Il doit quitter le Burundi aujourd'hui pour se rendre en République démocratique du Congo (RDC) voisine, deuxième étape d'une tournée africaine qui le mènera aussi au Soudan du Sud. Le Burundi est plongé dans une profonde crise depuis la candidature, fin avril, du président Pierre Nkurunziza, réélu en juillet pour un troisième mandat, que l'opposition, la société civile et une partie de son camp jugent contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha en 2000. Accord ayant ouvert la voie à la fin de la guerre civile entre 1993-2006 et inspiré la Constitution du 18 mars 2005. Comme il assure, par le système des quotas, l'équilibre du pouvoir entre ethnies et couches sociales et limite à deux le nombre de mandats présidentiels. L'Union africaine (UA) a annoncé, le 19 décembre, le déploiement d'une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), forte de 5000 hommes et d'une durée de six mois renouvelable, afin d'y enrayer le cycle des violences. Le gouvernement burundais en a rejeté le principe et prévenu que si l'UA devait l'imposer, la mission serait considérée comme une «force d'invasion et d'occupation». Elu pour un troisième mandat en transgressant la Constitution, le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, a plongé son pays dans l'instabilité. L'opposition, la société civile et une partie de son camp jugent ce mandat de trop, contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile (1993-2006) entre l'armée dominée alors par la minorité tutsi et des rébellions hutus. Suivent une tentative de coup d'Etat en mai, qui s'est soldée par un échec, et la répression brutale de six semaines de manifestations quasi quotidiennes menées, en conséquence, par les tenants du pouvoir. Ancien compagnon d'armes du président et ex-chef des services de renseignement burundais, l'auteur du coup d'Etat manqué de mai, le général Godefroy Niyombare, a été limogé en février de la tête des services de renseignement burundais par Pierre Nkurunziza auquel il a déconseillé de briguer un troisième mandat, jugé inconstitutionnel par ses adversaires. La réélection de P. Nkurunziza, lors d'un scrutin controversé à la mi-juillet, n'a pas empêché l'intensification des violences, désormais armées. Friction avec le Rwanda Le Burundi accuse souvent son voisin d'être à l'origine des troubles qui le secouent. L'ambassadeur burundais Albert Shingiro a réclamé, mercredi dernier, une réunion d'urgence du Conseil afin de «prendre des mesures appropriées» pour s'assurer que Kigali ne cherche pas à déstabiliser le Burundi. Dans une autre lettre au Conseil, l'ambassadeur de RDC, Ignace Gata Mavita, demande, lui, «d'inviter le Rwanda à respecter (ses) engagements internationaux et à arrêter sans délai ces recrutements et toutes les opérations qui s'en suivent». Le Conseil doit «condamner sans atermoiement ce comportement» de Kigali, ajoute la lettre. Des experts de l'ONU ont accusé, dans un récent rapport, le Rwanda de recruter et d'entraîner des réfugiés du Burundi afin de renverser son président Pierre Nkurunziza. Le gouvernement rwandais a toujours nié ces accusations. Selon la lettre de la RDC, ces réfugiés, une fois entraînés au Rwanda, «sont infiltrés en RDC», avec des fausses cartes d'électeurs «pour les faire passer pour des habitants de ce pays», puis introduits ensuite au Burundi. Vendredi dernier, le gouvernement du Burundi a appelé à un dialogue direct avec Kigali. «Le gouvernement du Burundi appelle le Rwanda à arrêter de déstabiliser notre pays.» D'où la nécessité d'«un dialogue direct entre Bujumbura et Kigali pour régler nos différends», a déclaré le premier vice-président burundais, Gaston Sindimwo. «On ne choisit pas ses voisins et, à ce titre, le Burundi et le Rwanda sont condamnés à s'entendre (…). Nous devons donc nous asseoir à la même table pour discuter et résoudre ces problèmes nés de l'immixtion rwandaise dans les affaires de notre pays», a-t-il observé. Et de poursuivre : «Dire que le Burundi fait face à un problème interne aujourd'hui, c'est faux. Tout le monde voit que l'instigateur principal des problèmes dans notre pays, c'est le Rwanda.» Le gouvernement burundais a organisé, le 13 février, des manifestations pour dénoncer «les actes d'agression» du Rwanda et de son président Paul Kagame contre le Burundi, accusant son voisin du Nord d'entraîner sur son sol des réfugiés burundais pour déstabiliser le régime du président Pierre Nkurunziza. Le Rwanda a annoncé, la veille, vouloir expulser les quelque 75 000 Burundais réfugiés sur son territoire vers d'autres pays, après que ces accusations aient été reprises par un groupe d'experts de l'ONU puis par les Etats- Unis.