deux sites ayant accueilli ces essais, en l'occurrence Reggane et In Ekker Le dessinateur fait apparaître une colonne incandescente de flammes et de fumée, un champignon atomique qui n'a aucun rapport avec le sujet de l'émission puisqu'il s'agit de celui produit par un essai nucléaire atmosphérique américain effectué le 18 avril 1953 dans le Nevada. L'enveloppe «Premier jour» consacrée à ce timbre nous réserve, quant à elle, un autre anachronisme : son illustration n'est en fait que la reproduction d'une photo de l'agence suisse Keystone montrant un essai nucléaire français effectué en 1971 dans le Pacifique, plus précisément sur l'atoll de Mururoa, en Polynésie française. Les scientifiques le savent. Le champignon atomique est une signature spécifique, distinctive de chaque type de bombe. Celui de Gerboise bleue, la première bombe atomique française d'une puissance quatre fois supérieure à celle larguée par les Américains sur Hiroshima, qui explosa le 13 février 1960 dans l'atmosphère de Reggane, figure sur une image d'archives déclassifiée, prise par les services photographiques de l'armée française, facilement accessible sur internet. Sans doute en est-il de même pour les trois essais atmosphériques qui suivirent. Quant à l'effigie de la personne en premier plan sur le timbre, elle proviendrait d'une photographie illustrant la couverture du numéro 315 daté du 21 mai 1973 de la série consacrée par la revue française Historia Magazine à la Guerre d'Algérie (Editions Jules Tallandier). C'est dire combien était légère la manière avec laquelle ce sujet gravissime fut traité par la poste algérienne. NB : Cet article est paru le 9 décembre 2015 sur le site www.philateliedz.com