Quelle belle journée du 1er mars à travers tout le pays : le cri d'un peuple qui n'en veut plus, qui n'en peut plus ni du 5e mandat de Bouteflika, ni de l'autoritarisme ! Des milliers, des centaines de milliers, sans doute des millions d'Algériens ont déferlé dans les rues de la capitale et des autres villes du pays pour crier leur colère et se faire enfin entendre par ceux qui se sont érigés depuis 1962 en «véritables tuteurs du peuple» et décider à sa place ce qui est bon pour lui ou ce qui ne l'est pas, et par la même de leurs «héritiers», peu glorieux qui, dans une danse du ventre effrénée autour d'un régime en fin de règne, s'entêtent à vouloir maintenir un système moribond, dont il est la dernière incarnation, il faut l'espérer. Hier, à la vue de ces milliers et centaines de milliers de jeunes, de moins jeunes, de femmes, de familles accompagnées de leur progéniture, arborant fièrement les couleurs nationales, converger vers les places des Martyrs, du 1er Mai ou de la Grande Poste, marchant pacifiquement et faisant preuve d'une maturité responsable, beaucoup ont eu l'agréable sensation, le sentiment de vivre une seconde indépendance des Algériens, leur affranchissement de l'autoritarisme ravageur, destructeur, tueur d'espérance dans l'avenir… Un sursaut dans la dignité après de dures épreuves, parfois sanglantes et tragiques, comme le fut la décennie noire, les répressions successives de toute tentative d'expression démocratique ou d'organisation indépendante en dehors des circuits officiels et enfin d'interdits renouvelés depuis une vingtaine d'années, comme celui de ne pouvoir manifester dans la capitale. Une deuxième journée de manifestations pacifiques et responsables, baignées d'une maturité politique inédite de ces millions d'Algériens qui ont administré un cinglant démenti aux propos irresponsables de «responsables», à l'instar d'Ahmed Ouyahia, prédisant le chaos, la «guerre civile comme en Syrie» à tous ceux qui ne veulent plus du 5e mandat de Abdelaziz Bouteflika. «Des pyromanes, avions-nous écrit, frappés d'un autisme politique sidérant qui les a rendus totalement sourds et aveugles aux attentes des millions de leurs concitoyens.» Hier, au cours de la seconde journée de protestation, une maturité politique était perceptible dans le moindre comportement des manifestants qui ont, de manière remarquable et inédite, répondu aux jets de gaz lacrymogènes des policiers par des applaudissements d'ensemble pour montrer le pacifisme qui les animait et dont ils étaient décidés à faire preuve jusqu'au dernier moment. «Sylmia» (Pacifique), repris par des millions de voix, et ces mères de famille exhortant des jeunes à ne pas faire preuve d'agressivité contre les agents de sécurité. Rarement un tel comportement a été observé, que ce soit chez nous ou à l'étranger, et où des chants de supporters que l'on n'entendait que dans les stades ont été «détournés» par des millions de jeunes pour scander des mots d'ordre éminemment politiques, comme le rejet du 5e mandat ou le plaidoyer pour une «Algérie libre et démocratique». Hier, les Algériens ont crié leur colère, leur mécontentement et leur aspiration à une nouvelle ère de justice, de démocratie. Seront-ils enfin entendus ?